L’édition 2024 du baromètre de Cegos sur les directions des ressources humaines, qui vient de paraître, comporte pour la première fois une comparaison de la situation française avec huit pays d’Europe et d’Amérique latine. Les entreprises interrogées partagent globalement les mêmes enjeux en matière de RH et les mêmes inquiétudes sur le durcissement du climat social et l’intégration de l’intelligence artificielle.
Révélatrices des politiques de développement des entreprises, les services des ressources humaines ont été mis à rude épreuve par la pandémie de Covid-19 et l’apparition de nouveaux sujets comme la digitalisation ou le télétravail.
Le baromètre international de l’organisme de formation Cegos montre qu’en France et ailleurs dans le monde les principales préoccupations des DRH demeurent le recrutement (pour 45 % des répondants) et la fidélisation (41 %) dans les neuf pays étudiés* à l’exception de l’Italie où ce sont « l’accompagnement de la transformation de l’organisation » et « l’évolution des compétences des collaborateurs » qui arrivent en tête des réponses. Le Chili se démarque également avec 48 % de DRH citant les transformations de l’entreprise comme enjeu stratégique majeur.
Du côté des enjeux de climat social, la hiérarchisation des priorités opérée par les DRH reflète la part grandissante que prennent dans leur quotidien les questions liées à la RSE et les demandes de la nouvelle génération, très attachée à l’équilibre entre leurs vies personnelle et professionnelle. Ce dernier enjeu est d’ailleurs cité comme principal par 47 % des répondants et est particulièrement prégnant au Portugal (60 %) et en Espagne (56 %). En seconde position avec 46 %, la santé au travail (lutte contre le stress et les risques psychosociaux) est l’enjeu majeur des DRH en Allemagne, au Royaume-Uni, au Chili et au Mexique.
Qu’il s’agisse de la préservation de la vie personnelle, de la qualité du dialogue social, de l’équité au travail ou du partage des valeurs, les directeurs des ressources humaines observent à 44 % des comportements assimilés à de la violence, de l’agressivité ou de l’incivilité « de façon très significative » ou qui « reste assez exceptionnelle ». 36 % n’en observent pas « de façon apparente » mais constatent que « les rapports humains ont tendance à se tendre ». Ils sont donc 80 % à faire état d’une dégradation du climat social et de tensions dans les relations humaines.
Les salariés de ces entreprises, également sondés par le baromètre de Cegos, partage cette conclusion, signe de montée en pression de tensions latentes. 37 % se disent témoins de comportements violents, agressifs ou incivils et 34 % mes ressentent de façon sous-jacente. Soit un total de 71 %. Cette tendance affecte cependant moins l’Europe du Sud (Italie, Portugal, Italie). Sur une note de 1 à 10, ils fixent la moyenne de leur évaluation du climat social à 6,9. Seuls le Brésil (7,7) et le Mexique (7,6) se montrent plus enthousiastes.
Entre la gestion des urgences imposée par les tensions persistantes sur les différents marchés du travail et une ambiance tendue au travail, les entreprises n’ont apparemment pas encore mobiliser leurs ressources pour innover dans leurs pratiques professionnelles. Ainsi, si l’intégration de l’intelligence artificielle constitue un enjeu stratégique pour 21 % des RH sondés, 69 % ne l’ont pas encore prise en compte au quotidien. 44 % des répondants portugais n’ont aucun projet en la matière, mais 58 % des DRH brésiliens ont déjà commencé à intégrer l’IA dans leurs pratiques. Seuls 7 % d’entre eux disent ne pas vouloir l’intégrer.
En revanche, la question de l’implication des managers dans la gestion des RH (planning, entretiens annuels…), grande tendance de ces dernières années, semble réussie. Du moins du côté des DRH. 80 % des décideurs RH interrogés (mais 70 % au Portugal et 89 % au Chili) reconnaissent le rôle des managers dans la gestion des ressources humaines. Ce point de vue est partagé par les salariés, bien que dans une moindre mesure, par 67 % en moyenne et 76 % au Mexique contre 59 % en France.
Qu’il s’agisse de passer aux outils utilisant l’intelligence artificielle, d’apaiser le climat social ou de recruter, les principales difficultés rencontrées par les DRH internationaux consistent à gérer l’urgence (70 %), faire face à la pression (68 %) et s’adapter aux fréquentes évolutions stratégiques de leur organisation (66 %). Les enjeux actuels sont par ailleurs appelés à perdurer. Les professionnels anticipent ainsi une plus forte implication dans les sujets RSE (48 %) et une évolution de leurs pratiques en lien avec la difficulté à attirer et fidéliser les talents, l’évolution des modalités de travail ou encore les attentes des nouvelles générations (32 %).
Sophie Creusillet
* France, Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Portugal, Chili, Mexique, Brésil
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