Le candidat réformateur Masoud Pezeshkian, un député de 69 ans qui plaide pour une ouverture de l’Iran vers l’Occident, a remporté ce samedi 6 juillet le second tour de l’élection présidentielle avec plus de 16 millions de voix sur un total de 30 millions de bulletins déjà dépouillés, selon les autorités électorales. Il devance l’ultraconservateur Saïd Jalili, qui a recueilli, pour le moment, 13 millions de votes.
Organisée à la hâte après le décès du président ultraconservateur Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère en mai, la présidentielle s’est tenue dans un contexte de mécontentement populaire face notamment à l’état de l’économie frappée par des sanctions internationales.
A l’issue du vote vendredi, lors duquel quelque 61 millions d’Iraniens étaient appelés aux urnes, la participation s’est établie à 49,8 %, après un premier tour marqué par une forte abstention. Le nombre de bulletins nuls s’élèverait à plus de 600 000.
"Nous tendrons la main de l’amitié à tout le monde, nous sommes tous des habitants de ce pays, nous devrions utiliser tout le monde pour le progrès du pays", a déclaré Masoud Pezeshkian, lors de sa première prise de parole depuis sa victoire, en remerciant ses sympathisants. Tout en affirmant sa loyauté à la République islamique, celui que les Iraniens nomment le "docteur" appelle à des "relations constructives" avec Washington et les pays européens afin de "sortir l’Iran de son isolement".
Nul n’aurait parié sur ce député de Tabriz, la grande ville du nord-ouest de l’Iran, lorsque sa candidature a été acceptée par le Conseil des gardiens avec cinq autres candidats, tous conservateurs. Ce père de famille, qui a élevé seul trois enfants après la mort de son épouse et d’un autre enfant dans un accident de voiture en 1993, se présente comme la "voix des sans-voix".
Le scrutin était suivi avec attention à l’étranger alors que l’Iran, poids lourd du Moyen-Orient, est au cœur de plusieurs crises géopolitiques, de la guerre à Gaza au dossier nucléaire, dans lesquelles il s’oppose aux pays occidentaux, notamment les Etats-Unis, son ennemi juré. Arrivé en tête au premier tour, Masoud Pezeshkian plaide pour un Iran plus ouvert à l’Occident. Saïd Jalili, 58 ans, est, lui, connu pour ses positions inflexibles face aux puissances occidentales.
Le nouveau président a reçu le soutien de ses prédécesseurs, le réformiste Mohammad Khatami et le modéré Hassan Rohani. Des figures de l’opposition, en Iran et au sein de la diaspora, avaient appelé au boycott du scrutin, jugeant que les camps conservateur et réformateur représentent deux faces de la même médaille.
Masoud Pezeshkian appelle à régler la question du port obligatoire du voile pour les femmes, l’une des causes du vaste mouvement de contestation ayant secoué le pays fin 2022 après le décès de Mahsa Amini, arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict. Lors de deux débats télévisés, les candidats ont abordé les difficultés économiques du pays, ses relations internationales, le faible taux de participation aux élections et les restrictions imposées à Internet par le gouvernement.
Négociateur dans le dossier nucléaire entre 2007 et 2013, Saïd Jalili s’était fermement opposé à l’accord conclu finalement en 2015 entre l’Iran et des puissances mondiales, dont les Etats-Unis, qui imposait des restrictions à l’activité nucléaire iranienne en échange d’un allègement des sanctions. Les négociations sur le nucléaire sont actuellement dans l’impasse après le retrait unilatéral des Etats-Unis en 2018, qui ont réimposé de sévères sanctions économiques à Téhéran.
L’élection devrait avoir des répercussions limitées, le président n’ayant que des pouvoirs restreints : il est chargé d’appliquer, à la tête du gouvernement, les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, qui est le chef de l’Etat.