Renforcement de la polarisation de la vie politique, faux choix entre socialisme de droite et de gauche, difficultés et enjeux d’un combat culturel plutôt que politique, les élections législatives qui se profilent au mois de juillet laissent peu d’espérance quant à l’avenir politique de la France qui semble condamnée au naufrage.
Les élections européennes ont révélé une véritable fracture politique en France : le Rassemblement national (RN), le parti de la droite nationaliste et socialiste, est majoritaire dans la totalité des départements – à l’exception du microcosme parisien.
Quant à la majorité présidentielle, le parti Renaissance, que l’on peut résumer à du centrisme autoritaire, elle a fini par payer électoralement le prix du mépris et de la condescendance affichée par ses représentants pendant sept années consécutives.
Emmanuel Macron a ainsi annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale, ce qui signifie que des élections législatives devront être organisées de manière anticipée – les 30 juin et 7 juillet prochains – dont il en a résulté un sitcom des partis politiques en voie de décomposition ainsi qu’un renforcement des extrêmes.
En effet, les partis ayant le plus de chance d’arriver au second tour sont classés à l’extrême droite (le RN), qui draguent les Français sur l’insécurité et le pouvoir d’achat, et ceux classés à l’extrême gauche (le Nouveau Front populaire – NFP), qui draguent les Français sur fond de rhétorique marxiste d’exploitation, de justice sociale et climatique. La France est l’un des rares pays d’Europe dans lequel les deux extrêmes ont autant de poids électoralement. Macron a peut-être réussi à se hisser au pouvoir en prétendant dépasser le clivage gauche-droite, il a renforcé la polarisation de la vie politique française.
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Ces élections anticipées seront organisées selon un scrutin majoritaire à deux tours : si l’un des partis remporte plus de 50 % des voix dès le premier tour, et obtient donc la majorité absolue, un seul tour est organisé ; autrement, en cas de majorité relative, un second tour est nécessaire.
En l’occurrence, une cohabitation est hautement probable, c’est-à-dire que la majorité présidentielle et la majorité parlementaire ne seront pas du même bord politique. C’est un avantage indéniable pour Macron qui pourra faire porter les maux de ses deux derniers quinquennats, dont les effets se perçoivent à long terme, au RN ou au NFP, et les décrédibiliser lors des prochaines élections présidentielles pendant que le parti Renaissance choisit soigneusement son nouveau sbire pour 2027.
Au-delà des querelles partisanes et des stratégies politiciennes, l’élection du RN ou du NFP ne changera pas substantiellement les choses et pourrait, si certains points étaient appliqués, considérablement aggraver la situation (en premier lieu, l’état des finances publiques dont les Français finiront, tôt ou tard, par payer le prix fort). Il suffit de se pencher sur leurs programmes, économiquement très proches : hausse des dépenses pour l’hôpital public, abrogation de la timide réforme des retraites, subventions aux entreprises pour augmenter les salaires, prêts à taux zéro, rétablissement de l’ISF ou mise en place d’un impôt sur la fortune financière, révision ou abolition des accords de libre-échange. Cette proximité idéologique n’a rien d’étonnant : le RN et le NFP sont les deux faces d’une même pièce, celle du socialisme. Qu’ils soient de droite ou de gauche, ils partagent la même vision antilibérale et holiste de la société, où la nation, dans le premier cas, où la classe sociale, dans le second cas, priment sur les parties qui la composent (l’individu). Dans les deux cas, l’État régule de nombreux aspects de la vie sociale. La principale variable entre le RN et le NFP renvoie à leur attachement à certaines valeurs morales, qui les différencie dans les débats sociétaux. La sociologie du RN est classée à gauche – le parti a renforcé son socle traditionnel composé d’employés et d’ouvriers lors des dernières élections européennes – tandis que la sociologie du NFP (anciennement La France insoumise – NUPES) arrive en tête au sein des professions intermédiaires et des employés.
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Rares sont les partis qui proposent ce dont la France a le plus besoin, à savoir un changement profond dans l’organisation de nos institutions : la fin du présidentialisme, le renforcement du pouvoir législatif, la décentralisation et la subsidiarité ascendante, la simplification normative, l’autonomie fiscale des communes, la suppression du statut de fonctionnaire, l’abolition de la plupart des ministères inutiles et dispendieux, une administration efficace et réactive au lieu d’une bureaucratie qui fonctionne à la manière d’une machine antidémocratique.
Et lorsqu’ils existent, ces partis peinent à mobiliser.
L’acceptabilité de ces idées ne pourra avoir lieu tant que la doctrine interventionniste sera la norme au sein des cercles éducatifs, médiatiques et institutionnels. Le combat est donc culturel avant d’être politique. Créer son propre parti est certes respectable pour le temps et l’investissement que cela représente. S’engager dans un parti traditionnel est sûrement pratique pour se donner bonne conscience tout en vivant aux frais du contribuable. Dans tous les cas, c’est peu rentable politiquement pour plusieurs raisons : l’idéologie étatiste est trop profondément ancrée dans l’esprit des Français, ces idées ne sont donc pas dans la fenêtre d’Overton, et la pratique du pouvoir telle qu’elle est aujourd’hui ne permet pas de mettre en place les réformes mentionnées plus haut.
Le macronisme en est la preuve : les tentatives d’insuffler des idées libérales au sein du parti de la majorité se sont heurtées aux oppositions de ses électeurs, partisans du statu quo, et n’ont eu d’autres effets que d’associer, à tort, le libéralisme à la politique illibérale de l’exécutif et de le rendre encore plus inaudible qu’il ne l’était déjà. C’est la raison pour laquelle les libéraux doivent poursuivre le combat culturel et continuer de préparer le terrain dans l’espoir, qu’un jour, la France reparte sur des bases plus saines.