Vincent Ragot, Loïc Fournet et Benjamin Boury. Ces hommes ne vous disent rien ? Et pourtant, ils auront leur importance dans la quête de médailles de l’équipe de France aux Jeux olympiques cet été. Ils ont déjà une grande part de responsabilités dans le chemin qui a mené leur championne de compagne jusqu’à Paris 2024.
Récemment, dans un podcast de Directvelo, Audrey Cordon-Ragot, 34 ans, rappelait la place capitale de son mari, Vincent Ragot, dans sa carrière. L’intéressé, discret et modeste, préfère en sourire : « Si elle en parle, c’est qu’elle a quelque chose à me demander ». Il se reprend, plus sérieux : « Je pense que lorsque tu te sens aimé et soutenu, tu n’hésites pas à le partager ».
Réduits au rôle de compagnons de ?Avant de rencontrer sa compagne, Vincent, 40 ans, a collectionné les victoires face aux meilleurs cyclistes amateurs bretons dans les années 2010. Il était alors loin de s’imaginer que des filles pouvaient également rouler vite. « Je disais que le vélo n’était pas un sport de femmes, je n’y connaissais absolument rien, avoue-t-il. Puis Audrey m’a fait mal aux pattes à plusieurs reprises, j’ai donc changé mon fusil d’épaule. »
Aujourd’hui, pour beaucoup, il n’est plus le champion de Bretagne 2007. Il est le mari de… « Et ça m’énerve au plus haut point. »
Un statut bien connu par Loïc Fournet, 47 ans, qui partage sa vie avec l’athlète Mélina Robert-Michon depuis 24 ans. Il s’en accommode aisément : « C’est la vérité. Je suis son conjoint. Ma femme est plus connue. Je n’ai pas de problème par rapport à ça. »
À 34 ans, Benjamin Boury, marié à la basketteuse Sarah Michel-Boury, adopte la même posture : « Cela ne me gêne pas d’être le mari de… Après, c’est éphémère. Beaucoup mettent Sarah sur un piédestal mais peut-être que demain certains l’auront oubliée. » Pour lui, l’essentiel est ailleurs : « Peu importe d’être dans l’ombre ou la lumière, notre seul intérêt est de tout faire pour soutenir notre femme ».Sarah Michel et Benjamin Boury
La même passionCes trois-là possèdent un point commun : ils partagent (et pratiquent) la même passion que leur moitié. Si Loïc Fournet, ostéopathe, n’a plus le temps de lancer des disques, Vincent, mécanicien d’une équipe cycliste pro, et Benjamin, qui travaille dans l’industrie, partagent des sorties vélo ou des parties de basket avec leur partenaire, leaders de l’équipe de France. Sans affrontement frontal.
Pas de sprint pour Audrey Cordon. « J’aimerais qu’elle fasse davantage de pancartes (sprint aux entrées de village, NDLR) mais le cyclisme à l’ancienne, ce n’est pas trop son truc », explique Vincent. Pas de « un contre un » non plus pour Sarah Michel. « On veut éviter les blessures alors on attend sa retraite pour faire des oppositions », plaisante Benjamin, joueur de R2.
Une équipeEn fait, ces trois couples fonctionnent comme une « équipe » comme le dit joliment Loïc Fournet, par ailleurs entraîneur de Mélina, 44 ans : « Nous avançons dans un projet commun avec une direction commune et un objectif commun. Avec deux filles de 14 et 6 ans, il est souvent question d’organisation et de logistique mais la répartition des rôles se fait de manière implicite. C’est naturel. » Même posture pour Vincent : « Je m’occupe de ses vélos à la maison ». Cela le fait sourire, une nouvelle fois : « Je passe beaucoup de temps dans mon garage grâce… ou à cause de ma femme ».
Benjamin, lui, est une épaule sur laquelle se repose Sarah, une oreille attentive à ses confidences : « Après les matchs, on débriefe à quatre heures du matin. On parle des points positifs et négatifs ». Avant, comme tous, de passer à autre chose : « On ne parle pas que de sport ».
Mélina Robert-Michon et Loïc Fournet.
Pas d’influence sur les choix de carrièreDans les sports collectifs, les couples sont habitués à bouger au gré des transferts successifs. Originaire de Bourges, Benjamin aurait-il accepté de suivre sa femme, 35 ans, double championne de France avec les Tango (2018 et 2022) ? L’a-t-il poussée à rester dans le Cher ?
« Je ne me mêle pas de ses affaires, tranche-t-il. Si elle avait eu envie de partir, je l’aurais suivie en France ou à l’étranger. On en discute mais ce n’est pas moi qui prends la décision. » Vincent non plus ne se mêle pas des choix de carrière de la double championne de France sur route (2020 et 2022) : « Elle est très bien entourée. Je n’ai pas à la faire douter sur les décisions prises par son cercle de confiance ». « On discute mais au final c’est elle qui choisit », résume Loïc.
La carrière ou un bébé ?Ces hommes se mettent-ils également en retrait concernant leur envie de devenir papa ? Un bébé implique la mise entre parenthèses de la carrière de leur compagne. Ou, souvent, de retraite sportive. Et, donc, des choix difficiles. « Il y avait une volonté commune, détaille Loïc Fournet. Cela peut être un inconvénient mais Mélina a vu ses deux grossesses comme des périodes de pause, des moments de récupération sur une carrière longue (sélectionnée aux JO depuis 2000) ».
Vincent et Loïc, eux, ne semblent pas pressés. « J’ai toujours dit à ma femme qu’elle arrêtera sa carrière lorsqu’elle aura tout donné et qu’elle l’aura décidé, confie Vincent Ragot. Le sujet bébé est souvent abordé à la maison mais, pour le moment, il y a encore de belles choses à faire sur le vélo. » « Pour la petite anecdote, c’était soit on se mariait, soit on faisait un enfant, raconte Benjamin. On a choisi le mariage. » Le bébé attendra…
Kevin Cao Kevin.cao@centrefrance.com