"Un passeur" , c’est par ces mots que se définit Frédéric Prunier, l’un des derniers antiquaires de la cité des bords du Cher. En 1989, ce musicien originaire de Chartres (Eure-et-Loir) décide de poser ses valises au 6, quai de Favières. Le marchand a vu la profession se métamorphoser. Le succès du salon Antiquités brocante organisée tous les ans en novembre tend à le prouver : Montluçon et les antiquaires, c’est une histoire qui dure depuis des années.
Malgré la présence de trois antiquaires dans le centre et de nombreux brocantaires en périphérie comme Au Trésor de Saint-Victor, situé au pont des Nautes, l’activité a connu des jours meilleurs : "beaucoup de magasins ont mis la clé sous la porte" , admet Wilfrid Wendling dont la boutique se dresse 3, rue Porte-Saint-Pierre.
"Lutter contre une culture de l’éphémère"Installé depuis 2006, Christophe Guimarães d’Antiquités Saint-Pierre confirme que la profession a "décliné" avec l’arrivée d’Internet : "et depuis le Covid, c’est pire, les gens privilégient le virtuel", observe-t-il. Qu’il s’agisse de collectionneurs ou de clients occasionnels, les chalands ne se renouvellent pas. "C’est générationnel, je compte peu de jeunes dans ma clientèle", reconnaît Frédéric Prunier. Son confrère nuance : "les jeunes apprécient le vintage, mais ceux qui viennent sont surtout des connaisseurs".Ouverte depuis plusieurs décennies, la boutique Antiquités Quai Favières résiste à la concurrence sur Internet.
L‘ameublement de collection n’est pas très en vogue non plus. "Les clients mélangent le mobilier moderne à l’ancien", résume Wilfrid Wendling, fort de son expérience au marché aux puces de Paris. Frédéric Prunier estime qu’il n’est pas possible de "se battre contre la mode, la tendance est au modernisme". Alors, il s’agit selon lui du moment idéal pour faire de bonnes affaires : "on peut acquérir des meubles qui étaient estimés trois fois plus cher il y a vingt ans", confie l’artiste.
De leur côté, les dépôts-ventes proposant de la seconde main rencontrent le succès, à l’image du Trésor de Saint-Victor. Jean-Paul Miranda souhaitait proposer un "commerce à taille humaine destiné à ceux dans le besoin". Selon lui, ces boutiques doivent inciter à une évolution des pratiques.
"Les gens consomment plus qu’avant. Nous tentons de lutter contre une culture de l’éphémère", dit-il.
Les gens consomment plus qu’avant. Nous tentons de lutter contre une culture de l’éphémère.
Pour se différencier, ces professionnels doivent se spécialiser : "Je propose désormais des ouvrages régionaux", indique Frédéric Prunier. "Ils sont recherchés par les gens du coin". Christophe Guimarães souligne qu’il faut d’autant plus « trouver le compromis entre ce qui peut plaire aux clients et le coup de cœur".
"Un moment convivial"Pourtant, pour rien au monde ces insatiables collectionneurs ne changeraient de carrière : "Ce qui me plaît le plus, c’est l’enrichissement que j’ai au contact de ces œuvres", raconte Frédéric Prunier. Ce que cet antiquaire considère comme "un art de vivre" s’envisage aussi comme une invitation à la nostalgie. "C‘est un plaisir de voir les clients dénicher des objets de leur enfance. Cela crée de la discussion", sourit Fabienne, employée Au Trésor de Saint-Victor.
Wilfrid Wendling, toujours à la recherche "de belles choses qui sortent de l’ordinaire", est arrivé à Montluçon en 2023 "un peu par hasard". Il n’hésite pourtant pas quand il évoque cette vocation : "j’aime rencontrer les acheteurs, c’est une des raisons pour lesquelles j’exerce ce métier". Christophe Guimarães ressent aussi l’envie de "partager ses connaissances avec les clients".
Dans ces derniers bastions de la mémoire, on sert le café aux clients et on prend le temps de papoter. "Ici, on cherche avant tout à passer un moment convivial", souligne Jean-Paul Miranda.
Pratique :Antiquités Favières. 6 Quai Favières, 03100 Montluçon. tel. 06 88 71 45 46Antiquités Saint-Pierre. 3 Place Saint-Pierre, 03100 Montluçon tel. 06 76 04 69 33Art Patrimoine. 3 Rue Porte Saint Pierre. tel. 0683084202Au Trésor de Saint-Victor. ZAC du Pont des Nautes, 10 Rue du Commerce, 03410 Saint-Victor. tel. 04 70 28 00 26
Céline Deveau
