Une proposition de loi à l’Assemblée nationale pour revenir sur la réforme des retraites de 2023 ? C’est la promesse qu’a faite Mathilde Panot, ce mardi 23 juillet. La présidente du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale a affirmé ce matin au micro de France Inter que son groupe parlementaire déposerait le même jour "une proposition de loi pour abroger la réforme de la retraite à 64 ans".
Le Nouveau Front populaire avait fait de l’abrogation de cette réforme l’une de ses principales promesses en cas de victoire aux élections législatives et d’accès au gouvernement. Faute de prendre en main l’exécutif, comme ils le réclament depuis le 7 juillet dernier, La France insoumise a donc fait le choix d’une proposition de loi à l’Assemblée nationale.
Une initiative déjà soutenue par la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée, Cyrielle Chatelain. "Nous avons combattu ensemble contre la retraite à 64 ans. Nous déposons ensemble l’abrogation de la réforme des retraites. Et ensemble nous arriverons à convaincre l’Assemblée de mettre un terme à cette réforme injuste", a-t-elle affirmé ce mardi sur son compte X.
"Convaincre l’Assemblée", peut-être, mais qui ? Ce mercredi, un premier allié de circonstances s’est en tout cas déjà déclaré pour cette proposition : le Rassemblement national. "C’est fidèle à notre programme, donc nous la voterons", a assumé sur BFMTV Laurent Jacobelli, député RN de la Moselle, ouvrant donc des perspectives pour faire adopter ce texte. Avec les voix de l’ensemble des 193 députés des groupes du Nouveau Front populaire, et celles des 142 députés du Rassemblement national et du groupe d’Eric Ciotti, la majorité absolue (289 députés) serait assez largement dépassée. Mais même avec cette hypothétique majorité, Pourtant, plusieurs défis d’ampleur s’annoncent déjà pour voir une telle proposition aboutir prochainement - voire aboutir, tout simplement.
Le premier est une affaire de calendrier. Alors que les députés ont fait leur rentrée officielle la semaine dernière, l’Assemblée nationale a déjà suspendu ses travaux pour le reste de l’été, et leur retour ne devrait avoir lieu qu’en septembre.
Aussi, tant que le gouvernement démissionnaire reste en place, les groupes d'opposition ne disposent que d'une initiative parlementaire très faible. Pour voir cette proposition être discutée au sein de l’hémicycle, les premières dates envisageables seraient celles des niches parlementaires - ces journées où les groupes d’opposition ont champ libre pour mettre à l’ordre du jour les propositions de loi de leur choix. Or, la première niche de cette nouvelle législature a d’ores et déjà été attribuée le 31 octobre au… Rassemblement national. Qui pourrait donc devancer la gauche et déposer lui-même une telle proposition de loi.
La deuxième incertitude est directement liée à cette dernière possibilité : les députés de gauche voteraient-ils une loi déposée par le Rassemblement national, même sur l’une de leurs promesses phares ? Rien n’est moins sûr. Toujours au micro de France Inter ce matin, au moment d'être interrogée sur les potentiels partenaires au sein de l’hémicycle pour cette proposition, Mathilde Panot n’a pas semblé vouloir prendre en compte les voix des 142 députés du RN. "Nous n’avons jamais mis un bulletin de vote pour l’extrême droite, ni dans les urnes à l’Assemblée nationale, ni dans les motions de censure qu’ils déposaient. Nous n’avons jamais voté pour une des propositions qu’ils avaient faites", a insisté la présidente du groupe insoumis au Palais Bourbon.
"Le Rassemblement national a des députés, ils feront ce qu’ils veulent. Mais, aujourd’hui, y compris avec des députés de droite, des députés de Liot, les 193 députés du Nouveau Front populaire, nous avons la majorité pour abroger cette réforme des retraites", a également assuré Mathilde Panot. Une affirmation numérique contestée par le député RN Laurent Jacobelli ce mardi : "Cette proposition de loi ne passera pas sans les voix du Rassemblement national. […] Votre proposition passera grâce à nous, et il faudra que vous le disiez haut et fort", a-t-il clamé.
Enfin, troisième zone d’ombre : le comportement du Sénat. Contrôlé par les Républicains, celui-ci avait voté la réforme des retraites en 2023. Nul doute qu’il s’opposerait donc à une telle abrogation. En cas d’adoption à l’Assemblée suivraient donc des discussions sûrement tendues et un compromis bien difficile à trouver entre les deux chambres du Parlement. Sans compter sur le comportement d’un éventuel futur gouvernement : si celui-ci venait bien d’une - encore très hypothétique - alliance entre le camp présidentiel et les Républicains, celui-ci ferait également tout ce qui est en son pouvoir pour s’opposer à l’abrogation de la réforme de 2023.