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La nature existe-t-elle ?

Peut-on renoncer à l’opposition nature/culture, comme y invite l’anthropologue Philippe Descola dans Par-delà nature et culture ? La proposition centrale de cet ouvrage majeur est de s’affranchir de concepts et à de distinctions pourtant consacrés par l’histoire de la philosophie. Dès sa première expérience de terrain, chez les Achuar d’Amazonie, Descola commence, écrit-il, à « comprendre que les notions de nature et de société n’ont aucun sens ». La nature serait, selon lui, une invention de la modernité européenne, qu’il date du XVII e siècle, sur le terreau de la révolution scientifique galiléo-cartésienne. S’il faut se passer de son concept, c’est parce qu’il va de pair avec la séparation progressive des humains vis-à-vis des non-humains, installant les premiers dans une position de supériorité moralement inacceptable. On sait le succès de ces thèses : pour des raisons politiquement consistantes (les préjugés attachés à l’idée de nature se traduisent en inégalités, discriminations, voire génocides), elles sont en passe d’acquérir le statut de pensée dominante. C’est pourquoi la déconstruction des fondements philosophiques de la pensée de Descola qu’entreprend Patrick Dupouey, nourrie d’une connaissance approfondie des travaux de l’anthropologue et d’une authentique admiration pour le savant, est précieuse. Nature du naturalisme Dans la mesure où Descola justifie politiquement ses thèses, Dupouey s’efforce de montrer que, même sur ce terrain-là, l’idée de nature et l’opposition nature/culture nous sont utiles : combattre les préjugés qui tiennent à la supposée naturalité de l’ordre social suppose d’exhiber leur origine culturelle. N’avons-nous pas le plus grand besoin de l’opposition nature/culture afin de contester l’existence d’obligations naturelles qui, par exemple, assigneraient les femmes à la procréation et aux soins à leur progéniture ? Mais l’essentiel des critiques du philosophe à l’anthropologue se situe sur le terrain philosophique. Nous retiendrons, tout à fait subjectivement, quelques aspects de la démonstration de l’auteur. Descola définit le naturalisme comme la manière occidentale d’organiser le monde. Et cette manière impliquerait le refus d’accorder toute intériorité aux non-humains. Ce n’est évidemment pas la définition que le philosophe retiendra, quelles que soient ses convictions : le naturalisme consiste à considérer que tous les effets et toutes les causes, qu’on les décrive en termes physiques, chimiques, biologiques, psychologiques ou sociologiques, sont des effets et des causes naturels. Laissant ce désaccord de côté, on peut se demander s’il est nécessaire de subjectiver les non-humains. Il le faudrait, pour Descola, parce que l’exploitation et la domination seraient fondées sur l’objectivation. Même lorsque nous accordons des droits à des espèces animales non humaines, nous ne pourrions nous départir de l’anthropocentrisme, conçu ici comme une violence. Mais finalement, que peut-on espérer d’une autre approche, qui ferait des animaux non humains des sujets ou des individus vis-à-vis desquels s’appliquerait un principe d’égal traitement ? Peut-on croire que les animaux non humains seraient alors mieux protégés de nos indignes traitements ? La conversion récente du regard que portent les sociétés occidentales sur les non humains démontre qu’on peut aussi compter sur les capacités dont l’histoire évolutive nous a dotés pour nous préoccuper de la protection des autres espèces. Ce point de vue, anthropocentriste, n’entraîne pas nécessairement mépris ou indifférence aux souffrances de celles-ci. Nul besoin d’abolir les frontières entre nous et l’animal non humain pour reconnaître nos devoirs envers ce dernier. Il est, à ce sujet, paradoxal que les plus fervents critiques du recours à la génétique pour expliquer nos comportements répètent à satiété la thèse selon laquelle l’humain n’a que 1% de différences génétiques avec le chimpanzé, ce qui revient à définir l’humanité par ses gènes, et surtout à croire que leurs effets qualitatifs se mesurent à leur nombre. Ceux qui, comme Descola, promeuvent l’indistinction, obéissent au culte de l’égalité (qui ne doit pas être confondu avec son principe), que Tocqueville considérait comme une perversion de la démocratie, laquelle est fondamentalement une organisation des séparations. Ce culte peut en effet se transformer en passion dominante au détriment de la quête de vérité et de l’exigence d’objectivité, puisqu’il n’attribue aucun privilège à la science dans la compréhension du réel. On comprend à ce point comment la caractérisation fautive de ce qu’est le naturalisme philosophique (considéré par Descola comme le « bras armé du capitalisme ») conduit à des conclusions fragiles du point de vue philosophique. Dupouey fait appel à l’un des principaux fondateurs des sciences sociales, Durkheim, pour le démontrer. Le sociologue formulait une recommandation apparemment paradoxale : il faut traiter les faits sociaux comme des choses, autrement dit adopter vis-à-vis d’eux une certaine attitude mentale. Les objets du monde ne se répartissent pas en phénomènes sociologiques, psychologiques, physiques, etc. Ce sont les questions que nous posons qui transforment ces phénomènes en données pour une discipline particulière. Observer une certaine attitude mentale, c’est précisément ce que fait, rappelle Dupouey, le naturalisme philosophique. Ce dernier ne postule pas que tout est physique (attitude qui caractérise le physicalisme ou, si l’on préfère, le matérialisme) : il suppose, dans une perspective fortement défendue par Lévi-Strauss, « qu’il est possible de rapporter les phénomènes humains, y compris dans leur dimension spirituelle, à un ordre intelligible, c’est-à-dire les appréhender comme soumis à des lois » 1 . Or, Descola semble confondre naturalisme et physicalisme, ce