« Mon fils est en 5e au collège de La Jordanne et ma fille est en CE1 à Sansac-de-Marmiesse, où nous habitons. Nous avons reçu un sondage pour savoir si nous préférons le collège de Saint-Mamet ou de La Ponétie. Je suis infirmière à Aurillac, mon mari travaille à Aurillac, aussi. Si on nous impose le collège de Saint-Mamet pour ma fille, nous mettrons nos enfants dans le privé, pas le choix. Sinon, ils devront se lever à 6 heures tous les jours, renoncer à leurs activités extrascolaires… Ce n’est pas possible. » Comme d’autres parents, enseignant et personnels, Caroline Reveillou a manifesté son désaccord avec la fermeture du collège de La Jordanne, le premier jour des épreuves du brevet des collèges.Le collectif de soutien au collège de La Jordanne avait marqué le coup pour souligner « l’incohérence » de la situation. « La décision du Conseil départemental de fermer le collège repose sur des arguments de sécurité, notamment d’exposition à l’amiante. Ce 1er juillet, les 3e du collège de La Ponétie passent leurs épreuves de brevet au collège de la Jordanne. Cette mobilisation est symbolique : si le danger était réel, ne serait-il pas judicieux d’évacuer les lieux sans délai ? » Le ton agacé de Fabrice Taupin, enseignant de SVT, est partagé par les autres professeurs, parents et professionnels.
Le collège devrait se séparer progressivement de ses élèves à compter de la rentrée 2025, et dès 2026, il n’y aurait plus de 6e. Une décision prise par le Conseil départemental, qui repose sur « le danger » représenté par les établissements dits « Pailleron », et plus particulièrement celui de La Jordanne construit en 1965. Le Département pointe du doigt une problématique structurelle. « Ce sont des bâtiments amiantés, on ne peut pas intervenir en site occupé », affirmait Bruno Faure, en septembre dernier. L’amiante était un matériau très utilisé dans la construction entre les années 1950 et 1970. Elle est friable et c’est son inhalation qui est cancérogène. « L’argument de l’amiante n’est pas fondé, scande le collectif. Des travaux de désamiantage ont été réalisés en 1997. »
Concernant le risque incendie, il n’y a pas de problème pour la structure Pailleron si celle-ci reçoit l’avis favorable de la commission de sécurité. Les rapports de cette commission sont rassurants. L’organisation des bâtiments permet une évacuation rapide (environ deux minutes) en exercice ou en situation réelle.
À partir de la rentrée 2025, les élèves seraient répartis entre les autres collèges d’Aurillac et du bassin de vie, de Laroquebrou à Saint-Mamet-la-Salvetat. « Il subsiste un flou autour de la sectorisation. Le maillage territorial est bien sûr à préserver dans notre département mais en aucun cas la fermeture de La Jordanne ne résoudra pas le problème des petits établissements comme Allanche ou Condat, déplore Véronique Nigou, professeure de français. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’elle va alourdir les classes de Jules-Ferry, Jeanne-de-la-Treilhe et La Ponétie. Elle va dégrader considérablement les conditions d’apprentissage des élèves sur le bassin aurillacois. »
Une quinzaine d'enseignants à La Jordanne, mutés dès la rentréeL’infirmière scolaire, Edwige Dulong, ajoute : « Dix-huit classes seront fermées, soit 600 heures d’enseignement par semaine perdues définitivement. C’est incohérent, lorsqu’il s’agit de défendre l’éducation en milieu rural. »
À l’annonce de la fermeture, « une onde de choc » a traversé le corps enseignant, explique Fabrice Taupin. « Certains ont ressenti des difficultés pour enseigner, le rectorat a pris la mesure du problème et a réagi afin de les rassurer, notamment concernant leur avenir dans le département. Dès la prochaine rentrée, une quinzaine d’enseignants ont obtenu une mutation, sur les quarante postes de l’établissement. »
Anna Modolo
Tribunal Un recours contentieux a été déposé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand afin de « dénoncer les irrégularités dans ce dossier ». Certaines concernent le non-respect d’articles du code de l’éducation, une autre aborde la motivation même de la décision de fermeture. « Si des problèmes majeurs en matière de sécurité et d’amiante avaient existé depuis longtemps, nul doute qu’une fermeture immédiate aurait été prononcée et non pas une fermeture échelonnée sur 3 ans du collège La Jordanne », estime le collectif. Me Paul Albisson, un avocat du barreau de Lyon, défend le collectif. Il est, en partie, financé par les fonds récoltés par une cagnotte Leetchi, lancée par le collectif. La FCPE du Cantal, ayant pour avocat Me Kominé Bocoum, s’est associée à ce recours datant du 13 juin 2024.