Tandis que l’Amérique observe le président Biden tenter désespérément de s’accrocher au pouvoir en maintenant sa candidature à un second mandat, alors qu’il n’a même plus les facultés nécessaires à gouverner aujourd’hui, Donald Trump se prépare à désigner son vice-président. A l’entendre, son choix est fait. Il attend la convention nationale républicaine, qui s’ouvre ce lundi 15 juillet à Milwaukee dans le Wisconsin, pour l’annoncer. Typiquement la désignation d’un vice-président est la première décision majeure d’un futur président. Elle est minutieusement scrutée par les médias.
Plus d’une douzaine de personnalités ont été évoquées. Parmi celles-ci : Ron De Santis, gouverneur de Floride, Marco Rubio, sénateur républicain de Floride, Gregg Abbot, gouverneur du Texas, Ben Carson, ancien candidat présidentiel républicain, Sarah Hucakbee Sanders, gouverneur de l’Arkansas, Kristie Noem, gouverneur du Dakota du Sud et d’autres. La fonction revêt un intérêt tout particulier cette année. Car Donald Trump postule à un second mandat et, s’il est élu, il ne pourra pas se présenter à nouveau. Son colistier sera inévitablement en position de force pour la nomination républicaine de 2028.
Traditionnellement deux principes guident le choix d’un « VP ». Un, si l’élection s’annonce serrée, ce colistier doit l’aider à gagner. Lui apporter un Etat, comme Lyndon Johnson apporta le Texas à John Kennedy en 1960 ou bien le conforter auprès d’un groupe d’électeurs, comme Mike Pence garantit les Américains Evangéliques à Donald Trump en 2016, ou comme George Bush père rallia l’establishment républicain à l’outsider Ronald Reagan en 1980, ou encore comme Kamala Harris devait conforter la position de Joe Biden auprès des femmes et des Noirs en 2020…. Deux, si l’élection s’annonce gagnée d’avance, le vice-président est choisi en fonction de sa capacité à aider le président à gouverner. C’est-à-dire l’aider sur certains sujets sans lui faire de l’ombre. Barack Obama largement favori pour l’emporter en 2008 choisit Joe Biden parce qu’il représentait l’ancienne garde démocrate et pour son expérience en politique étrangère, permettant au président de se délester de cette question au profit des réformes intérieures envisagées, dont celle de l’assurance santé.
L’élection de 2024 s’annonçait très serrée. Les difficultés cognitives aggravées de Joe Biden, son bilan économique médiocre, et l’échec de la stratégie démocrate de disqualification de Trump par les tribunaux, ont bouleversé la campagne et les pronostics. Donald Trump se dirige vers un triomphe annoncé. Sans aller trop vite en besogne, cela signifie qu’il a plus de latitude quant au choix de son ou sa partenaire. Lui-même insiste, en ligne avec son caractère, et sa volonté d’accaparer toute la lumière, qu’il n’a besoin de personne pour l’emporter. Il n’empêche. Certaines personnalités présentent des atouts que lui et les Républicains doivent nécessairement prendre en compte.
Voici six candidats qui feraient un excellent numéro deux sur le ticket républicain. Ce n’est pas un pronostic. Plutôt une revue des qualités nécessaires à la fonction et de ce que ce choix nous apprendrait des ambitions de Donald Trump pour son second et dernier mandat.
Equité oblige, il s’agit de trois femmes – Nikki Haley, Elise Stefanik, Tulsi Gabbard – et trois hommes – Tim Scott, J.D. Vance et Doug Burgum.
Nikki Haley a 52 ans, elle fut gouverneur de la Caroline du Sud et ambassadrice à l’ONU de Donald Trump durant son premier mandat. Elle fut aussi sa plus tenace adversaire durant les récentes primaires du parti Républicain, réunissant près de 20% des votants derrière son nom.