qui le conduit à faire du naturalisme une ontologie (définie comme l’inventaire du mobilier du monde) dont l’un des traits serait l’opposition des humains et des non-humains. Pourtant, s’il n’est plus possible aujourd’hui de défendre cette opposition en philosophie, c’est bien parce qu’un projet philosophique « inauguré dès le moment cartésien chez Spinoza, et qui se poursuit – parallèlement au matérialisme – avec les Lumières françaises et écossaises […], enfin au XX e siècle chez un Quine, un Putnam ou un Dennett » 2 , a réintégré l’homme dans la nature. Aussi doit-on, contrairement à ce qu’écrit Descola dans Être au monde (« depuis plusieurs siècles en Europe, la nature se caractérise par l’absence des humains »), voir dans le naturalisme philosophique, d’abord chez Spinoza, l’antidote à l’exceptionnalité humaine. L’intérêt majeur de la démonstration de l’auteur est qu’elle permet de décrire l’unité de la conception philosophique de Descola. Aussi la confusion sur le naturalisme n’est-elle pas sans lien avec un fort ancrage relativiste. Le sacrifice de l’universel L’anthropologie, par la collecte des variations culturelles, est la discipline qui atteste de la contingence de formes culturelles au sein d’une humanité possédant, en tant qu’espèce, une incontestable unité biologique. Mais sa tâche ne se limite évidemment pas à l’inventaire de ces formes. Elle fait le pari qu’il existe des nécessités sous-jacentes intelligibles . Un relativisme culturel modéré, méthodologique en quelque sorte, est inséparable de la démarche anthropologique. Mais ce geste originel ne doit pas conduire à l’idée d’une totale discontinuité entre les cultures, d’une incommensurabilité entre elles, c’est-à-dire à un relativisme culturel radical auquel Descola donne le sentiment d’adhérer. Douter de l’universalité de certaines choses, ce n’est pourtant pas « ruiner toute prétention à l’universalité » 3 . Est-il réellement impossible d’adopter le « point de vue de nulle part » (selon l’expression de Thomas Nagel), c’est-à-dire de parvenir à un décentrement critique, tel qu’y parviennent Montaigne (la leçon des cannibales) ou Montesquieu (le Persan) ? Cette question est essentielle car « il y va de la possibilité d’une connaissance objective et d’une science immunisée contre les objections perspectivistes » 4 . Or Descola, non sans contradiction (puisque, pour lui, la diversité est une valeur universalisable ), ne pense pas possible de parvenir au point de vue de nulle part. Comment alors comprendre l’universel de la raison et des droits ou celui de la science sans la présomption de l’égale applicabilité des concepts à toutes les situations et à toutes les régions du monde ? L’appartenance de genre, la condition raciale, l’héritage social ne sauraient constituer les conditions contraignantes de l’exercice intellectuel. Descola s’oppose à l’affirmation réaliste d’un monde unique et vrai, d’un réel non seulement indépendant mais connaissable, au profit de celle, constructiviste (ou corrélationniste), d’un monde qui n’aurait de réalité que corrélative à l’identité et à la situation du sujet qui le perçoit. On voit à quelles conséquences indésirables une telle position est exposée. La moindre n’est pas d’entretenir une forte méfiance à l’égard de la démarche scientifique. Dupouey relève le grand nombre de formules « constituant autant de coups d’épingle contre le crédit qu’il est raisonnable d’accorder à la science » 5 . Cette position sceptique est requise par son relativisme généralisé, lequel implique également l’incomparabilité des ontologies au point de vue de leur vérité. L’influence foucaldienne est ici perceptible, tout particulièrement la confusion, dénoncée par Jacques Bouveresse, entre être tenu pour vrai et être vrai, autrement dit entre les conditions historiques et sociales de production du savoir et la vérité comme relation entre un énoncé et un fait : comme l’écrit de manière suggestive Jean-Jacques Rosat, « si Dreyfus avait été soumis au régime de l’ordalie et, dans ce système, déclaré coupable, il n’en serait pas moins resté innocent » 6 . En défendant l’idée qu’il existerait autant de mondes que de « collectifs humains », Descola hypothèque la possibilité d’une connaissance possédant une valeur et une portée universelles. C’est pourquoi, conclut justement l’auteur, « l’universalisme est solidaire de l’affirmation d’un certain réalisme » 7 . À l’évidence, les intentions généreuses que Descola met au principe de sa démarche sont desservies par la renonciation à rechercher, parce que nées en Occident, des catégories effectivement plus conformes à la texture et à la structure des choses, celles-là mêmes que la science moderne se propose de mettre au jour. Or, Descola, opposé à toute démarche métaphysique, est indifférent à l’étude de la structure fondamentale de la réalité. Il n’entre pas dans son projet de déterminer les propriétés des choses, de décrire l’ameublement ultime du monde, ces objectifs supposant de concevoir une nature indépendante de la connaissance que nous pouvons en avoir. L’anthropologue ne se préoccupe nullement des rapports qu’entretiennent la philosophie et la science : cette dernière doit dire quels sont, parmi les possibles logiques, ceux qui se trouvent effectivement actualisés dans le réel. Un tel objectif peut-il être disqualifié en l’assignant à son origine ? Descola, citant Whitehead, rappelle que les « bords de la nature sont toujours en lambeaux » : devrions-nous alors nous abstenir d’examiner la forme de ses contours ? La réponse de Patrick Dupouey, dans sa magistrale leçon, ne laisse pas de place au doute.   * Crédit photo : “Macro Photography of Tree” © Pixabay from Pexels . Notes : 1 - Dupouey, page 88 2 - Dupouey, p. 111 3 - Dupouey, p. 146 4 - Dupouey, p. 150 5 - note 1, p. 172 6 - Jean-Jacques Rosat, in Paul Boghossian 2006), La peur du savoir , Agone, 2009, p. 175. 7 - p. 189-190

