En franchissant les portes de l’exposition située au premier étage du MuPop, le visiteur se retrouve plongé au cœur d’une époque totalement révolue. Celle des années 50 et 60. Quand le rock’n roll n’en était encore qu’à ses balbutiements. Quand le juke-box n’était pas à ranger au rayon des antiquités.
"Le moment du passage de relais entre les orchestres à accordéons et les groupes à guitares électriques", selon Marc Touché, sociologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et co-commissaire de l’exposition.
Une scène ouverte"On dirait aujourd’hui que c’était un lieu du vivre ensemble où les jeunes pouvaient venir en toute sécurité écouter de la musique qu’ils aimaient et qui n’était pas toujours accessible à l’époque", analyse Robin Leproux, fils d’Henri, le créateur du Golf Drouot.
La particularité de cet endroit mythique est "d’avoir accueilli sans sectarisme des groupes amateurs et professionnels", ajoute Marc Touché. Une scène ouverte qui a permis à des formations aux noms parfois loufoques (Minou et les Dalmatiens, Dinkie et les Daltons, les Schtroumphs) de tenter leur chance. Une scène qui a aussi permis à d’autres artistes comme Johnny Hallyday ou Eddy Mitchell de percer. "De 1962 à 1981, plus de 5.000 groupes principalement amateurs" ont ainsi bénéficié de ce tremplin, indique le sociologue.
Un travail d'équipeCette réussite, on la doit à un couple, Colette et Henri Leproux. Pendant plus de vingt ans, de 1955 à 1981, ils ont tenu la barre du temple du rock. "C’était un travail d’équipe. Mon père était davantage exposé. C’était celui qui aimait les artistes. Ma mère était plus discrète, mais c’est elle qui organisait, qui tenait les finances et qui payait les musiciens à la fin des concerts", raconte Robin Leproux.
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Émerveillée, Mélanie Jouhanin, directrice du MuPop, se réjouit de cette mise en lumière. "C’est l’histoire d’un couple qui a fait confiance aux jeunes et de voir ces passionnés bienveillants et pleins d’amour, je trouve que c’est un exemple à suivre."
Un endroit magiqueTémoin privilégié de cette époque à nulle autre pareille, Jean-Louis Rancurel a photographié des centaines de musiciens sur la petite scène du Golf Drouot.
Les Vautours, un de mes groupes préférés, devaient se produire au Golf Drouot et comme je les avais photographiés lors de précédents concerts, ils m’ont demandé de venir pour immortaliser cet instant. Nous étions en 1962, j’avais 16 ans et c’est ainsi que j’ai découvert cet endroit magique.
Une première fois qui ne sera pas la dernière. Appareil en main, Jean-Louis Rancurel "shoote" les stars de l’époque. Avec un plaisir non dissimulé. "Lorsqu’on arrivait au Golf Drouot, on se sentait vraiment chez soi. On sortait du lycée, des fêtes de patronnage et des feux de camp et on découvrait un autre univers, une planète nouvelle qui s’appelait rock’n roll", s’enthousiasme le septuagénaire.
Les Stones et les Who"À l’époque, c’est le lieu qui a reçu le plus grand nombre d’artistes y compris internationaux. Quand ils étaient de passage à Paris, qu’il s’agissait des Rolling Stones ou des Who, ils voulaient se produire au Golf et faire un bœuf", se souvient Robin Leproux.
Des paroles teintées de nostalgie à l’heure d’évoquer la fin de l’aventure. "Mon père n’était pas propriétaire" et lorsque les lieux ont fait l’objet de convoitises, il n’a pas eu d’autre choix que de fermer au début des années 80. "J’ai mis un certain temps avant de l’admettre", avoue Jean-Louis Rancurel, un petit pincement au cœur. "Mais je me dis que, quoi qu’il arrive, la fête continue."
Martial Delecluse