Le premier atout de Nikki Haley est donc sa capacité à permettre à Donald Trump de faire le plein des voix de son propre camp. Actuellement il existe toujours, même chez les Républicains, des anti-Trump irréductibles (on les appelle en anglais les « never-trumpers »). Ce sont des Américains qui ont juré de ne jamais voter pour lui mais qui pourraient changer d’avis si Nikki Haley était sa colistière. Son second atout est son expérience. Trump a souligné qu’il souhaitait une personne capable de gouverner. Haley a l’expérience pour le faire. Son troisième aout est d’être une femme. Le droit à l’avortement sera un thème dominant de la campagne présidentielle. Les Républicains sont sur la défensive sur cette question du fait de l’annulation par la Cour Suprême en 2022, de la décision de 1973 qui en avait légalisé la pratique, avec pour conséquence de renvoyer la question aux autorités de chaque Etat. Même si elle était juridiquement justifiée – quoiqu’en disent les progressistes, il n’existe pas de droit à l’avortement inscrit ou même évoqué dans la Constitution des Etats-Unis – cette décision a été mise en avant par les médias et les Démocrates comme un assaut des Républicains contre les femmes, leur liberté, et leur droit « à disposer de leur corps ». Parce que cette question touche d’abord les femmes, en être une, est un atout pour débattre et contrer les Démocrates qui vont en faire un argument électoral central. Par contre Nikki Haley ne voit pas le monde, ni le rôle de l’Amérique dans le monde comme Donald Trump. Lui défend une Amérique forte mais qui reste en dehors des conflits internationaux. Au contraire Haley souhaite une Amérique pro-active et engagée dans la défense voire la propagation de la démocratie dans le monde. Elle a été soutenue durant sa campagne par le camp néo-conservateur, l’aile droite interventionniste du parti républicain. Autre point négatif, Nikki Haley et Donald Trump ne s’apprécient guère. Leur relation n’a jamais été bonne et s’est envenimée depuis les incidents du 6 janvier 2021. Nikki Haley a eu des mots très durs contre Trump durant les primaires soulignant que les Américains ne voteront pas pour un « criminel condamné ». Elle a annoncé depuis son retrait de la campagne qu’elle voterait personnellement pour lui en novembre, sans aller jusqu’à encourager ses partisans à faire de même.
Enfin, Trump a laissé entendre qu’elle n’est pas en considération pour le poste, parce qu’elle n’a pas la qualité incontournable qu’il attend d’un vice-président, une loyauté sans faille.
Elise Stefanik, au contraire, est régulièrement citée dans les médias comme la personnification de cette loyauté indéfectible. Mme Stefanik représente le 21e district de l’Etat de New York au Congrès. Elle a été élue en 2014, alors qu’elle avait tout juste trente ans, devenant la plus jeune femme jamais élue au Congrès. C’est une républicaine conservatrice qui a toujours soutenu et défendu Donald Trump. Durant sa présidence et après le scrutin de 2020 dont elle a contesté les résultats même après les événements du 6 janvier.
Elle vient d’avoir 40 ans et arbore une personnalité bien trempée et pleine d’énergie. Elle est à la fois diplômée de Harvard et selon ses propres termes une « fière MAGA », c’est-à-dire une partisane du mouvement populiste lancé par Donald Trump « Make America Great Again ». C’est aussi une mère de famille, dont les préoccupations quotidiennes recoupent celles de millions d’Américaines qu’elle serait peut-être en mesure d’attirer dans le camp Trump. En revanche, à l’inverse de Trump, elle n’a connu aucune carrière mis à part la politique. Tout juste diplômée elle a été recrutée par l’administration Bush fils et n’a jamais vraiment quitté Washington depuis… Son autre point faible est inévitablement son manque d’expérience. Cinq mandats au Congrès ne lui ont pas permis d’imprimer sa marque et elle est totalement inexpérimentée en relations internationales.
L’expérience internationale est au contraire le point fort d’une troisième femme susceptible de rejoindre le ticket Trump, Tulsi Gabbard.
Ses chances d’être sollicitée sont faibles. Les médias ont cessé de s’intéresser à elle. Elle n’en conserve pas moins des atouts importants et sa désignation serait un message très fort sur la nature d’un second mandat Trump. Tulsi Gabbard a servi au Congrès comme représentante d’Hawaï de 2013 à 2021. Elle a 45 ans et possède le grade de lieutenant-colonel dans l’armée des Etats-Unis. Elle est réserviste et a été déployée en Irak et au Koweït en 2004 et 2008. Entrée en politique sous l’étiquette démocrate, elle a été candidate à la nomination présidentielle de 2020. Contre Joe Biden et contre Kamala Harris. Très critique de l’interventionnisme américain, et du dédain de son parti pour l’Amérique rurale, elle a fini par quitter le parti Démocrate en octobre 2022. « Je ne me reconnais plus dans ce parti tombé sous l’emprise d’une cabale élitiste de va-t’en guerre acquis à une lâche idéologie « woke » qui divise les Américains en racialisant toutes les questions et en agitant sans cesse le racisme antiblanc » déclarait-elle alors. Depuis cette démission spectaculaire, Tulsi Gabbard s’est rapprochée des milieux conservateurs. Elle a souvent été interviewée par le chroniqueur Tucker Carlson et elle est apparue à deux reprises, y compris en 2024, à la conférence du CPAC, le « Conservative Political Action Committee », première réunion annuelle du mouvement conservateur aux Etats-Unis.
