Trois quarts d’heure après les écologistes, les députés insoumis se sont retrouvés à 10 heures devant l’entrée du Palais Bourbon ce mardi 9 juillet. Pour les primo élus, l’occasion de découvrir ce lieu emblématique du pouvoir où sont minutieusement examinés chaque projet et proposition de loi depuis 1799. Pour les parlementaires réélus, le retour sur leur lieu de travail que d’aucuns craignaient de ne pas réintégrer après la dissolution de l'Assemblée nationale.
Et comme à chaque rentrée parlementaire, l’agenda était chargé : visite des murs, création des badges, séances photo, distribution du règlement de l’Assemblée nationale et des écharpes tricolores, micro tendu avec une cohorte de journaliste… La veille déjà, le Palais Bourbon a vu défiler une première salve de députés, venus pour leur pré-rentrée parlementaire avant la première séance publique de la XVIIe législature, le 18 juillet prochain.
C'est une date clef, puisqu’il s’agira alors d’élire le ou la présidente de la chambre basse. Comme le veut la tradition, cette première séance sera présidée par le doyen des députés assisté des six plus jeunes élus. Charge qui revient pour la seconde fois au frontiste de 81 ans José Gonzalez. En 2022, cet "enfant d’une France d’ailleurs" évoquait la voix pleine d’émotion, sa "terre natale" dont il a été "arraché". D’aucuns au sein de la feu Nupes y avaient vu une ode à peine voilée à l’Algérie française et au colonialisme. "Introduire cette législature avec un discours nostalgique de l’Algérie française, sous les applaudissements : une honte ! ", avait tonné l’insoumis Bastien Lachaud.
Deux ans plus tard, alors que les rangs de la gauche se sont élargis d’une trentaine de députés, José Gonzalez ressortira-t-il les réminiscences de son enfance passée en Algérie ? Réponse le 18 juillet prochain, quelques minutes avant que les 577 députés n’aillent glisser un bulletin secret dans l’urne installée sur la tribune pour hisser le candidat qu’ils soutiennent au rang de quatrième personnage de l’Etat.
Un privilège traditionnellement réservé à un à des membres de la majorité parlementaire. Problème : avec 193 députés du Nouveau Front populaire (NFP), 165 de la coalition présidentielle, et 143 du Rassemblement national (RN), aucune majorité claire, même relative, ne s’est sortie des urnes au soir du second tour des législatives anticipées.
Impossible donc pour un bloc seul de conduire au perchoir un député issu de ses rangs. Et Yaël Braun-Pivet, qui candidate à sa propre succession, le sait bien. Depuis plusieurs jours, la présidente sortante de l’Assemblée nationale plaide tous azimuts pour une alliance allant des "Républicains" aux "sociaux-démocrates". Sans omettre de préciser "les socialistes et les écologistes", qui ne cachent pour certains pas leurs ambitions. Au micro de Sud Radio ce mardi matin, Sandrine Rousseau a avoué qu’elle aimerait bien être candidate au perchoir.
.@sandrousseau : "Oui, j'aimerais bien être candidate à la présidence de l'Assemblée nationale" pic.twitter.com/vrqv1ziUdK
— Sud Radio (@SudRadio) July 9, 2024
Mais le 18 juillet est aussi le jour de la composition officielle des groupes politiques à l’Assemblée. Ainsi, avant la fin de la journée, chacun devra remettre la liste de ses membres au secrétariat général de la présidence de l’Assemblée, avec la possibilité de mentionner s’il figure ou non dans l’opposition - sous couvert encore, qu’une majorité claire, même relative, se dessine d’ici là.
Le lendemain, place à l’élection du fameux "Bureau", soit de la plus haute instance de l’Assemblée nationale. Chargé entre autres de représenter l’intégralité de l’institution et de ses membres lors de manifestations extérieures, cet office est composé de six vice-présidents, de trois questeurs et de douze secrétaires. Des postes hautement convoités, qui cristallisent déjà les tensions.
Ce mardi, les insoumis et les écologistes ont notamment appelé à empêcher le RN d’accéder à ces fonctions clefs. "L’extrême droite n’est pas compatible avec la République. Le Rassemblement national ne doit occuper aucun poste dans cette Assemblée nationale", a tonné l’ancienne patronne des députés Les Ecologistes Cyrielle Chatelain.
Des déclarations qui ont suscité l’ire des membres du parti à la flamme, qui fustigent un comportement "antirépublicain" et "antidémocratique". "Nous représentons aujourd’hui 10 millions de Français, 143 députés ici", a fait valoir le député RN du Loiret Thomas Ménagé sur LCP, appelant "toutes les autres forces politiques, au-delà du Nouveau Front populaire, à respecter les choix des électeurs".
Autre fonction stratégique : la présidence des commissions permanentes. Elles sont au nombre de huit : finances, affaires culturelles, économiques, étrangères, sociales, défense nationale, développement durable et lois. Les sièges de chacune sont répartis proportionnellement aux effectifs de chaque groupe.
Jusqu’à la dissolution, c’est l’insoumis Eric Coquerel qui présidait la très convoitée commission des Finances, dont la présidence est dévolue à l’opposition. Mais une fois encore, opposition suppose majorité. Pour l'instant inexistante, même si 289 députés pourraient réussir à s’entendre pour former une coalition gouvernementale d’ici au 20 juillet.
D’autant qu’au sein du NFP arrivé en tête dimanche, chaque groupe prêche pour sa paroisse. "Il n’y a qu’un socialiste qui puisse apaiser", fait valoir le maire socialiste de Marseille, Benoit Payan. Tandis que les insoumis martèlent en chœur que "la tradition républicaine veut que ce soit le plus gros groupe" qui propose un Premier ministre.
Rien pour l’heure ne permet ainsi de garantir que l’Assemblée nationale aura une majorité, avec chef au soir du 2 août, date de la fin de la session extraordinaire. Ainsi, les 577 députés pourraient-ils prendre congé sans savoir s’ils feront partie ou non partie de la majorité à la rentrée mi-septembre…