A Saint-Léon, davantage qu’un enfant du pays, Gilbert Montagné, chemise blanche et lunettes noires, est prophète en son pays. Il est accueilli comme le messie par des embrassades, des accolades, des bourrades amicales dans le dos, des poignées de main chaleureuses, des rires, quelques larmes aussi. Autour de lui, une marée humaine. Un attroupement hétéroclite composé d’amis, de proches voisins, de lointaines connaissances, de simples curieux, d’admirateurs éperdus, voire de quelques randonneurs perdus là complètement par hasard.
Un vin d’honneur sur la place Gilbert MontagnéTel Moïse ouvrant les eaux, l’artiste fend la foule. Avec un petit mot sympa ou un grand sourire pour chacun. Un rapide sondage auprès d’une poignée d’ouailles saint-léonnaises nous confirme que « le père Gilbert » est « très humain ». C’est-à-dire (dans l’ordre ou le désordre) « généreux », « bienveillant », « disponible », « abordable », « authentique », « solaire », « énergique », « positif », « supergentil »…
A Saint-Léon, Gilbert Montagné, c’est un peu Saint-Gilbert réincarné en chanteur populaire. Vous ne trouverez personne pour dire autre chose que du bien de lui. Un vrai miracle. Mais il n’a même pas besoin de changer l’eau en vin. Pour faire la noce, un vin d’honneur offert par la mairie trône déjà sur la place de l’église. C’est le bain de foule des grands jours pour la star originaire du village. Il fait beau et chaud. On se croirait presque sous les sunlights des tropiques.
Mais au cœur de ce beau bourg, impossible de se tromper d’adresse. Depuis juillet 2022, cette place de l’église porte le nom de baptême du chanteur inscrit en toutes lettres sur une plaque bleue faisant foi : place Gilbert Montagné. Alors, depuis deux ans, comme une grand-messe à la bonne franquette, l’idole bourbonnaise des jeunes et des moins jeunes revient en pèlerinage sur ce site inauguré sous l’impulsion de Christian Lafaye, le maire de la commune. Pour le premier magistrat de Saint-Léon, c’est une façon de chanter les louanges du chanteur qu’il considère comme « le meilleur ambassadeur du Bourbonnais ».
Et pour l’auteur de « On va s’aimer », c’est l’occasion rêvée de prouver tout son amour à ce village et à ses habitants qu’il aime tant. En personne et mieux que personne, Gilbert Montagné l’exprime d’ailleurs lui-même. Avec l’accent bourbonnais, s’il vous plaît : « Quand j’rviens ici, c’très émouvant?! Et quand que j’y r’viens, j’parle en roulant les R. Paceque, mon gars, faut ben que j’te dise, mon père n’avait jamais perdu son accent. Donc, à Saint-Léon, j’cause comme lui?! » Son père repose au cimetière du village.
Tout comme sa mère. Mais les souvenirs du fils prodige de Saint-Léon sont bien vivants. Saint-Léon, c’est la localité rurale où, enfant, il passait d’inoubliables vacances pastorales chez sa grand-mère. Les premiers contacts avec la nature, le bétail et les odeurs des fermes, le bruissement du vent dans les feuillages des arbres, le silence, la mélopée soyeuse des rivières. Et puis, le chant inspirant des oiseaux. Plus particulièrement de l’un d’entre eux auquel, en quelque sorte, il doit sa carrière.
The Fool décolle… grâce à un oiseauC’est l’histoire des petits ruisseaux qui font les grands fleuves. Ou des petits cui-cui qui font les grandes chansons. A 16 ans, Gilbert Montagné entend le chant d’un oiseau qui piaille sur le chemin de Bologne, à Saint-Léon, près de l’étang Velin où sa grand-mère a l’habitude de laver son linge. Il part des premières notes. Une mélodie lui apparaît. Il l’enregistrera trois ans plus tard. C’est celle de The Fool. Le titre (mythique) figure sur un album réalisé à Londres avec les musiciens de Joe Cocker et les cordes d’Elton John, puis au château d’Hérouville par Patrick Blanc-Francart. Enorme, The Fool devient un tube mondial de l’année 1971. Numéro un au hit-parade de plusieurs pays. 53 ans plus tard, retour à la case départ. Guidé par le maire de Saint-Léon qui lui en a fait la surprise, Gilbert Montagné, escorté par plusieurs centaines de personnes, est retourné à la source de son inspiration première. Jusqu’à l’étang Velin d’où a jailli cette étincelle créative qui a embrasé plus d’un demi siècle de carrière. Une histoire en forme de conte. Presque une parabole bourbonnaise.