Le tri a la source des biodéchets pour les particuliers est obligatoire depuis le 1er janvier dernier. Individuel ou collectif, où en est le développement du compostage en Haute-Loire ? À l’ouest, sur le territoire du Sictom Issoire-Brioude, cet outil se développe lentement mais sûrement depuis déjà plus de 25 ans…
Depuis le début de l’année, et en application de la loi antigaspillage pour une économie circulaire (Agec), « les collectivités territoriales sont tenues de mettre en place un tri à la source des biodéchets pour les particuliers, dans le cadre du service public de gestion des déchets », rappelle-t-on sur le site service-public.fr. Sur le territoire du Syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (Sictom) Issoire-Brioude, à l’ouest de la Haute-Loire, l’application de ce texte passe par un développement massif du compostage. Une démarche qui se fait toutefois en douceur, car préparée bien avant la loi et partiellement lancée depuis 1998. « Dès lors, on a compris que la question de la gestion des fermentescibles allait émerger », résume le directeur du Sictom, Serge Batisse.
« Au départ, cela concernait les initiés, les volontaires »À ce moment-là, le syndicat travaillait sur la question de la collecte sélective des déchets ménagers et des emballages. « Le tri devenait un maillon supplémentaire et la dynamique allait continuer dans ce sens. On sentait qu’après les emballages viendraient sans doute les biodéchets. » Alors, la collectivité a commencé « modestement », avec l’achat de composteurs individuels qu’elle proposait aux ménages avec une formation. « Au départ, cela concernait les initiés, les volontaires. » Un mouvement qui s’est poursuivi jusqu’au 1er janvier dernier. Et inlassablement, depuis plus de 25 ans, le Sictom a travaillé sa communication autour des « bienfaits du compost. Et les gens ne sont pas bêtes. Avec Internet, ils ont pu vérifier tous les éléments que l’on avançait. »Tant et si bien que les composteurs individuels ont fait leur trou sur les communes du syndicat. « Au 21 mai dernier, on en a distribué 18.538 sur l’ensemble de notre territoire. »Jusqu’au début 2023, ces outils étaient donnés contre une contribution symbolique. Depuis, ils ont été mis à disposition gratuitement pour permettre d’accélérer leur déploiement avant la date clef du 1er janvier 2024. Mais le Sictom insiste sur la méthode de distribution :
« Elle s’accompagne d’une formation rapide pour expliquer le fonctionnement d’un composteur et de la remise d’un document. On peut aussi faire un accompagnement téléphonique et, si nécessaire, se déplacer. On fait même un peu de phoning de temps en temps, de manière aléatoire, pour voir si le compostage fonctionne. »
Et comme tout le monde ne dispose pas d’un bout de terrain pour installer un dispositif individuel, le sujet des composteurs collectifs s’est logiquement imposé au fil du temps. « Cela fait une dizaine d’années qu’on travaille dessus. En traitant ça comme un vrai projet, non pas comme une idée anecdotique. »Au programme donc : étude de faisabilité en interne ; travail pour convaincre les partenaires que sont les communautés de communes, l’agglo d’Issoire et les communes, « car les composteurs collectifs doivent se trouver sur l’emprise foncière des municipalités » ; étude de terrain (trouver les emplacements les plus judicieux) et, comme un magasin, une étude de la zone de chalandise pour trouver les foyers concernés (enquête en boîte aux lettres, information et formation pour la mise en service…).
On a souhaité aussi qu’il y ait des personnes référentes pour chaque composteur collectif. En plus des agents du Sictom qui viennent contrôler les composteurs toutes les semaines.
La question s’est aussi posée de trouver un fournisseur pour ces composteurs : « On s’est vite rendu compte que pour être le plus efficace, il valait mieux tout faire soi-même. » Ainsi sont nés les « compostosaures » à grands yeux et sourire rigolards, qui ont commencé à apparaître dans les communes du syndicat et qui ne demandaient qu’à dévorer les déchets fermentescibles… « Aujourd’hui, nous en avons 895 en fonctionnement. Et 113 attendent actuellement d’être mis en place. Depuis le 1er janvier, 215 ont été installés. » Les « compostosaures » du Sictom Issoire-Brioude sont fabriqués par les employés du syndicat, dans ses locaux de Cohade, en Haute-Loire.Et le Sictom se fixe l’objectif de 500 sur l’année en cours. Des composteurs en bois fabriqués dans les locaux du syndicat et pouvant s’adapter au terrain d’installation. « Des fois, ils n’ont qu’une cellule. Pour des cantines, on en a fait des géants. On en a même installé sur un terrain en pente », détaille Serge Batisse. Ce à quoi le président du Sictom, Pierre Ravel, ajoute : « Le tout est de ne pas poser le composteur sur du goudron. Et ils sont grillagés pour que les nuisibles ne puissent pas s’y introduire. »Pour fabriquer ces équipements, les installer et assurer leur suivi, le Sictom a progressivement revu son organisation, à effectif constant : « Au départ, il y avait un salarié qui fabriquait et suivait les composteurs. Puis un pour chaque mission. Maintenant, nous avons trois personnes qui assurent le suivi et trois pour la fabrication. S’ajoutent deux personnes qui s’occupent de monter chaque projet d’installation. » Concernant l’entretien, en dehors des référents pour chaque composteur, les employés du Sictom chargés du suivi s’occupent d’ajouter du broyat en cas de cellule pleine. « Puis on organise la distribution du compost auprès des gens du quartier ou de la commune. Actuellement, on n’en a pas suffisamment pour les gens intéressés. Il n’y a pas de problème de débouchés. »
« Les composteurs sont beaucoup plus acceptés »« Et il n’y a aucune gêne occasionnée par les composteurs », insiste Serge Batisse. Pierre Ravel, président du Sictom, complète : « Maintenant, ils sont beaucoup plus acceptés. Cela est devenu évident. Et ils permettent à des gens du même quartier de se rencontrer. » Le directeur ajoute : « La formation passe de mieux en mieux auprès des administrés. Les gens remplissent les composteurs. »À l’évocation du coût de cette opération sur le long terme, le président répond simplement : « Maintenant, c’est trop tard pour se poser la question. Quel que soit le service, il y a un coût. En revanche, celui du passage au compostage a été lissé depuis 1998 pour nous. Et il a un lien direct avec les tonnages de déchets ménagers. Malgré les effets de l’inflation, le choix des élus et des techniciens a permis d’éviter la hausse de la taxe… »Et Serge Batisse d’appuyer : « Le compostage, c’est un maillon de la chaîne. Il a permis de faire baisser les tonnages de déchets collectés, entraînant une refonte des circuits et une diminution des tournées. » Qui ont peut-être, elles aussi, engendré une plus grande utilisation du compostage… « Tout est lié. »
Pierre Hébrard
