La soirée électorale était déjà bien avancée, dimanche, quand le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé suspendre la très controversée réforme de l’assurance-chômage. Pourquoi lexécutif a-t-il tant attendu ? Pour ne pas se dédire ? Pour ne pas donner le sentiment de céder ?Les députés de la majorité présidentielle qui ne passeront pas le premier tour des législatives, soit parce qu’ils n’ont pas obtenu assez de suffrages, soit parce que, dans un « réflexe républicain », ils s’effaceront au second tour pour faire barrage au Rassemblement national, ont de quoi pester contre cette annonce tardive de suspension de cette troisième réforme en moins de cinq ans de l’assurance-chômage que la gauche et l’extrême droite notamment dénonçaient.Il faut croire que son maintien avec un décret prévu ce 1er juillet était un argument de campagne pour la Macronie qui, en 2019 puis 2022, avait déjà durci les règles d’indemnisation.À partir du 1er décembre, donc, la durée d’indemnisation aurait été réduite de 18 à quinze mois et, pour être indemnisé, huit mois travaillés sur les vingt derniers auraient été exigés contre six au cours des 24 derniers actuellement.
« Objet d’aménagements »Gabriel Attal n’a d’ailleurs pas complètement enterré cette réforme, son entourage laissant entendre, dimanche soir, qu’elle pourrait « faire l’objet d’aménagements, de discussions entre forces républicaines ». Le Premier ministre en sursis ne pouvait mieux dire qu’il était et serait ouvert à de « futures majorités de projets et d’idées » issues du second tour.Dans le programme de « Ensemble pour la République », il n’est, en outre, pas question de l’assurance-chômage ou alors entre les lignes d’un court paragraphe : « Nous poursuivrons une lutte implacable contre toutes les fraudes sociales et fiscales après les résultats historiques obtenus l’an passé avec 17 milliards d’euros mis en redressement. Un projet de loi sera présenté dès l’été. »La majorité présidentielle lui préfère la « valeur » travail : « D’ici 2027, affirme-t-elle dans ce même document, nous créerons 200.000 emplois industriels et 400 usines supplémentaires en restant le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements. »Le programme du RN n’est guère plus disert. « Annulation de la réforme de l’assurance chômage de juillet 2024 », peut-on y lire. Autrement dit, les précédentes réformes de 2019 et 2022, respectivement actées en 2021 et 2023, resteraient en vigueur.
À la suite de l’annonce gouvernementale fin mai, le RN avait, également, lancé une pétition contre cette réforme de l’assurance-chômage sur son site officiel, mais aussi acquiescé à une proposition de loi contre celle-ci présentée en commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale par des députés du groupe indépendant LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires). Les députés de la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale) en avaient fait tout autant.
Retour à la situation d’avant 2021La gauche, sous sa bannière de Nouveau Front populaire, liquide aussi d’une phrase cette réforme et une autre tout aussi chère à la Macronie : « Abroger immédiatement, annonce son programme, les décrets d’application de la réforme d’Emmanuel Macron passant l’âge de départ à la retraite à 64 ans, ainsi que les réformes de l’assurance-chômage. »Du parti d’extrême droite à la coalition de gauche, la différence est pourtant d’importance. Elle tient à un pluriel : la gauche s’engage à abroger, non pas la seule dernière réforme, mais aussi les réformes précédentes de l’assurance-chômage menées par Emmanuel Macron et ce, dans les quinze premiers jours suivant son éventuelle arrivée au pouvoir. Bref, elle entend revenir à la situation d’avant 2021 où il fallait avoir travaillé quatre mois sur les 28 derniers pour avoir le droit de toucher le chômage.
La réforme de 2019 a aussi, pour mémoire, modifié les modalités de calcul de l’indemnisation du chômage avec, notamment, l’introduction de la dégressivité au septième mois pour certains allocataires. La réforme de 2022, quant à elle, a amputé d‘un quart la durée d’indemnisation des chômeurs longue durée : les droits, auparavant valables pour 24 mois, ne le sont plus que pour 18.Du côté des Républicains, des cadres n’ont pas manqué de critiquer cette réforme. Reste que, dans son contre-budget pour cette année, le parti alors dirigé par Éric Ciotti proposait aussi de durcir les règles de l’assurance-chômage…
Jérôme Pilleyre