Le cœur battant de la cité. Le Square Arsène-Vermenouze est un îlot de verdure en centre-ville. Un point de repère. Un havre de paix. Soigneusement entretenu par un personnage aussi discret qu’indispensable, Lucile Couderc.
Dans ce réduit sans commodité, où sont entreposés les matériels, elle termine sa pause. La demi-heure du casse-croûte, un laitage et une pomme. « Officiellement, nous avons trente minutes pour la pause ». Il est 11 heures. Lucile Couderc est debout depuis 4 h 15. La prise de service a lieu, comme tous les matins de la semaine à 5 h 50.
Mais pourquoi si tôt ? « Je crois qu’au départ, c’était une demande des personnels. Ça permet de ne pas travailler l’après-midi ». De fait, en été, la fin de service sonne à 13 heures. Une heure plus tard en hiver, l’annualisation du temps de travail mise en place le permet désormais.
« T’affole pas le baigneur... »« Quand je travaillais en équipe, j’ai eu deux anévrismes. Du coup, quand Daniel Dupasquier est parti à la retraite, j’ai pris sa place il y a quelques années. Il y a moins de stress ici. C’est mieux pour moi ». Non, ce n’est pas le jardin extraordinaire de Charles Trenet. Pas de statues qui vont danser la nuit sur le gazon, ni de canard qui parlent anglais. Le Square Vermenouze est bien mieux. Car tous les jours de la semaine, on peut y croiser une jardinière peu ordinaire. Bob fleuri posé sur la tête, pour se protéger de la pluie ou du soleil, elle a pour mission de planter, de nettoyer, d’entretenir ce lieu. « Aujourd’hui, je fais les choses sans pression. Et quand j’ai besoin, les collègues me donnent un coup de main. Quand c’est la saison de tailler les arbustes par exemple. Je fais de petits tas, et ils viennent les chercher ».
La relation avec les gens, oui, c'est une partie du travail. On donne des renseignements sur les fleurs, sur les arbres. Ou on papote tout simplement. Il y a quelques habitués qui passent régulièrement. Je suis un peu comme la bonne copine qui écoute
Depuis combien de temps ? « Je suis aux espaces verts depuis vingt-sept ans. C’est l’âge de ma fille », sourit la quinquagénaire. « Avant j’étais animatrice pour la petite enfance. Quand j’étais petite, j’ai hésité entre la menuiserie et les fleurs. Parce que j’adorais, et j’aime toujours, bricoler. J’étais toujours avec les gars, j’étais très habile de mes mains, et on bricolait ». Mais le choix se porte sur les fleurs. Elle part alors étudier au lycée agricole de Marmilhat (dans la banlieue de Clermont-Ferrand).
Mais si tondre le gazon et planter des fleurs (et plein de choses encore ! ) reste son métier, elle est aussi le cœur battant de ce jardin : « Ces échanges avec les Aurillacois, c’est le quotidien ». Un quotidien qu’elle apprécie. Et que ces visiteurs plus ou moins réguliers apprécient aussi. Autour du Square, les commerçants qui la connaissent, l’appellent tout simplement et affectueusement, Lulu. Tiens, comme cette autre Lulu, Lucienne Edmond, qui tenait estaminet rue de la Bride, décédée en octobre 2013. Et qui, elle aussi, « était la copine qui écoute » derrière son comptoir.
Un collègue pousse la porte du local. Sa parka étanche est recouverte de pluie : « Tiens, je te ramène ça », lance Vincent à Lucile en lui tendant une épuisette. « T’affole pas le baigneur, ça va se faire tranquille », lui répond-elle. Il sourit, il découvre l’expression. Puis, il quitte le local sur un « bon week-end ». Sur le chambranle de la porte, un fer à cheval, porte-bonheur sans doute. Mais pas très efficace contre la pluie ces dernières semaines.
« J’espère que je vais rester là jusqu’à la retraite ». Elle jette un regard vers l’extérieur. La pluie n’a pas cessé. Elle retourne à ses occupations. Mais pas sûr qu’elle puisse “papoter” aujourd’hui avec les visiteurs. La pluie aura raison des discussions…
Bruno-Serge Leroy
