La lumière qui entre par les verrières d’atelier de l’usine du May, éclaire de petites sculptures, au rez-de-chaussée. Est-ce que ce sont des totems miniatures ? Ou bien des personnages, avec des jupes, des coiffures, des ailes ? À y regarder de plus près, les composants de ces créatures ne sont autres que des lames de couteaux, des mousquetons, des blaireaux de rasage… Autant de pièces qui font l’identité du bassin thiernois.
C’est l’artiste Grégory Granados qui est l’auteur de cette nouvelle exposition au centre d’art contemporain du Creux de l’Enfer, Résonances industrielles. Designer stéphanois, il était en résidence sur le bassin de Thiers depuis janvier, dans le cadre d’un partenariat entre le centre d’art, la Ville de Saint-Étienne et la Drac Auvergne-Rhône-Alpes. Son projet initial était de fondre une cloche, mais au contact du tissu économique local, il a changé d’avis. Il a préféré collecter des pièces industrielles et artisanales, et les réassembler différemment, pour créer ces sculptures.
En résidence dans des entreprisesLes entreprises Wichard, Fontenille-Pataud, Muzard, Perceval et Roddier-Roddier lui ont ouvert leurs portes et donné de multiples pièces pour lui permettre de créer. "Les entreprises qui ont participé sont toutes des amoureuses de l’objet, dans un principe de compétence jusqu’au-boutiste. Or ces sculptures n’ont plus de fonction", décrivait la directrice du centre d’art, Sophie Auger Grappin, lors d’une visite précédant le vernissage, jeudi 27 juin.
Elles ont perdu leur fonction première, mais l’artiste Grégory Granados leur en a donné une nouvelle.
Ce sont des objets témoins : ils témoignent d’une histoire passée mais aussi d’une histoire présente. Ils portent l’histoire de leur fabrication. Et pour moi, c’est important.
De luthier à designerParce qu’avant d’être designer, Grégory Granados, 32 ans, était artisan. D’abord luthier, puis ébéniste et menuisier en sièges. Il semble d’autant plus sensible à ces pièces forgées ou polies par le savoir-faire thiernois. "On voit que vous avez touché la matière car vous la respectez, vous la magnifiez", estimait le coutelier Dominique Chambriard.
Aujourd’hui, Grégory Granados enseigne le design d’objets à l’école supérieure d’art et design de Saint-Étienne, où il a obtenu son diplôme en 2018. L’année d’après, il recevait le grand prix de Design Parade Hyères.
Bande-sonD’autres compétences, comme la pratique de la musique et de la danse, ont aussi été exploitées dans son exposition. "De la même manière que j’ai travaillé les objets, j’ai récolté des sons : des machines en marche, des ambiances, pour les transformer en quelque chose qui pourrait devenir musical", décrivait-il. Cette bande-son accompagne la projection de vidéos.
Après l’usine du May, des "Témoins" de Grégory Granados seront exposés dans les jardins de la sous-préfecture pour les Journées européennes du patrimoine, puis à La Serre, à Saint-Étienne. Quant à l’artiste, il s’est envolé au Cambodge, pour un nouveau projet.
Cette exposition est à voir à l’usine du May, avenue Joseph-Claussat à Thiers, jusqu’au 22 septembre, du mercredi au dimanche, de 14 à 18 heures. Entrée libre et gratuite. Visites commentées les premiers samedis du mois à 15 heures, 2 €, gratuites pour les -18 ans et les adhérents.
Alice Chevrier