Comment les startups réinventent-elles la recherche des laboratoires pharmaceutiques ?

Le 12 juin dernier, Bpifrance le Hub organisait la cinquième édition des Tech'up du Hub réunissant acteurs de la santé et de l'innovation. Sujet du jour : Comment l'IA intervient-elle dans la recherche pharmaceutique ?

Comment des entreprises comme Microsoft, Aqemia et Owkin, en collaboration avec des géants pharmaceutiques comme Sanofi, redéfinissent-t-elles la recherche pharmaceutique ? C'est la question à laquelle ont tenté de répondre Vivien Londe, senior software engineer chez Microsoft, Hervé Minoux, Head of AI for large molecule research chez Sanofi, Maximilien Levesque, CEO et co-fondateur d'Aqemia et Alban de la Sablière, chief operating partner d'Owkin.

La révolution de l'intelligence artificielle (IA) transforme radicalement le secteur de la recherche pharmaceutique. Les startups à la pointe de cette mutation offrent des solutions innovantes qui accélèrent et optimisent le développement de nouveaux médicaments.

Microsoft joue un rôle clé dans la transformation de la recherche pharmaceutique grâce à ses technologies avancées, notamment Azure Quantum Elements. Cette plateforme basée sur l'IA révolutionne la découverte de médicaments en permettant de simuler des interactions moléculaires complexes. Selon Vivien Londe, Senior Software Engineer chez Microsoft, " Azure Quantum Elements utilise la puissance du calcul quantique et de l'intelligence artificielle pour modéliser virtuellement des milliers de composés chimiques en un temps record. " Cette capacité réduit considérablement le temps et les coûts associés à la découverte de médicaments.

Traditionnellement, le processus de développement de nouveaux médicaments est long, coûteux et implique des années de recherche et des investissements massifs. Azure Quantum Elements permet aux chercheurs d'identifier plus rapidement des candidats potentiels en simulant les interactions moléculaires avec une précision inégalée. Lors de son intervention au Hub de Bpifrance, Vivien Londe explique : " Grâce à notre technologie, les chercheurs peuvent explorer un vaste espace chimique et biologique beaucoup plus rapidement, ce qui leur permet de se concentrer sur les composés les plus prometteurs. " En outre, cette technologie optimise le processus de développement des médicaments en augmentant les chances de succès des essais cliniques. Les simulations précises des interactions moléculaires permettent d'anticiper les effets secondaires potentiels et d'optimiser les propriétés pharmacologiques des composés. " Notre objectif est de fournir aux chercheurs des outils puissants pour accélérer le développement de nouveaux traitements et améliorer les résultats pour les patients ", déclare Vivien Londe. La solution de Microsoft Azur Quantum Eléments ouvre de nouvelles voies pour la découverte de médicaments, rendant le processus plus rapide, plus efficace et potentiellement plus fructueux. " Nous sommes convaincus que notre technologie peut transformer la recherche pharmaceutique et apporter des bénéfices significatifs à l'humanité ", conclut Vivien Londe.

Toujours dans un souci d'accélérer la recherche, certains géants de l'industrie pharmaceutique n'hésitent pas à collaborer avec des structures plus petites, véritables expertes dans leurs domaines et plus agiles.

C'est le cas de Sanofi avec Aqemia. Pourquoi ? " D'abord pour combler nos potentiels manques. Selon moi, lorsqu'une entreprise identifie ses trous, elle peut soit, développer l'expertise en interne, soit l'acheter à un tiers ou alors collaborer avec une structure qui a déjà le savoir, explique Hervé Minoux, les collaborations permettent de profiter de la connaissance et des technologies des startups de compenser le fait que les talents sont moins attirés par les grands groupes ".

Sanofi a donc fait le choix de la collaboration avec Aqemia pour la conception des molécules. Spécialisée dans le design de molécules thérapeutiques, la startup utilise des algorithmes d'IA pour prédire les interactions entre celles-ci, accélérant ainsi le cycle de développement des médicaments. " On collabore aussi avec des laboratoires pharmaceutiques comme Sanofi pour inventer les molécules adaptées aux bonnes cibles ", détaille son CEO, Maximilien Levesque. La technologie d'Aqemia permet de modéliser des scénarios complexes et de tester virtuellement des combinaisons de molécules, ce qui serait impossible avec les méthodes traditionnelles.

