La Librairie fête ses 15 ans cette année. Installée d’abord rue Pascal puis, depuis 12 ans, rue des Gras, à Clermont-Ferrand, elle est portée par Dominique Minard, libraire soutenue par une association de fidèles lecteurs. Rencontre.
"Ici, vous poussez la porte avec l’envie d’offrir un livre à un ami. Vous décrivez l’ami et vous repartez avec le livre qui fera mouche". Et n’allez pas dire à Bernard Perriaux qu’il prend le risque de ne pas trouver son cadeau en poussant les portes de La Librairie, la petite librairie indépendante du cœur de Clermont-Ferrand, en centre-ville, vous allez le vexer.
Il croit tellement en ces petits 85 m² et ses 7.000 références de la rue des Gras, et aux précieux conseils de la "patronne" Dominique Minard ou de Jean-Loup Granville, qu’il a pris la présidence de l’association qui soutient la boutique.
Un élan de cœur"Je ne suis pour rien dans la création de cette association !" plaisante Dominique Minard en le regardant. C’était en 2012, elle déménage de la rue Pascal pour la rue plus centrale des Gras. « Des fidèles lecteurs ont voulu m’aider à porter les cartons »…
"Il aurait été dommage que cela s’arrête là" sourit Catherine Malet, aujourd’hui au conseil d’administration de cette association baptisée "La libraire, une aventure".
Et "c’est un soutien indispensable", affirme Dominique Minard. Elle fête cette année les 15 ans de La Librairie. Et se souvient de la difficile année 2016 avec sa campagne de financement participatif pour que l’endroit, très en difficulté, survive. L’association était là.
Comme pour cette quinzième année qui, "avec l’arrêt de bus de Ballainvilliers supprimé, n’a pas été rose. Noël a été catastrophique !". "Tout cela reste fragile, constate Bernard Perriaux. Alors, nous mettons en place des actions pour rendre visible La Libraire".
Des chouquettesSouvent sous la forme d’une table dans la rue "pour susciter la discussion avec les lecteurs". Pour la saint Jordi, par exemple, la fête des librairies indépendantes. "Mais aussi pour la fête des filles (des mères) et celle des garçons (des pères), en offrant une madeleine et une chouquette à toute personne qui ressort de la librairie avec un livre !".
"C’est une richesse d’avoir une librairie généraliste dans le cœur historique de Clermont. C’est bien aussi pour l’identité de la ville, cela met les lecteurs au centre de quelque chose" clarifie Catherine Malet.
L’association organise aussi un club de lecture à L’Armoire à cuillère, le bar à chocolat de la rue des Chaussetiers, "qui fabrique aussi les chouquettes… Il se trouve que c’est une ancienne élève !" rit Bernard Perriaux, professeur retraité de géographie à Blaise-Pascal. Fier aussi de montrer que La Librairie est un acteur fort de ce quartier de la Cathédrale.
Les libraires signalent les "coups de cœur" pour guider les lecteurs par un petit texte bien senti.
Et de rappeler inlassablement que "ici, on ne paie pas son livre plus cher qu’ailleurs ou sur internet, puisque les prix sont bloqués, et partout pareils". Et, en plus, "on peut rencontrer des auteurs !".
Dominique Minard gère la programmation et le blog de La Librairie, mais l’association vient en renfort pour "financer le repas du soir et l’hébergement qui ne sont pas pris en charge par l’éditeur".
Rencontres d’auteursCatherine Malet comme Bernard Perriaux gardent un grand souvenir de la dernière avec Witi Ihimaera, un écrivain maori d’expression anglaise de Nouvelle-Zélande. "L’éditeur Christian Robert, de la maison d’édition "Au Vent des Îles" était là et la traductrice, Mireille Vignol, aussi, elle est originaire de Haute-Loire. C’était très fort, Witi Ihimaera nous a offert spontanément un haka à l’ouverture de la rencontre…"
C’est à cette ouverture sur le monde, cette "bibliodiversité" que tient particulièrement Dominique Minard. Une vraie démarche par temps économique contraint où la gestion doit être drastique : "On nous annonce une baisse des volumes et des chiffres d’affaires".
Un programme de fête des 15 ans de La Librairie est en train de voir le jour, rendez-vous dimanche 8 septembre.
Pour sensibiliser les collégiens et lycéens à la lecture, au métier de libraire, aux enjeux du commerce de proximité, tout en soutenant la demande de livres face à la crise, il existe le dispositif "Jeunes en Librairie".
Ce dispositif, financé par le ministère de la Culture et la D.R.A.C. Auvergne-Rhône-Alpes. est un programme d’éducation artistique et culturelle en direction des collégiens, lycéens et apprentis, destiné à promouvoir l’accès au livre, faire connaître le rôle du libraire dans la chaîne du livre et encourager la fréquentation et l’achat de livres en librairie indépendante.
Cette année, Dominique Minard de La Libraire, rue des Gras, à Clermont-Ferrand, a accueilli une classe de seconde du lycée professionnel Amédée-Gasquet. "C’était pour moi un vrai plaisir et un défi également, car certains élèves sont très éloignés de la lecture".
Un budget de 30 eurosEt l’occasion pour certains peut-être de pousser pour la première fois les portes d’une librairie indépendante. Avant de venir à la librairie, "il y a toute une première phase où ce sont les professionnels qui vont à leur rencontre en classe". Pour cette classe de seconde, il y a donc eu la libraire, Dominique Minard, mais aussi une autrice, Élise Fontenaille, et une illustratrice, Fabienne Cinquin. Ce n’est qu’ensuite que ces élèves sont venus passer deux heures dans la librairie de la rue des Gras. "Ils avaient tous un budget de 30 euros grâce au pass culture parmi toutes les propositions de la librairie : littérature, documents, livres d’art, romans, BD, livres pratiques…"
Commerce de proximité, lien social, bibliodiversité, prix du livre bloqué, Dominique Mignard a pu évoquer tous les thèmes qui lui sont chers lors de cette expérience.
Cécile Bergougnoux
