On s’est beaucoup gaussé d’Aurore Bergé qui, le 30 juin au soir, contredisant le président de la République et le Premier ministre, souhaitait que se maintiennent, pour le second tour, les candidats d’Ensemble. Ceux qui le pouvaient… Et, pourtant, si cela avait été la seule attitude convenable ?
Avant d’appréhender les surprenants détours du macronisme, rêvons une seconde d’un monde idéal en politique. Et sans éprouver une fois de plus le besoin d’en référer à Charles de Gaulle. Avec Emmanuel Macron, nous sommes présidés par un homme qui a été désavoué trois fois par le peuple après sa réélection (acquise à la suite d’une campagne minimaliste, de son fait) : une majorité relative aux dernières élections législatives en 2022 alors qu’il l’espérait absolue, une défaite cinglante de son camp aux élections européennes et un premier tour dévastateur pour sa cause au premier tour des élections législatives 2024. Trois camouflets, dont les deux derniers ont signé sa faillite personnelle après une dissolution délirante qui a placé le RN en position de domination. Par sa faiblesse, la politique du président a favorisé le RN en prétendant le combattre. Face au constat d’un lien durablement rompu avec le peuple, Emmanuel Macron pourrait en tirer une conclusion : sa démission. Mais il ne le fera pas et préférera le 8 juillet s’accommoder d’une assemblée ingouvernable, contraignant, au mieux, à des alliances improbables. Y compris, si on suit l’ambiguïté des interventions des deux têtes du pouvoir, Emmanuel Macron et Gabriel Attal le 30 juin, avec un Nouveau Front Populaire sous l’emprise de Jean-Luc Mélenchon, même pas futur Premier ministre. Au moins, sur ce plan, Édouard Philippe, Bruno Le Maire et d’autres rétifs, excluant le vote LFI au second tour, font le bon choix.
Qu’on ne croit pas que j’abandonne la droite à sa condition réduite. J’éprouvais des angoisses à l’idée qu’un bureau politique LR se réunissait le 1ᵉʳ juillet pour déterminer la position pour le second tour du 7 juillet. Le courage intellectuel et démocratique serait-il au rendez-vous et les François-Xavier Bellamy seraient-ils en nombre ? Heureusement, aucune consigne nationale n’a été donnée, l’extrême gauche est un danger et l’extrême droite aussi, mais moindre. Comme Raymond Aron l’avait précisé, la politique n’a pas à arbitrer « entre le bien et le mal mais entre le détestable ou le préférable ». Cette alternative offre une réponse limpide aujourd’hui.
A lire aussi : Rima Hassan, l’ambiguë-tragique
Pour en revenir à la macronie qui clairement a choisi de sauver sa peau plutôt qu’être digne, je vais parler net. Si la joute législative se résumait à une lutte personnelle entre les personnalités et les parcours de Jean-Luc Mélenchon et de Jordan Bardella, nul doute que ma sympathie irait vers le plus jeune, l’autre ayant fait tout ce qu’il fallait pour se faire détester de tous, et d’abord au sein de la secte sur laquelle pèse son emprise. Car la bataille s’engage bien entre Bardella et Mélenchon et il est lamentable que pour contrer le RN, les macronistes fassent « le choix du NFP ». Comment la macronie pourra-t-elle justifier un tel reniement de ses valeurs, qu’elle ne cesse pourtant d’afficher, ajoutant à chaque fois pour faire bonne mesure, « de la République » ? Ces valeurs, dont le discours de Gabriel Attal a égrainé l’existence tel un mantra, sont-elles à ce point respectées par LFI, avec son antisémitisme, sa haine de la police (« la police tue »), son désordre et sa vulgarité parlementaires délibérées, certaines de ses personnalités déshonorant la démocratie, qu’on puisse ainsi d’initiative souhaiter une collusion avec ce groupe ? Imagine-t-on des candidats d’Ensemble permettre, sans frémir, la victoire de quelques LFI sans honneur qui seraient légitimement battus sans leur aide ? Est-il normal que, pour lui complaire, Gabriel Attal annonce la suspension de la réforme de l’assurance chômage qu’encore ces dernières semaines on qualifiait d’absolument nécessaire ? Est-il décent que pas une seconde, une vague conscience républicaine ne s’éveille chez ces professionnels blasés de la politique seulement préoccupés de troubler la transparence électorale en entravant les conséquences de la première étape législative ?
Surtout, qu’on vienne nous expliquer, au lieu de ressasser « les valeurs de la République » contre le RN, alors que beaucoup reconnaissent avec bonne foi qu’il a changé, pourquoi il conviendrait que nous acceptions cette alliance contre-nature entre une macronie molle et une extrême gauche qui refuse les exigences d’un peuple attaché à la sécurité, à la Justice, à l’autorité et aux forces de l’ordre. Extrême gauche dont le projet régalien se résume à combattre les seules violences policières…
Comme tant d’autres, je suis lassé par la pauvreté politique qu’on oppose à un RN lui-même pauvre dans tant de secteurs, en croyant le noyer sous un opprobre moral, faute d’une argumentation technique convaincante. Pour nous dissuader d’être tenté par un RN allié à Éric Ciotti dans les domaines qui sont son fort (immigration et sécurité), il faudrait davantage que la perte de toute dignité pour sauver la peau d’un président dépassé et maintenu à flot par un Premier ministre vaillant, actif, mais qui n’ose pas aller contre le « partisan correct ».
A lire aussi : La droite va-t-elle continuer d’affluer vers Bardella durant l’entre-deux-tours?
Le pire est que cette lâcheté et cette ignominie – là, on pourrait évoquer la violation des « valeurs de la République » ! – vont ouvrir un immense boulevard pour l’adversaire. Qui pourrait vraiment hésiter entre Jordan Bardella et un couple formé par Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ? On fait tout pour permettre à Jordan Bardella de faire un brouillon durant deux ans. En faisant le pari que Marine Le Pen ne pourra pas le mettre au propre ! Un pari de plus ?
Le macronisme n’est même pas un humanisme.
L’article La Macronie: sauver sa vie ou être digne est apparu en premier sur Causeur.