Lorsqu'on interroge Maximilien Levesque sur l'utilisation de l'IA dans la recherche pharmaceutique, il répond " l'IA est centrale dans la réflexion autour de la création de la bonne molécule thérapeutique. Nous avons au coeur d'Aqemia deux technologies qui se nourrissent l'une et l'autre : l'IA générative, qui invente des molécules et la physique quantique. En effet, ce qui nous rend unique au monde est le fait que ces molécules-là avec une grande précision par des mathématiques quantiques ". En d'autres termes, au lieu de s'appuyer sur de la data qui n'existe pas voire très peu, l'IA générative d'Aqemia se nourrit des résultats de la physique et comprend petit à petit ses systèmes et mécanismes biologiques pour inventer, in fine, les bonnes molécules qui seront ensuite dans des cellules, puis sur des animaux avant d'être diffusées à des patients.

Owkin, une autre start-up innovante, exploite l'IA pour analyser d'énormes ensembles de données médicales. En partenariat avec Sanofi, elle utilise des techniques de machine learning pour découvrir des biomarqueurs et identifier des cibles thérapeutiques avec une précision inégalée. Cette approche permet de développer des traitements personnalisés, adaptés aux besoins spécifiques des patients, améliorant ainsi les résultats cliniques. Pionnière dans l'application de l'intelligence artificielle au domaine médical, Owkin utilise des algorithmes d'apprentissage automatique pour analyser de vastes ensembles de données cliniques et génomiques. Cette collaboration marque une avancée significative vers une médecine personnalisée qui tend à développer des traitements plus efficaces et adaptés aux besoins individuels des patients, réduisant ainsi les essais et erreurs souvent associés aux thérapies standardisées. En cela, " Collaborer avec l'industrie pharmaceutique a plusieurs avantages et quelques inconvénients ", ironise Alban de la Sablière, Chief Operating Partner d'Owkin. " On travaille pour servir un intérêt majeur qu'est celui de la santé et les géants sont très ouverts aux partenariats pour cela. En revanche sur des questions comme celles autour de l'IA, les temps de traitements ont tendance à être très longs. Il faut s'armer de patience, c'est important que le partenaire l'ait en tête. " Des faits corroborés par Maximilien Levesque, " le temps joue contre les petites structures au moment des négociations. Il faut savoir faire preuve d'agilité. "

Grâce à des modèles prédictifs avancés, Owkin et Sanofi sont en mesure de stratifier les patients en fonction de leurs profils génétiques et cliniques, ouvrant la voie à des approches thérapeutiques sur-mesure. " Notre objectif est de transformer les données en connaissances exploitables pour offrir des solutions thérapeutiques personnalisées, améliorant ainsi les résultats cliniques pour chaque patient, " annonce le COP d'Owkin.

Pour la Big pharma, l'enjeu est double " dans dix, quinze ans, la pharma aura totalement changé son business modèle. Les temps de développement seront divisés par deux, tout sera digitalisé, de plus en plus de chatbots verront le jour et remplaceront certaines activités ", ajoute Alban de la Sablière. C'est en cela que la collaboration entre startups et grands laboratoires pharmaceutiques ouvre une nouvelle ère de la médecine, où les traitements sont plus personnalisés et les patients bénéficient de soins optimisés. La transformation initiée par l'IA n'est pas seulement une amélioration, mais un changement fondamental dans la manière dont nous concevons et développons les médicaments.

*A propos de Bpifrance le Hub : Avec un programme d'accompagnement multidisciplinaire opéré sur-mesure, Bpifrance Le Hub accélère le développement des startups investies par les fonds d'investissement en capital risque de Bpifrance. Sa fameuse salle " Le Hub ", inaugurée il y a 10 ans, ambitionne de rassembler les acteurs de l'écosystème innovation à travers des évènements prospectifs et prises de parole inspirantes.

Cet article a été publié initialement sur Big Média Comment les startups réinventent-elles la recherche des laboratoires pharmaceutiques ?