« Toutes les cordes sont des lignes avec des morsures et des bouts amers. »
Après être restée un long moment en résidence sur l'île de Vassivière, Nadia Myre expose jusqu'à la fin de l'année au Centre International d'Art et du Paysage (Ciap) les fruits de ses questionnements sur l'identité, la langue, la traduction et l'appropriation entre les cultures à travers le temps.
Face à l'océan
"Dans le sillage des ombres", exposition Lignes & cordes de Nadia MYRE au Centre international d'art et du Paysage de Vassivière, photo Bruno Barlier
Dans le phare du Centre d'Art, tout d'abord où une vidéo est projettée. Celle-ci donne à voir l'ombre silencieuse d'une personne qui pourrait sortir tout droit des Voyages de Gulliver : un Lilliputien, se tient par magie, debout, dans un hublot qui se trouve changé en grotte, face à l'océan. Apparait à l'image, une ligne d'horizon qui tangue dans l'immensité, pour se changer en ligne de contact entre les différents mondes figurés par l'artiste. Où sur les murs de la nef du Cente d'Art des écritures et des lignes vont s'entrecroiser. De ce bateau à la coque inversée sur lequel nous sommes embarqués, on entendrait presque les clapotis de l'eau et des rafales se mesurant à la matière.
L'univers dans sa complexité
Exposition Lignes & cordes de Nadia MYRE au Centre international d'art et du Paysage de Vassivière. Nadia Myre devant un ensemble de céramiques tubulaires et courbées "Vos vagues de désir nous submergent", photo Bruno Barlier
Ici, tout l'univers est présenté dans sa complexité : un mouvement avance vers sa capture, une échelle faite de cordes nouées se trouve figée dans le bronze, une autre constituée de piques de bambou fragiles et flexibles semble nous inviter à une impossible ascension. Mais revenons à cette grotte dans laquelle Nadia Myre continue de se projeter. À tous ces questionnements portant sur l'appropriation, l'interprétation, la traduction et la réitération. Jusqu'à cette forte envie de comprendre les hommes et les liens historiques pouvant exister entre l'Europe et l'Amérique du Nord, ainsi que toutes les formes de colonialisme qui perdurent dans nos sociétés contemporaines.
Des lignes visibles et invisiblesExposition Lignes & cordes de Nadia MYRE au Centre international d'art et du Paysage de Vassivière l'artiste. Nadia Myre devant l'installation "Morsures et bouts amers", photo Bruno Barlier
Cette œuvre ne nous incite pas à monter, mais à entrer en nous-même, comme aime à le rappeler l'artiste, qui nous encourage d'ailleurs à contempler nos ascensions personnelles. A l’instar de toutes ces lignes visibles et invisibles, à toutes ces lignes et ces cordes projetées à travers les images de cette vidéo diffusée dans le petit théâtre du Ciap, dans le mouvement des vagues, leur flux et leur reflux, dans l'alternance des jours et des nuits.
L'artiste canadien Jeremy Shaw tend « une ligne entre le ciel et la terre » au centre d'art de Vassivière
Une ligne d'horizon qui a du mal à rester en place, mais qui toujours répond comme un écho à tout ce qui est déjà là. Cette eau qui se change en peinture dans la grotte, en empreintes sur un mur de la nef en s'appuyant sur les sons de la parole, une représentation graphique inscrite dans une forme codée qui s'écoule sur cette même paroi. Une fresque qui, à l'inverse de celle de Fellini dans Roma, ne s'effacera pas. Et dans le vent qui siffle au dehors du centre d'Art et au dedans dans le petit théâtre, le sublime reste en place en ce faisant contact.
Bruno Barlier