Pour la première fois depuis le 7 octobre et cette guerre qui le mobilise vingt heures par jour, Benyamin Netanyahou s’autorise à sortir de son pays. Autant dire que le Premier ministre israélien mise gros sur sa visite officielle aux Etats-Unis. Préparée minutieusement par ses conseillers – qui ont réussi à vaincre les réticences de l’administration Biden -, elle s’inscrit dans un contexte imprévu : le retrait soudain du président américain de la course à sa réélection et la mise en orbite de Kamala Harris. "Je dirai à nos amis des deux camps que, quelque soit le prochain président que choisira le peuple américain, Israël restera l’allié indispensable et puissant des Etats-Unis au Moyen-Orient", a déclaré Netanyahou avant de monter dans l’avion, lundi matin.
Avant de rencontrer Donald Trump en Floride jeudi, Netanyahou s’exprimera mercredi après-midi devant une chambre bipartisane, point d’orgue de son voyage. Un honneur réservé à quelques rares chefs de gouvernement à travers l’histoire. "Quiconque se comporte de manière inappropriée pendant le discours de Netanyahou pourrait risquer l’arrestation", a prévenu Mike Johnson, le président de la Chambre des représentants face aux menaces de boycott et de manifestations hostiles brandies par plusieurs élus démocrates. Un climat qui traduit les tensions inédites suscitées par l’intervention militaire israélienne à Gaza. A mesure que les bombes s’abattent sur les populations civiles gazaouies, le soutien américain s’étiole. Sous la pression des étudiants propalestiniens et de l’aile gauche du Parti démocrate, Joe Biden a multiplié les condamnations et retardé plusieurs livraisons d’armes et de munitions. Vu de Jérusalem, Kamala Harris, la vice-présidente et désormais possible candidate à la présidentielle, apparaît comme le principal relais des contempteurs d’Israël à la Maison-Blanche. "Elle est souvent présentée comme le mauvais flic", plaisante Jacob Maguid, éditorialiste israélo-américain au Times of Israel.
Accompagné notamment par Noa Argamani, une jeune otage délivrée lors d’une opération commando au cœur de Gaza, Benyamin Netanyahou vient à Washington avec la ferme intention de regagner le cœur des Américains et de repousser les pressions diplomatiques. Depuis des semaines, l’administration Biden incite Israël à assouplir sa position dans les négociations avec le Hamas. En échange de la libération des otages, les Américains poussent à l’arrêt définitif des combats et au transfert à l’Autorité palestinienne du contrôle de plusieurs portions de la bande de Gaza, dont l’axe de Philadelphie qui longe la frontière avec l’Egypte. Un chiffon rouge pour les partis nationalistes israéliens. "Nous avons payé du sang de nos enfants chaque retrait territorial de Tsahal. Nous exigerons qu’un accord pour les otages soit négocié en position de force et non de faiblesse", assène Yaakov Nitzan, président du Forum "Courage" et père d’un soldat israélien tué dans la guerre de Gaza.
Benyamin Netanyahou a promis à ses partenaires de rester inflexible. Sur le bureau de son nouvel avion privé – un Boeing 767 baptisé "Ailes de Sion" -, il a disposé une casquette portant l’inscription "Jusqu’à la victoire totale". Une manière d’écarter toute trêve sans reddition du Hamas. "Les pays arabes s’inquiètent de cette visite, car ils ont compris que Netanyahou ne compte pas mettre fin à la guerre de sitôt. Il la prolongera probablement jusqu’au mois de novembre prochain, c’est-à-dire après les élections aux Etats-Unis, en espérant que le président Trump les remportera et offrira un soutien total à Israël dans toutes ses actions militaires", estime le géopolitologue israélien Yoni Ben Menahem.
Une prédiction réaliste, d’autant que le conflit pourrait s’étendre au nord et au sud d’Israël. Samedi dernier, l’armée israélienne a mené un raid impressionnant sur le port yéménite d’Hodeïda, aux mains des rebelles houthis qui attaquent régulièrement Israël. Selon plusieurs sources, les Etats-Unis auraient apporté leur aide à l’armée israélienne.