Après deux premiers chapitres écrits et réalisés par John Krasinski, la franchise Sans un bruit se déploie avec un spin-off, un grand retour à l’origine de l’invasion des créatures extraterrestres à l’ouïe hypersensible. Si Jeff Nichols fut d’abord placé aux manettes du préquel, courtisé par Krasinski lui-même, le cinéaste s’est finalement retiré du projet pour laisser place à Michael Sarnoski, dont c’est le deuxième long métrage après Pig, son revenge movie trufficulteur avec Nicolas Cage.
L’histoire du jour 1 constituait déjà la séquence d’ouverture du deuxième opus de la saga, tandis que les créatures enflammées s’abattaient sur Terre depuis le ciel, en plein match de baseball, devant une audience médusée. Ici, l’irruption des bêtes se fait à New York, ville assourdissante s’il en est, soudain plongée dans un silence de cathédrale. Quelques jolies idées flottent à la surface, éparpillées ici et là au cours de cette apocalypse naissante, comme cette masse d’humains coincés dans un Manhattan densifié à l’extrême, filmée comme une horde de zombies, progressant silencieusement et d’un seul bloc vers la mer, seul endroit inaccessible pour les monstres massacreurs. La tentation du motif aquatique y est d’ailleurs trop souvent avortée, malgré quelques esquisses prometteuses : parler sous une fontaine ruisselante pour ne pas être entendu, les ponts volontairement détruits en périphérie de la ville ou une course-poursuite dans un long tunnel d’eau.
Car ce Jour 1 déroule ensuite un programme ronflant, tiraillé entre l’aventure chuchotée du premier film et la veine plus spectaculaire des affrontements sonores du second. Il prend la forme d’une longue traversée intimiste d’un duo formée sur le tard, Lupita Nyong’o (impériale et que l’on sait d’emblée condamnée par un cancer en phase terminale) et Joseph Quinn (le grand taré metalleux Eddie Munson de The Stranger Things, ici en pleutre cravateux). Cette rencontre tardive ne laissera pas grand-chose sur son passage, limitée à quelques opportunités tire-larmes. Dans un sentimentalisme éteint, Michael Sarnoski semble ainsi avoir extirpé les mauvais penchants de ses deux aînés, balayant d’un revers de main la prodigieuse matière théorique et de sidération qui avait nourri les épopées passées. Le préquel semble plus enclin à s’en remettre à un petit chat, Frodo, héros incongru du film et citation boursoufflée du berger allemand qui traînait dans les rues désertes de Je suis une légende.
Avant que la catastrophe ne frappe, l’héroïne assiste à un spectacle de marionnettes dont elle se fichait royalement et qui, à sa grande surprise, lui provoque finalement un frisson. Plus tard, lors d’une séquence en miroir sur l’estrade d’un bar abandonné, elle se prendra au jeu d’un tour de magie silencieux, devant un public qui n’existe pas. Régulièrement traversée par des souvenirs du passé et à la recherche d’une pizza en pleine apocalypse, (madeleine de Proust et grande quête du film), l’héroïne souffrante donne ainsi au film toute sa trajectoire : moins un survival qu’un chemin vers l’enfance disparue. Un retour aux sources qui se moule hélas dans la forme la plus essoufflée du conte apocalyptique, une bien blême chevauchée parmi les décombres.
Sans un bruit : jour 1 de Michael Sarnoski avec Lupita Nyong’o, Joseph Quinn