"Les parquets des ministères et des palais de la République sont pleins de cloportes (...) ils sont dans les parquets, dans les rainures du parquet, il est très difficile de s’en débarrasser", a lancé le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur TV5 Monde.
"Le mieux c’est de ne pas les écouter, et de rester à sa place qu’on soit président de la République, Premier ministre, ministre, et prendre ses décisions en conscience", a-t-il asséné, visiblement en désaccord avec l'arbitrage présidentiel, comme une partie du camp macroniste.
Sont notamment visés Bruno Roger-Petit, conseiller mémoire du président, et Pierre Charon, ancien sarkozyste et "visiteur du soir" à l'Elysée, tous deux fins connaisseurs des arcanes du pouvoir.
"Il faut toujours se méfier des entourages (...) Je sais que souvent ils font leur miel des petites phrases et des attaques", renchérit l'ex-Premier ministre Edouard Philippe, prompt à distribuer les uppercuts depuis la dissolution du 9 juin.
Dans le secret des off, ces échanges informels entre journalistes et ministres ou conseillers régulièrement repris dans les médias sous la forme de petites phrases assassines et anonymes, tous les coups sont effectivement permis.
"C'est moi !"
Et leur attribution supposée ou réelle alimente toutes les spéculations: qui a eu l'idée de cette dissolution qui entraîne des législatives anticipées les 30 juin et 7 juillet ? Quel avenir pour le président ? Qui manigance quoi pour lui succéder en 2027 ?
A ce petit jeu, l'entourage d'Emmanuel Macron est désormais dans la tourmente, même si le président n'a rétiré sa confiance à aucun de ses conseillers -au moins officiellement- et n'est guère réputé agir sous influence.
"Il y a toujours un, deux, trois conseillers qui parviennent à créer une relation psychologique avec le président, assez proche du transfert qui s’opère en psychanalyse entre un patient et son psy", pointe Gaspard Gantzer, qui fut le conseiller en communication de François Hollande à l'Elysée de 2014 à 2017.
"Leur disponibilité d'esprit, le soutien psychologique, l’empathie conduisent les personnalités politiques à être partiellement dépendantes de certains d'entre eux", ajoute-t-il.
Tous les chefs d'Etat de la Ve République ont eu leur lot de conseillers de l'ombre. "Les conseillers politiques permettent d’échanger, de tester des idées. Ils ont plus de temps que les conseillers techniques", concentrés sur la gestion au quotidien du pays, pointe un ancien responsable de cabinet à Matignon.
Mais dans la course aux idées, ils ont aussi la tentation, flatteuse, de surenchérir, de "proposer des choses toujours plus originales pour marquer l’histoire de leur sceau", observe Gaspard Gantzer.
"Le premier qui prononce le mot +dissolution+, c’est moi, mais après, c’est une œuvre collective ! On est obligé d’imaginer quelque chose de +gaullien+, car tout est bloqué", raconte ainsi Pierre Charon dans le quotidien Le Monde.
"Airbag"
"Le président m’épate. La moindre des choses que je dois faire en retour, c’est d’essayer de l’épater et mon ancienneté présente quelques avantages", pointe sans détours le septuagénaire.
Les contrefeux manquent d'autant plus que le chef de l'Etat a réduit le champ de ses consultations au fil des annés. Durant le premier quinquennat, "il ne prenait pas une décision sans la mettre sur la table avec les chefs de la majorité et quelques ministres politiques", raconte un ancien conseiller.
Ca lui servait "d’airbag politique", dit-il encore. Cette fois, "il n’y a pas eu de filtre", "ça en dit long sur l'isolement et l’enfermement du président autour de gens qui lui tendent le miroir", affirme-t-il.
Mais de l'avis général, au final, c'est le président seul qui décide et assume. "Mitterrand disait +les conseillers n’existent pas+, Macron a fait sienne cette formule", relève-t-on dans son entourage.
"Si vous donnez un conseil qu’il ne suit pas, vous n'existez pas et si vous conseillez quelque chose qu’il fait, c’est sa décision", fait-on valoir de même source.
Emmanuel Macron a consulté "plein de gens pendant des semaines" sur la dissolution, "il nous a dit (le dimanche 9 juin) au retour du Touquet à 18h30 +j’ai pris ma décision j’y vais+", mais il "pouvait aussi très bien ne pas le faire", décortique encore cette source.
"A la fin du jour, tout dépend du président (..) Et il est capable de faire des bêtises tout seul", conclut l'ancien haut fonctionnaire en poste à Matignon.