Peut-on renoncer à l’opposition nature/culture, comme y invite l’anthropologue Philippe Descola dans Par-delà nature et culture ? La proposition centrale de cet ouvrage majeur est de s’affranchir de concepts et à de distinctions pourtant consacrés par l’histoire de la philosophie. Dès sa première expérience de terrain, chez les Achuar d’Amazonie, Descola commence, écrit-il, à « comprendre que les notions de nature et de société n’ont aucun sens ». La nature serait, selon lui, une invention de la modernité européenne, qu’il date du XVIIe siècle, sur le terreau de la révolution scientifique galiléo-cartésienne. S’il faut se passer de son concept, c’est parce qu’il va de pair avec la séparation progressive des humains vis-à-vis des non-humains, installant les premiers dans une position de supériorité moralement inacceptable. On sait le succès de ces thèses : pour des raisons politiquement consistantes (les préjugés attachés à l’idée de nature se traduisent en inégalités, discriminations, voire génocides), elles sont en passe d’acquérir le statut de pensée dominante. C’est pourquoi la déconstruction des fondements philosophiques de la pensée de Descola qu’entreprend Patrick Dupouey, nourrie d’une connaissance approfondie des travaux de l’anthropologue et d’une authentique admiration pour le savant, est précieuse.

Nature du naturalisme

Dans la mesure où Descola justifie politiquement ses thèses, Dupouey s’efforce de montrer que, même sur ce terrain-là, l’idée de nature et l’opposition nature/culture nous sont utiles : combattre les préjugés qui tiennent à la supposée naturalité de l’ordre social suppose d’exhiber leur origine culturelle. N’avons-nous pas le plus grand besoin de l’opposition nature/culture afin de contester l’existence d’obligations naturelles qui, par exemple, assigneraient les femmes à la procréation et aux soins à leur progéniture ?

Mais l’essentiel des critiques du philosophe à l’anthropologue se situe sur le terrain philosophique. Nous retiendrons, tout à fait subjectivement, quelques aspects de la démonstration de l’auteur.

Descola définit le naturalisme comme la manière occidentale d’organiser le monde. Et cette manière impliquerait le refus d’accorder toute intériorité aux non-humains. Ce n’est évidemment pas la définition que le philosophe retiendra, quelles que soient ses convictions : le naturalisme consiste à considérer que tous les effets et toutes les causes, qu’on les décrive en termes physiques, chimiques, biologiques, psychologiques ou sociologiques, sont des effets et des causes naturels.

