Quelle que soit l’issue du scrutin de novembre, l’image de Donald Trump visage rageur ensanglanté et poing levé restera comme l’instantané-clé d’une campagne électorale d’une violence inouïe.
"L’homme providentiel"Quarante-huit heures après cette tentative d’assassinat avortée, le « miraculé » sort renforcé et plus que jamais favori dans son duel face à Joe Biden. « Sur les photos, il incarne à merveille le héros blessé mais debout qui affiche un sang froid étonnant, jusqu’à résister aux membres du “Secret service” voulant le mettre à l’abri. Cette stature va totalement dans le sens de ce qu’il décrit depuis des mois, à savoir celle de l’homme providentiel, celui qui peut sauver l’Amérique du massacre commis à ses yeux par les Démocrates. Il est le sauveur et presque l’envoyé de Dieu tant il y a désormais une notion quasi mystique car à deux centimètres près, il était mort. Le contraste avec un Biden vieillissant et balbutiant est saisissant et va encore être amplifié par son triomphe annoncé à la convention républicaine à Milwaukee cette semaine », analyse Dominique Simonnet, spécialiste des États-Unis et co-auteur avec Nicole Bacharan du livre Les grands jours qui ont changé l’Amérique (Perrin).
"Renforcé dans une certaine mesure"« Donald Trump sort renforcé mais juste dans une certaine mesure, nuance Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas. Il apparaît comme une victime et attire naturellement la bienveillance des Américains les plus gentils. Et comme il essaie, au même titre que Joe Biden, de séduire les indécis, il marque là un point important. La limite à cela, c’est que 95 % Américains savent déjà pour qui ils vont voter. Cela se joue juste sur cette frange de 5 %. »« Une décision personnelle »Cet épisode est tout sauf une bonne nouvelle pour le président sortant, en perdition depuis son naufrage lors du premier débat télévisé fin juin face au magnat de l’immobilier. La question de son retrait de la course au profit de sa vice-présidente Kamala Harris va-t-elle dès lors se poser avec plus d’insistance ? « De mon point de vue, ce n’est plus possible, tranche Jean-Éric Branaa. Tout simplement parce qu’après cette tentative d’assassinat de Trump, la dynamique en faveur des Démocrates vient de retomber. Changer en plus de capitaine maintenant rajouterait de la confusion et ne pourrait être que désastreux pour eux. C’est un geste qui serait incompris. Joe Biden est condamné à continuer, en tout cas pour l’instant. »
"Convaincre le grand-père..."« Joe Biden subit de fortes pressions de ténors du parti, de donateurs et de personnalités comme George Clooney pour qu’il se retire, intervient Dominique Simonnet. Ce n’est simplement pas le moment après ce drame et la tenue de la convention républicaine. Après, que va-t-il se passer ? Le président sortant semble plus combatif que jamais. Il martèle qu’il est le premier à pouvoir battre Trump. Maintenant, l’hypothèse Kamala Harris, qui ferait mieux selon certains sondages et dispose de sérieux atouts, a pris de l’épaisseur. Reste qu’il faudrait que le passage de témoin n’intervienne pas trop tard, sinon cela risque d’être la pagaille à la convention démocrate du 19 au 22 août à Chicago. En attendant, le parti est un peu dans la situation d’enfants qui essaient de convaincre leur grand-père de 80 ans d’arrêter de conduire parce que cela devient dangereux. Nous ne sommes pas là sur une décision politique mais personnelle. »
"Biden s'est trompé de campagne"Une chose est sûre, le momentum est clairement en faveur de Donald Trump. « Nous sommes à la 80e minute de jeu. Il mène trois buts à zéro et il a un pénalty à tirer, image Jean-Éric Branaa. Il était déjà en tête dans tous les “swing states”. Joe Biden s’est, à mon sens, trompé de campagne. Au lieu d’attaquer Donald Trump et de se laisser entraîner dans une bagarre à grands coups de téstostérone, il aurait dû se présidentialiser davantage, ce qu’il a fait avec son discours appelant à l’unité dans la nuit de dimanche. Mais celui qui rafle encore la mise sur cette séquence, c’est Donald Trump. Son appel à l’unité est tellement inattendu dans sa bouche que c’est lui qui marque à nouveau et double la mise. »
Dominique Diogon
Photo Rebecca Brooke/AFP