La dissolution a engendré ses effets sur le plan électoral. Le Front républicain est parvenu à ses fins : les résultats du premier tour en faveur du Rassemblement national ont été détournés et ont abouti, après le second, avec des Républicains qui ont fait plutôt bonne figure, à la constitution de trois groupes avec le Nouveau Front Populaire en tête, suivi par Ensemble qui s’en tire bien mieux que prévu grâce au verbe et à l’action de Gabriel Attal qui a pris sans la moindre équivoque ses distances avec le président – il n’a « pas voulu la dissolution » mais il ne l’a « pas subie » – avec le RN en queue malgré le plus grand nombre de voix obtenues, contre tous les pronostics et à la grande joie du peuple de gauche et d’extrême gauche.
Pas de « notre » peuple comme l’a affirmé Jean-Luc Mélenchon le 7 juillet au soir sur un ton comminatoire, manifestant de manière limpide qui sera le patron dans cette unité conjoncturelle dont on attend les premières déchirures qui ne sauraient tarder. Comme on pouvait s’en douter, l’Élysée s’est délivré un satisfecit en estimant que la clarification souhaitée s’était produite et que l’intuition présidentielle avait été la bonne. Alors que de l’avis général, la complexité parlementaire s’est au contraire accrue et que l’aptitude à gouverner sera encore plus malaisée qu’avant. Il est intéressant de relever que Brice Teinturier, pour IPSOS, a considéré que la défaite la plus lourde est celle du macronisme qui perd un nombre impressionnant de députés. Le RN a augmenté sensiblement le nombre de ses députés, dont le groupe est presque équivalent à celui d’Ensemble, même s’il est nettement inférieur au score qui lui était promis.
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Malgré l’intervention belliqueuse de Jean-Luc Mélenchon enjoignant à Emmanuel Macron de nommer le futur Premier ministre au sein du NFP qui appliquera, sans la moindre réserve, « rien que son programme mais tout son programme et selon le rythme prévu », les choses ne seront pas simples pour lui. D’abord parce qu’Olivier Faure et François Hollande ont évoqué les compromis qui seront nécessaires et que le premier a eu l’élégance politique de souligner que la multitude des électeurs du RN, avec leurs attentes et leurs frustrations, devrait être prise en charge. À supposer que dans le cours du mois de juillet le président (qui a perdu avec la dissolution et ses conséquences tout crédit auprès de ses troupes et de ses alliés) obtempère et nomme un Premier ministre soit choisi par le NFP et validé par lui soit choisi par lui-même, il faudra bien que la majorité relative de gauche, pour espérer pouvoir faire voter son programme, tente de créer des liens et favorise des ententes avec le macronisme. Avec le paradoxe que certaines de ses mesures les plus radicales auraient plus de chance de complaire aux députés RN qu’à ceux d’Ensemble. Je ne doute pas qu’avant la nomination du Premier ministre, le registre politicien va s’en donner à cœur joie et que, derrière les apparences de pureté et d’intégrité, les coulisses surabonderont en manœuvres et en connivences et complicités occultes.
Mais si les choses aujourd’hui sont obscures pour le pouvoir, le citoyen que je suis bénit le climat actuel. Il n’y aura plus de « en même temps », d’ambiguïtés, de nuit et de jour mêlés, de oui ce jour et de non demain, de deux poids deux mesures, il n’y aura plus ce malaise – pour beaucoup de citoyens contraints hier par honnêteté de ne pas tout critiquer – de saluer des lumières malgré les ombres, de ne pas oublier, en critiquant le pire, le meilleur qui avait pu surgir dans telle ou telle activité ministérielle, dans un propos présidentiel ou grâce à une mesure valable. Le macronisme avait ceci de compliqué, paradoxalement, qui ni son chef ni sa politique ne pouvaient être bêtement et absolument rejetés. La nuance qu’il convenait de ne pas sacrifier au sein d’une dénonciation globale représentait un effort. La pente du « Tout ou Rien » est si tentante et si confortable ! Avec le NFP, mes états d’âme vont se dissiper. Je ne suis pas suffisamment compétent pour contredire les spécialistes qui en grande majorité prévoient une catastrophe financière, économique et sociale. En revanche sur le plan régalien, je dois constater que les préoccupations fondamentales des Français seront au mieux négligées, au pire méprisées. Dans le programme du NFP sur ce plan, seules les violences policières sont ciblées. Immigration, justice, autorité, identité, ordre, soutien aux forces de l’ordre, impartialité des instances de décision, autant de problématiques et d’exigences dont je crains qu’elles ne soient laissées à l’abandon puisque, contrairement à ce qu’elles prétendent, gauche et extrême gauche en sont encore restées à cette triple aberration : la société est coupable, il faut plutôt comprendre les transgresseurs que les sanctionner et la prison est criminogène. Le Syndicat de la magistrature et le NFP, même combat, même politique !
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La clarification n’a pas été faite sur le plan politique. Bien au contraire. Mais pour moi, si.
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