Laissant ce désaccord de côté, on peut se demander s’il est nécessaire de subjectiver les non-humains. Il le faudrait, pour Descola, parce que l’exploitation et la domination seraient fondées sur l’objectivation. Même lorsque nous accordons des droits à des espèces animales non humaines, nous ne pourrions nous départir de l’anthropocentrisme, conçu ici comme une violence. Mais finalement, que peut-on espérer d’une autre approche, qui ferait des animaux non humains des sujets ou des individus vis-à-vis desquels s’appliquerait un principe d’égal traitement ? Peut-on croire que les animaux non humains seraient alors mieux protégés de nos indignes traitements ? La conversion récente du regard que portent les sociétés occidentales sur les non humains démontre qu’on peut aussi compter sur les capacités dont l’histoire évolutive nous a dotés pour nous préoccuper de la protection des autres espèces. Ce point de vue, anthropocentriste, n’entraîne pas nécessairement mépris ou indifférence aux souffrances de celles-ci. Nul besoin d’abolir les frontières entre nous et l’animal non humain pour reconnaître nos devoirs envers ce dernier. Il est, à ce sujet, paradoxal que les plus fervents critiques du recours à la génétique pour expliquer nos comportements répètent à satiété la thèse selon laquelle l’humain n’a que 1% de différences génétiques avec le chimpanzé, ce qui revient à définir l’humanité par ses gènes, et surtout à croire que leurs effets qualitatifs se mesurent à leur nombre. Ceux qui, comme Descola, promeuvent l’indistinction, obéissent au culte de l’égalité (qui ne doit pas être confondu avec son principe), que Tocqueville considérait comme une perversion de la démocratie, laquelle est fondamentalement une organisation des séparations. Ce culte peut en effet se transformer en passion dominante au détriment de la quête de vérité et de l’exigence d’objectivité, puisqu’il n’attribue aucun privilège à la science dans la compréhension du réel.

On comprend à ce point comment la caractérisation fautive de ce qu’est le naturalisme philosophique (considéré par Descola comme le « bras armé du capitalisme ») conduit à des conclusions fragiles du point de vue philosophique. Dupouey fait appel à l’un des principaux fondateurs des sciences sociales, Durkheim, pour le démontrer. Le sociologue formulait une recommandation apparemment paradoxale : il faut traiter les faits sociaux comme des choses, autrement dit adopter vis-à-vis d’eux une certaine attitude mentale. Les objets du monde ne se répartissent pas en phénomènes sociologiques, psychologiques, physiques, etc. Ce sont les questions que nous posons qui transforment ces phénomènes en données pour une discipline particulière. Observer une certaine attitude mentale, c’est précisément ce que fait, rappelle Dupouey, le naturalisme philosophique. Ce dernier ne postule pas que tout est physique (attitude qui caractérise le physicalisme ou, si l’on préfère, le matérialisme) : il suppose, dans une perspective fortement défendue par Lévi-Strauss, « qu’il est possible de rapporter les phénomènes humains, y compris dans leur dimension spirituelle, à un ordre intelligible, c’est-à-dire les appréhender comme soumis à des lois »1. Or, Descola semble confondre naturalisme et physicalisme, ce qui le conduit à faire du naturalisme une ontologie (définie comme l’inventaire du mobilier du monde) dont l’un des traits serait l’opposition des humains et des non-humains.

Pourtant, s’il n’est plus possible aujourd’hui de défendre cette opposition en philosophie, c’est bien parce qu’un projet philosophique « inauguré dès le moment cartésien chez Spinoza, et qui se poursuit – parallèlement au matérialisme – avec les Lumières françaises et écossaises […], enfin au XXe siècle chez un Quine, un Putnam ou un Dennett »2, a réintégré l’homme dans la nature. Aussi doit-on, contrairement à ce qu’écrit Descola dans Être au mondedepuis plusieurs siècles en Europe, la nature se caractérise par l’absence des humains »), voir dans le naturalisme philosophique, d’abord chez Spinoza, l’antidote à l’exceptionnalité humaine.

L’intérêt majeur de la démonstration de l’auteur est qu’elle permet de décrire l’unité de la conception philosophique de Descola. Aussi la confusion sur le naturalisme n’est-elle pas sans lien avec un fort ancrage relativiste.

