Lorsqu’on entre sur le Domaine de la Planche, à Viscomtat, la quiétude des lieux prend toute la place. Une ancienne ferme trône sur les dix hectares de plaines et forêts. Plusieurs yourtes dressées par-ci par-là viennent ajouter un air désertique au décor. Pourtant, les lieux sont bien loin d’être inhabités. Une quinzaine de jeunes sont assis en cercle dans l’herbe et discutent. Sont-ils en camp de vacances ? Loin de là. "Ils sont en pleine session d’apprentissage", indique à voix basse Delphine Bassot, l’une des deux salariés du Domaine en charge de formations Bafa.Les sessions plus théoriques n'ont pas mieu dans une salle de classe mais dans une yourte, voire dehors.Et ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas l’air de travailler que les stagiaires formés au Domaine n’ont pas de pain sur la planche. "Cela n’a rien à voir avec une formation scolaire classique. Les jeunes participent activement et apprennent en pratiquant." Une philosophie propre à l’association des Éclaireuses Éclaireurs de France (Éclés), un mouvement de scoutisme laïque auquel appartient le Domaine.
Notre but est de former des citoyens conscients des enjeux de société et désireux de participer à un meilleur accueil de chacun.
Éveiller le sens critique des jeunes et les ouvrir à la diversité. Une manière pour les Éclés de mieux les préparer aux diverses situations auxquelles ils devront faire face en tant qu’animateurs.
Une formation en internat 24 heures sur 24Pour ce faire, une semaine durant, les stagiaires sont plongés dans l’univers des Éclés. "Ils sont aussi responsables du ménage et de la cuisine sur leur camp." Car cette formation particulière se fait uniquement en internat. "Pour la plupart, on est Éclés, donc on a déjà fait des camps scouts", explique Maud, l’une des participantes. Une appartenance qui se voit au foulard coloré que la majorité des stagiaires porte autour du cou.
Et c’est un avantage, car pour suivre le rythme 9 heures - 21 h 30 imposé par la formation, mieux vaut être habitué à la vie en camp. "Chaque matin, les jeunes animent un conseil, précise Delphine Bassot. Ils parlent de ce qui va, de ce qui ne va pas, et de ce qui peut être amélioré. Ensuite, ils ont une séquence de jeux et de théorie puis s’occupent du repas. Et rebelote l’après-midi."
Pour s’habituer au métier d’animateur, les stagiaires doivent à tour de rôle proposer une animation, en équipe. C’est le cas de Lou, Lisa, Margot et Camille.
On a suivi une séquence d’initiation aux plantes comestibles et médicinales hier. Aujourd’hui, c’est à nous de proposer une activité pour transmettre ce qu’on a appris aux autres.
À quoi ressemblera leur animation ? "On va faire comme si on était perdus en forêt. Chaque équipe va avoir un problème qu’elle devra résoudre grâce à une plante." Un pissenlit pour soigner de l’eczéma. De la sauge à utiliser en antiseptique et en cicatrisant. "On peut faire plein de trucs avec ce qu’on trouve autour de nous. C’est super cool." Et également préparer un pesto à partir de la plupart des herbes. "On a goûté l’ortie. Apparemment ça aurait un goût d’épinards. On le cherche encore."
Des activités pour sensibiliser aux handicaps visibles et invisiblesAu-delà de l’apprentissage de techniques de terrain, les internes sont aussi formés à faire usage de leur sensibilité. À l’image de l’exercice proposé par Côme. Une marche des discriminations, pour apprendre aux futurs animateurs à mieux réagir face à un public en situation de handicap. "Chacun tire un papier sur lequel est écrit un handicap, qu‘il devra incarner. Ensuite, tout le monde se met en ligne. Je décris des situations comme “aller à l’école seul” ou “faire mes lacets”, et si la personne peut le faire, elle fait un pas en avant."Résultat : quand certains ont avancé à chaque situation, d’autres n’ont pas bougé d’un pas. Vient ensuite le temps de la discussion. Assis en cercle, les stagiaires expriment leur opinion, librement et calmement, sur l’activité. "On se rend compte que la société est pas hyper inclusive pour les personnes en situation de handicap. Ça m’a brisé le cœur quand la question “est-ce que tu pourrais participer sans difficulté à un camp Éclé, et que tout le monde n’a pas pu avancer. Il faut que ça change." Pour acquiescer aux paroles de Judith, les autres participants secouent leurs mains. "C’est une manière de leur apprendre à s’exprimer avec autre chose que la parole, indique Delphine Bassot. Cela permet de garder la fluidité de la conversation et de conserver le calme."Le calme. Le mantra du Domaine de la Planche. Encore plus quand le chant des oiseaux vient rythmer les réflexions morales sur la société des apprentis Bafa. Des réflexions ponctuées de "est-ce que", "il me semble" et "on est tous d’accord ?", révélatrices de l’application de la philosophie inclusive des Éclés. Fanny Rodriguez
Contact. www.eedf.fr. Anne Sophie Lerest : 06.27.41.01.97.