« Ça revient en salle par vous monsieur, deuxième rang à droite, à 3.400. 3.500, par Thierry sur le live. On va adjuger sans regret à 3.500 », déclare Maître Pierre Turpin, avant de laisser retomber son marteau sur le pupitre, pour clore les enchères d’une Vue de La Celle-Dunoise. Une huile sur toile exécutée par Henri Jamet (1858-1921) au début du siècle dernier. Et dont le prix d’achat fut l’une des surprises de la vente de tableaux associés à l’école picturale de Crozant, qui s’est tenue, samedi 29 juin, à la salle des ventes de Guéret.
Comme le précise Christophe Rameix, expert des peintres de la vallée de la Creuse, chargé d’estimer les œuvres passées sous le marteau du commissaire-priseur, ce jour-là :
Je l’avais estimé entre 600 et 800 euros. Je m’attendais à ce qu’il parte pour 1.500 euros. Jamet est un bon peintre, un peu académique, et dont le travail s’est rapproché de l’impressionnisme à la fin de sa vie. Mais ça n’est pas un “grand peintre”.
Guillaumin, Thiéry, Detroy, Maillaud...L’auteur de l’ouvrage de référence, L’École de Crozant : les peintres de la Creuse et de Gargilesse, 1850-1950 (Lucien Souny), est par ailleurs surpris qu’une lumineuse huile de Paul Madeline (1863-1920), L’Entrée du château, ait dû être retirée de la vente, faute d’enchérisseurs. « C’est une œuvre d’une grande qualité, le sujet est très bon, un peu littéraire. Elle aurait dû partir », s’étonne l’expert, qui avait évalué le tableau entre 4.000 et 5.000 euros.
Evaluée entre 4.000 et 5.000 euros, L’Entrée du château, de Paul Madeline, a dû être retirée de la vente, faute d’enchérisseurs.
Parmi les pièces les plus côtées de la vente, La Vallée de la Creuse à Crozant, pastel d’Armand Guillaumin (1841-1927) estimé entre 2.000 et 2.500 euros, et Au bois de la Brétaudière, huile sur toile de Gaston Thiéry (1922-2013), estimée entre 3.000 et 4.500 euros, n’ont pas non plus trouvé d’acheteurs. Ni parmi les nombreuses personnes présentes dans la salle du 6 de la rue Georges-Clémenceau, ni parmi les enchérisseurs en ligne, pourtant fortement mobilisés ce 29 juin.
Les acheteurs étaient nombreux en salle, mais aussi en ligne.
Ce qui n’empêche pas Christophe Rameix de juger positivement cette session estivale. « Le reste de la vente s’est plutôt bien passé. Nous avons vendu la quasi-totalité des lots », dit-il. « Les dessins de Léon Detroy que nous avons présentés en début d’après-midi sont partis entre 300 et 500 euros, alors qu’en général, nous les vendons pour la moitié de ces prix. Les Maillaud ont également remporté un succès certain », poursuit le spécialiste de la peinture impressionniste et post-impressionniste.
Un heureux acheteur creusois a pu s'offrir ce charmant "Paysage de neige animé" de Fernand Maillaud, pour 1.000 euros.
Moins de tableaux de grandes valeurs vendus en CreuseMais, complète-t-il, manquaient à l’appel « un ou deux tableaux importants, estimés entre 20.000 et 25.000 euros, comme nous pouvons en avoir d’habitude ». Une absence que Christophe Rameix impute en partie à un contexte récent. « Nous avons de moins en moins de tableaux à vendre à Guéret. L’École de Crozant est de plus en plus connue en France. Les gens peuvent avoir tendance à conserver leurs biens. Par ailleurs, avec l’essor de la vente en ligne, les marchands peuvent vendre les œuvres dont ils disposent là où ils se trouvent, et pas nécessairement chez nous », souligne l’expert. Avant d’illustrer :
Six Léon Detroy, dont quatre réalisés en Creuse, ont été récemment vendus à Nice. Il y a quinze ans, la moitié serait arrivée chez nous.
Mais il faut raison garder : la prochaine vente de tableaux de la Creuse, prévue au mois de décembre, devrait, comme toujours, comprendre son lot de pépites.
En Creuse, vous avez une occasion unique de vous offrir une toile de l’École de Crozant
Texte et photos : François Delotte