Le sacrifice de l’universel

L’anthropologie, par la collecte des variations culturelles, est la discipline qui atteste de la contingence de formes culturelles au sein d’une humanité possédant, en tant qu’espèce, une incontestable unité biologique. Mais sa tâche ne se limite évidemment pas à l’inventaire de ces formes. Elle fait le pari qu’il existe des nécessités sous-jacentes intelligibles. Un relativisme culturel modéré, méthodologique en quelque sorte, est inséparable de la démarche anthropologique. Mais ce geste originel ne doit pas conduire à l’idée d’une totale discontinuité entre les cultures, d’une incommensurabilité entre elles, c’est-à-dire à un relativisme culturel radical auquel Descola donne le sentiment d’adhérer.

Douter de l’universalité de certaines choses, ce n’est pourtant pas « ruiner toute prétention à l’universalité »3. Est-il réellement impossible d’adopter le « point de vue de nulle part » (selon l’expression de Thomas Nagel), c’est-à-dire de parvenir à un décentrement critique, tel qu’y parviennent Montaigne (la leçon des cannibales) ou Montesquieu (le Persan) ? Cette question est essentielle car « il y va de la possibilité d’une connaissance objective et d’une science immunisée contre les objections perspectivistes »4. Or Descola, non sans contradiction (puisque, pour lui, la diversité est une valeur universalisable), ne pense pas possible de parvenir au point de vue de nulle part.

Comment alors comprendre l’universel de la raison et des droits ou celui de la science sans la présomption de l’égale applicabilité des concepts à toutes les situations et à toutes les régions du monde ? L’appartenance de genre, la condition raciale, l’héritage social ne sauraient constituer les conditions contraignantes de l’exercice intellectuel. Descola s’oppose à l’affirmation réaliste d’un monde unique et vrai, d’un réel non seulement indépendant mais connaissable, au profit de celle, constructiviste (ou corrélationniste), d’un monde qui n’aurait de réalité que corrélative à l’identité et à la situation du sujet qui le perçoit.

On voit à quelles conséquences indésirables une telle position est exposée. La moindre n’est pas d’entretenir une forte méfiance à l’égard de la démarche scientifique. Dupouey relève le grand nombre de formules « constituant autant de coups d’épingle contre le crédit qu’il est raisonnable d’accorder à la science »5. Cette position sceptique est requise par son relativisme généralisé, lequel implique également l’incomparabilité des ontologies au point de vue de leur vérité. L’influence foucaldienne est ici perceptible, tout particulièrement la confusion, dénoncée par Jacques Bouveresse, entre être tenu pour vrai et être vrai, autrement dit entre les conditions historiques et sociales de production du savoir et la vérité comme relation entre un énoncé et un fait : comme l’écrit de manière suggestive Jean-Jacques Rosat, « si Dreyfus avait été soumis au régime de l’ordalie et, dans ce système, déclaré coupable, il n’en serait pas moins resté innocent »6. En défendant l’idée qu’il existerait autant de mondes que de « collectifs humains », Descola hypothèque la possibilité d’une connaissance possédant une valeur et une portée universelles. C’est pourquoi, conclut justement l’auteur, « l’universalisme est solidaire de l’affirmation d’un certain réalisme »7.

À l’évidence, les intentions généreuses que Descola met au principe de sa démarche sont desservies par la renonciation à rechercher, parce que nées en Occident, des catégories effectivement plus conformes à la texture et à la structure des choses, celles-là mêmes que la science moderne se propose de mettre au jour. Or, Descola, opposé à toute démarche métaphysique, est indifférent à l’étude de la structure fondamentale de la réalité. Il n’entre pas dans son projet de déterminer les propriétés des choses, de décrire l’ameublement ultime du monde, ces objectifs supposant de concevoir une nature indépendante de la connaissance que nous pouvons en avoir. L’anthropologue ne se préoccupe nullement des rapports qu’entretiennent la philosophie et la science : cette dernière doit dire quels sont, parmi les possibles logiques, ceux qui se trouvent effectivement actualisés dans le réel. Un tel objectif peut-il être disqualifié en l’assignant à son origine ?

Descola, citant Whitehead, rappelle que les « bords de la nature sont toujours en lambeaux » : devrions-nous alors nous abstenir d’examiner la forme de ses contours ? La réponse de Patrick Dupouey, dans sa magistrale leçon, ne laisse pas de place au doute.

 

* Crédit photo : “Macro Photography of Tree” © Pixabay from Pexels.


Notes :
1 - Dupouey, page 88
2 - Dupouey, p. 111
3 - Dupouey, p. 146
4 - Dupouey, p. 150
5 - note 1, p. 172
6 - Jean-Jacques Rosat, in Paul Boghossian 2006), La peur du savoir, Agone, 2009, p. 175.
7 - p. 189-190

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