Le premier atout de Tulsi Gabbard est bien évidemment sa capacité à étendre la portée du parti républicain en attirant des électeurs indépendants, voire des démocrates déçus comme elle de l’évolution du parti. Son second atout est sa position non-interventionniste en relations internationales qui colle parfaitement avec celle de Donald Trump. De par son expérience militaire, elle a vécu les conséquences de l’aventurisme américain des années 2000 et pu en mesurer les conséquences tragiques pour les Américains et pour le monde. Son troisième atout est sa dénonciation de la corruption régnant à Washington et de l’emprise de « l’Etat profond » sur la vie politique de la nation. Là encore, ses positions épousent parfaitement celle de Donald Trump. Idem sur la question de l’avortement. Avant même la décision Dobbs de juin 2022, elle avait critiqué la volonté des radicaux de retirer toute restriction possible à cette pratique, notamment en lien avec l’avancée de la grossesse.
Contre elle, bien évidemment, le fait qu’elle n’appartient pas au parti Républicain et que ses allégeances passées pourraient surprendre certains au sein du mouvement conservateur, particulièrement parmi les Evangéliques. Donald Trump lui-même n’a pas toujours été un Républicain, il est d’ailleurs critiqué pour cela par les conservateurs de la première heure (« paléo-conservateurs ») qui ne verraient pas d’un bon œil une autre « convertie » placée si près de la Maison Blanche. Si elle n’est pas prise en considération pour le poste de VP, il est possible que Tulsi Gabbard soit sollicitée pour une fonction au sein d’une future administration Trump. Elle ferait une excellente ambassadrice à l’ONU.
Tim Scott fait également partie de ceux à qui l’on promet une fonction au sein d’un futur cabinet Trump.
Tim Scott est sénateur de Caroline du Sud. C’est un Noir, tout récemment fiancée à une femme blanche. Il a 59 ans et en paraît dix de moins. Il arbore invariablement un large sourire et chacun dit de lui qu’il est la gentillesse personnifiée. « Trop bon pour réussir en politique », disent-ils. Et pourtant il s’est fait une place de choix à Washington. Elu à la Chambre en 2012, il est entré au Sénat en 2014 avant d’être formellement élu en 2016 et réélu en 2022. Tim Scott est une « success story » à l’américaine. Elevé par une mère seule (elle a quitté un mari abusif) et par ses grands-parents, il a fait des études grâce à une bourse de sports avant de monter sa société d’assurance. Scott affirme que sa vie a été changée par sa foi chrétienne. C’était après un grave accident de voiture qui l’obligea à abandonner ses ambitions sportives. « Le premier amendement a été rédigé pour protéger l’église de l’Etat, pas l’Etat de l’église » aime-t-il dire. Et d’ajouter : « Les dix commandements sont universels. » Il a aussi été en 2024 brièvement candidat à la nomination républicaine, participant à plusieurs débats avant de se retirer pour soutenir Donald Trump.
Sa désignation comme vice-président serait un plus indéniable quant au vote Noir, traditionnellement très favorable aux Démocrates, mais auprès duquel les Républicains ne cessent de progresser. Elle rassurerait aussi les milieux évangéliques, déçus par la rupture avec Mike Pence, même si ce vote est déjà très largement acquis à Trump. En revanche, Tim Scott n’a aucune expérience internationale et sa loyauté vis-à-vis de Trump n’a pas encore été mise à l’épreuve… Comme Mike Pence c’est une personne de principe, mue par un sens inné de la justice, qui n’acceptera pas forcément de couvrir le président quoi qu’il arrive.
