Ici, tout le monde l’appelle Cathy. Ici, tout le monde sera un peu orphelin demain quand Cathy partira à la retraite. Mais elle prévoit un pot en septembre.
Son titre officiel est « agente d’accueil, sécurité incendie », même si « si y’a le feu, je sers à rien, on est tous mort ». Elle, se dit « homme à tout faire ». Mais pour tout le monde ici, elle est juste un rayon de soleil.
La maman des athlètesCatherine Mayet. Cathy. Le premier visage qui vous accueille quand vous entrez à la Maison des sports. Un visage. Un sourire. Des yeux rieurs qui semblent avoir dix ans. Depuis presque deux décennies, elle est la maman de tous les sportifs ici.
Je vois à leur visage quand quelque chose ne va pas, alors on discute.
Prendre soin des autres, c’est ce que Cathy fait de mieux. Quitte à s’oublier parfois. « Mais les athlètes ont toujours été là pour moi aussi. L’équipe masculine de hand, ce sont des amours. » Vingt ans qu’elle trouve des solutions à tout. Il faut dire qu’elle connaît chaque recoin de la Maison des sports. Elle y entre en 2006 pour faire le ménage. « C’était à l’époque de Jean-Aimé Toupane. Je préparais les matchs avec lui. La manutention, la peinture, réparer… » Homme à tout faire. Disponible, souriante, le directeur de l’époque décide de la mettre en avant. D’en faire la vitrine en quelque sorte. « Il m’a dit “l’accueil, ça vous ira très bien” », sourit Cathy. « C’est vrai que j’aime bien prendre soin des gens. »
« L’impression qu’ils allaient à l’abattoir »Avant cela, Cathy avait travaillé aux services des eaux de la Ville. « Qu’est-ce qu’on faisait la java. » Elle a également été dans la restauration. Secrétaire sténographe aussi. « Mais je n’arrivais pas à me relire », se marre-t-elle. Cathy se marre tout le temps. Ou presque. Il y a eu l’épisode Covid. La Maison des sports est transformée en centre de vaccination. « Je voyais défiler tous ces petits vieux, sur des brancards, qui allaient se faire piquer. » Le sourire est effacé. On sent une réelle horreur. Presque une terreur dans les yeux de la femme de 64 ans. Peut-être que pour la première fois, elle ne peut pas aider. « L’impression qu’ils allaient à l’abattoir, je ne sais pas comment dire autrement. Je l’ai très mal vécu. » Tellement qu’elle est arrêtée trois mois pour burn-out. Avec pour conséquence qu’elle n’a plus le droit de travailler le matin.
J’avais du mal à me lever. Quand le médecin m’a supprimé les matins, j’étais contente. Je déteste le matin. Je suis un oiseau de nuit moi.
Le sourire est de retour. Il n’est jamais loin.
Un schizophrène nu en coquilleLes souvenirs sont surtout joyeux. Comme ce schizophrène de Sainte-Marie qui courait dans les couloirs, nu, affublé d’une seule coquille, cherchant la bagarre avec le prof de karaté parce qu’il voulait devenir garde du corps.
Les seuls regrets de Cathy remontent à avant. « J’aurais aimé être coiffeuse. Surtout, qu’est-ce que j’aurais aimé faire les Beaux-Arts. Je dessine encore. Avec ma petite-fille. J’adore dessiner des visages. » Les autres, toujours les autres. « Je vais penser à moi »
La retraite ? Prendre soin d'elle... un peuDemain, midi, Cathy sera à la retraite. Pour faire quoi??
Prendre le temps. Ce serait une première. Et puis, penser à moi. Peut-être que toutes ces années, je ne me suis pas assez occupée de moi. Je vais aller à la piscine. J’ai peur de l’eau. Je vais affronter ça.
On est heureux d’entendre Cathy parler de prendre du temps. Elle qui gesticule sur sa chaise en parlant. Ne tient pas en place. Mais l’illusion est courte. « J’ai une maison de famille à Fournols. On doit faire du repérage, revoir le bornage. Et puis, je dois faire des travaux chez moi. Je fais aussi partie du comité des fêtes de Paugnat, mon village. » Cathy voit le désarroi chez nous. Elle essaie de rassurer. « Mon frère va m’aider. » Cathy fait partie d’une fratrie. Dont, sans surprise, elle est l’aînée. Celui qui gère. Qui s’occupe des autres. Qui prend sur lui. Qui rayonne.
Simon Antony
