Sur le plateau de Gergovie, le « quartier des artisans » n’a pas encore livré tous ses secrets. Ce secteur artisanal de l’oppidum a pourtant été ausculté par plusieurs équipes d’archéologues depuis 160 ans. Mais c’est encore là, sur un site qui était probablement le principal accès à la ville gauloise, qu’une nouvelle campagne de fouilles se concentre cet été.
Ce chantier prolonge celui ouvert en 2023 par la Maison des sciences de l’homme de Clermont-Ferrand et l’institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), avec l’ambition de dégager les fouilles antérieures pour les approfondir.
Une équipe d'une vingtaine d'archéologues de l'Inrap occupe le site jusqu'au 25 juillet. Photo Richard Brunel
"En archéologie programmée, on ne peut pas aller directement aux niveaux romain et gaulois sans s'occuper des fouilles anciennes, elles font partie de l'histoire du site", expliquent les responsables de l’opération, Marion Dacko, ingénieure en archéologie à la Maison des Sciences de l’homme, et Yann Deberge, archéologue à l'Inrap.
"Le premier travail, c’est de percevoir l’emprise des dégagements opérés par nos prédécesseurs et la méthode employée, pour juger la pertinence des hypothèses qu’ils ont formulées. Jusqu'à présent, nous avions des plans des vestiges interprétés, ce qu'ils considéraient avoir trouvé, mais pas la localisation de leurs sondages respectifs."
Parmi ces prédécesseurs (lire par ailleurs), ceux qui ont produit « le meilleur travail, d’un point de vue qualitatif", sont les Gergoviotes, des étudiants patriotes de l’Université de Strasbourg repliée à Clermont à partir de novembre 1939. Encadrés par deux enseignants, Jean Lassus et Jean-Jacques Hatt, ces jeunes Strasbourgeois ont conduit deux chantiers majeurs, l’un sur le rempart de l’oppidum, à proximité du musée actuel, l’autre dans ce qui est nommé "le quartier des artisans".
Leur méthode ? La stratigraphie, privilégiée par les archéologues contemporains. "On démonte les couches de sédiments successives et on essaie de les qualifier", décrit Yann Deberge.
Aujourd’hui, sur le terrain déjà creusé par les Strasbourgeois, l’équipe de l'Inrap continue de retrouver leurs traces : des fragments de papier journal, des boîtes de conserve, une munition militaire... qui rejoindront le centre de l’Inrap pour être étudiés. Comme les 30.000 objets (céramiques, fragments d’amphores, métal, monnaie...) déjà découverts en 2023 et depuis le début de la campagne 2024, qui prendra fin le 25 juillet. Sur le secteur fouillé depuis 1861, les différents archéologues ont dégagé les murs d'une grande construction maçonnée de 30 mètres de long. Photo Richard Brunel
D’ici là, les archoléogues espèrent "arriver à la fin des fouilles anciennes". "C'est intéressant de remonter aux balbutiements de la discipline et d'identifier les méthodes de travail des premiers fouilleurs napoléoniens, remarque Yann Deberge. Mais la finalité, c’est bien de percevoir les occupations les plus anciennes du site", dont celle contemporaine de la bataille de Gergovie, en 52 avant JC. Il lui restera une dernière campagne, en 2025, pour atteindre cet objectif.
Sur le secteur fouillé depuis 1861, les archéologues ont dégagé les murs d’une grande construction maçonnée de 30 mètres de long. "Probablement une porte ou un élément de fortification bâti au tout début de l’époque romaine", précise Yann Deberge. En dessous subsistent "des lambeaux de maçonnerie qui appartiennent à des bâtiments dont on peine à comprendre l’organisation".
Isabelle Vachias