J.D. Vance est également un personnage politique indépendant et hors norme, dont la loyauté va d’abord à la cause conservatrice, pas à l’homme Donald Trump. Vance est une star montante au sein du parti républicain. Qu’il soit ou non le colistier de Donald Trump, son avenir est tracé et il jouera les premiers rôles dans les années à venir, comme héritier naturel du trumpisme. Et pourtant, tout n’avait pas bien commencé entre eux…
Vance, qui n’a pas encore 40 ans, est le jeune sénateur de l’Ohio, un Etat du Midwest essentiel à toute quête présidentielle aux Etats-Unis. Remporté par Bush en 2000 et 2004, puis par Obama en 2008 et 2012, puis par Trump en 2016 et 2020, c’était la définition même d’un « swing state ». Aujourd’hui l’Ohio est fermement dans le camp républicain. Vance est né à Middletown, une bourgade des montagnes Appalaches, dans l’Ohio. Il a raconté sa jeunesse dans un livre devenu un best-seller aux Etats-Unis « Hillbilly Elegy », une ode à cette Amérique blanche, provinciale et pauvre à laquelle les élites démocrates ont tourné le dos et qui explique la montée et le succès d’un Donald Trump. Vance s’en est sorti. Il est diplômé en droit de Yale, passé par les Marines, déployé en Irak, puis entré en affaires à la tête de sa propre compagnie d’investissement. Son livre lui vaut aussi une reconnaissance nationale.
Toutefois Vance n’a pas toujours vu Trump d’un bon œil. Comme de nombreux conservateurs il a jugé le magnat de l’immobilier peu fiable et peu recommandable. « Il n’est pas digne d’occuper la plus haute fonction » avait-t-il écrit en 2016, confiant en privé à un de ses anciens camarades d’école que Trump pourrait même être un « Hitler Américain ». Vance n’a d’ailleurs pas voté pour Trump en 2016. Il ne pensait pas qu’il ferait un bon président. Mais comme beaucoup, il n’a pu s’empêcher de constater le contraire. A la Maison Blanche de 2017 à 2021, Donald Trump a mené une politique efficace et prospère pour quiconque croit aux principes du républicanisme et veut rétablir le lien cassé entre les élites de Washington et le pays profond. S’il était choisi comme vice-président Vance serait inévitablement interrogé sur ses déclarations passées et elles seraient inévitablement exploitées et manipulées par le camp adverse. C’est la faiblesse de sa candidature. Il porte également une barbe. C’est sa deuxième faiblesse, car Trump n’a jamais caché qu’il n’aime pas cette mode… Ce qui est sûr, Vance sera une tête d’affiche du parti Républicain, dans les années à venir.
Doug Burgum ne peut pas en dire autant. Parce qu’il n’est pas de cette génération. C’est un sexagénaire qui sera septuagénaire en 2028 et qui représente une génération finissante. C’est une simple question d’âge. Burgum a 68 ans et occupe le siège de gouverneur du Dakota du Nord depuis 2016. Il possède un MBA (Master of Business Administration) de la prestigieuse université de Stanford et a gagné une petite fortune dans les affaires notamment au sein de l’entreprise Microsoft. C’est un conservateur avec une mentalité ancrée dans son Midwest natal.
En tant que gouverneur il s’est fixé le double objectif de faire du Dakota du Nord un Etat « neutre en carbone », sans abandonner les fuels fossiles abondants dans le sous-sol. Cette approche a provoqué un boom sans précédent d’investissements énergétiques dans son Etat. Sa désignation comme vice-président serait une indication forte de la volonté exprimée par Trump et confirmée par le programme du parti Républicain de refaire des Etats-Unis un pays indépendant en énergie – c’est-à-dire dont la production dépasse la consommation. Doug Burgum est très respecté au sein de « l’establishment » républicain, mais peu connu du grand public, même aux Etats-Unis. Etonnement, cela peut le servir. Burgum est, de tous les candidats VP, celui qui ferait le moins d’ombre à Donald Trump. Les deux hommes se connaissent et s’apprécient. Leur expérience commune d’hommes d’affaires fait qu’ils se comprennent. Par contre son apport au ticket serait limité. Le Dakota du Nord ne compte que sept cent mille habitants et il est déjà acquis aux Républicains. Burgum n’apporte pas de groupe d’électeurs particuliers. Au contraire, ses positions très restrictives sur l’avortement en feraient une cible des Démocrates durant la campagne. Si Burgum n’est pas désigné VP, il pourrait devenir secrétaire à l’énergie dans une administration Trump 2…
Le vice-président de Trump est peut-être parmi ces six personnages, ou parmi les six autres citées en tête. Ou peut-être ailleurs. Une chose est sûre. Ce sera le choix de Donald Trump, pas celui du parti.
L’article Quel « VP » pour Donald Trump? est apparu en premier sur Causeur.