« La France a peur », pourrait-on écrire, pastichant la formule choc et vintage de Roger Gicquel. Et pas seulement celle des marchés financiers. C’est ce que nous disent les haruspices de l’opinion. Notamment l’institut Verian, pour la fondation Jean-Jaurès, selon lequel, face à l’incertitude du scrutin législatif, quatre Français sur dix seraient étreints par l’angoisse. Comme suspendus au dernier barreau de l’échelle d’un trouillomètre tanguant sous le roulis catastrophiste de rhétoriques martiales et culpabilisantes, promettant « chaos », « ruine » et « guerre civile », en cas de victoire des extrêmes. Curieusement, cette France qui chocotte ne semble pas être la même que celle que ces élections stimulent, si l’on se fie au sursaut de participation conjecturé par les sondeurs, favorable au RN. À trois jours du scrutin, la charge anxiogène de cette échéance esquisse, en creux, l’acuité des enjeux, mais aussi une certaine résignation à l’avènement du RN, au parfum de prophétie autoréalisatrice. La peur, selon la formule consacrée, n’évite pas le danger. Reste la honte et la colère, également citées dans les sondages, que l’appel des urnes pourrait (doit ?) réveiller.
l’éditorial
Sébastien Couratin
