L’étalon noir ! À l’évocation de cette série TV, les yeux de Stéphane Dell’Aquila s’allument. « Ma passion pour le cheval est née en regardant ce feuilleton. Et puis un jour, on m’a posé sur une selle – j’avais 5 ou 6 ans – et c’était comme un courant qui m’a traversé. Dès lors, je n’ai plus lâché mes parents jusqu’à ce qu’ils m’inscrivent dans un haras. » Le coup de foudre ne s’est jamais démenti.
À l’école de jockey. « Plus tard, j’ai eu mon cheval, Pépito, même pas débourré. Toutes mes premières expériences se sont faites avec lui, ou plutôt sur lui. J’ai pris de belles gamelles, il me reste quelques cicatrices. » Tout juste adolescent, Stéphane quitte le giron familial pour rejoindre l’école de jockey d’obstacles à Graignes. « Trois ans, une discipline de fer. » Au point que son temps d’armée dans les paras lui paraîtra comme une parenthèse au Club Med. Entre-temps, il a fait la connaissance d’un jockey reconnu. « Il m’a dit, brut de décoffrage : “Tu chausses déjà trop grand, tu n’auras pas la bonne taille pour être jockey. Oriente-toi vers le trot.” Ça reste encore une frustration parce que mon truc, c’était le galop. »
Installé à Vichy. Et du trot, pourtant, il a fait son métier en s’installant définitivement à Vichy. « En fait, je suis toujours revenu à l’hippodrome après mes diverses expériences ailleurs, jusqu’à m’y mettre à mon compte. J’aime ce lieu, j’aime la ville. » Stéphane s’associe avec un propriétaire. Parmi les chevaux de ce dernier, « une jument, Heven, acquise pas cher - personne n’en voulait - je lui ai tout appris. Nous avons gagné les deux premières courses dans lesquelles je l’avais inscrite. Un formidable souvenir ! La jument est partie ailleurs, mais je sais qu’elle a fait pas mal d’argent. »
Dresser, entraîner… « Un formidable souvenir », d’autant que notre homme a peu drivé en fait. « Je ne pense pas être un pur driver – encore une fois, mon truc, c’était monter sur une selle – par contre, j’adore dresser une bête, l’entraîner, chercher à en tirer le meilleur. » On veut bien le croire quand on le voit caresser et parler à l’oreille de son cheval Bernazan.
Une idée du président Bouchara. L’empathie dégagée par Stéphane, ainsi que son charisme de cow-boy un brin solitaire, ont dû inspirer Philippe Boucharra, le président de la société des courses de l’hippodrome. « Un jour, il m’a posé la question de savoir si je serais d’accord pour faire des baptêmes en sulky, que cela pourrait constituer une animation sympa les jours de courses. »
Pas convaincu du côté show. « Franchement, je n’y croyais pas trop. Mais bon, nous avons essayé. Et bingo, une petite centaine de candidats la première année. Nous en sommes à plus de 300 actuellement. Une vraie réussite ! »
Des étalons mis en retraite et choisis pour leur caractèreDerrière les baptêmes, il y a toute une organisation voir un état d’esprit. Il y a des chevaux surtout. Stéphane Dell’Aquina a une affection particulière pour des derniers.
« Quand l’idée de baptêmes a été lancée, j’ai dit au président qu’il nous fallait faire le choix d’une bête spéciale. Un trotteur confirmé déjà, habitué aux ambiances bruyantes des champs de course. Un cheval calme, facilement abordable par un public novice. J’avais mon réseau. »
Bien-être animal. En fait, il faut savoir qu’en France la législation sur le bien-être animal ne permet pas à un cheval de plus de huit ans de courir. « Dans certains pays, on les épuise beaucoup plus. Or un cheval n’est vraiment adulte qu’à partir d’une dizaine d’années. C’est dire s’ils peuvent encore travailler si on s’en occupe bien. »
Les baptêmes vont donc être lancés avec un seul cheval mais devant le succès, il faudra faire l’acquisition d’un second et depuis cette saison d’un troisième. « J’estime qu’un cheval peut faire trois baptêmes par jour, d’où une nécessaire rotation. » Chaque baptême dure 20 minutes. « Les jours de course, c’est un peu plus tendu. En semaine, on prend le temps de préparer la bête avec la personne. »
D’avril à octobre. Les baptêmes s’alignent à peu près sur la saison de l’hippodrome, d’avril à octobre. Le reste de l’année, Bernazan, Eliot et Boléro le passent au pré. « Dès mars, je les reprends et les remets en condition. Quand, je les jugerai trop fatigués, on choisira des particuliers qui leur offriront une belle fin de vie loin des passions humaines. »
En attendant, Stéphane apprécie ces moments complices avec ses passagers. « Il y a ceux qui ont plein de questions à poser, ceux qui vivent l’instant en silence. Et puis les enfants, c’est toujours particulier avec eux, leur façon d’exprimer leur émerveillement. »
Il faut dire que le postérieur est à rien de la piste quand sur les derniers hectomètres du baptême, elle défile à 40 km/h. Show devant !