Bourrés de qualités que les naturalistes sont ravis de pouvoir exposer, ces insectes, reptiles et autres mollusques sauront captiver qui acceptera de se laisser surprendre, charmer par leurs particularités. Les uns sont de redoutables prédateurs, les autres font d’excellents bioindicateurs. Coup d’œil à ces espèces qui, contrairement aux apparences, ont un rôle important à jouer et une grande utilité au jardin.
Les guêpes : sans pitié pour nourrir leurs larves carnivoresL’été, elles peuvent gâcher la soirée. Quand elles lorgnent sur notre repas, les guêpes savent se montrer insistantes et pénibles. Certaines d’entre elles du moins, car en réalité, il en existe de toutes sortes.
« La France, commente Lorène Gachet, recense plusieurs milliers d’espèces (environ 3.000). Et seules deux attaquent les assiettes », précise la chargée d’animation nature au Conservatoire d’espaces naturels d’Auvergne (Cen) : la guêpe commune et la germanique. Ces dernières appartiennent à la catégorie des guêpes dites sociales (celles qui fabriquent des nids communautaires) qui regroupe une vingtaine d’espèces. Mis à part ces deux-là, « aucune autre guêpe ne s’invite à table », assurent Lorène Gachet et Aurélie Soissons, entomologiste (qui étudie les insectes) et chargée de projets au Cen. Pas plus les polistes (similaires aux communes) que les fouisseuses (photo ci-dessus), de petites guêpes faisant partie d’un autre groupe, celui des solitaires.Agaçantes ou non, solitaires ou pas, « les guêpes sont aussi de vraies alliées au jardin », garantit Lorène Gachet. Pour nourrir leurs larves carnivores, les plus « opportunistes » et désagréables de fait, ne comptent pas seulement sur le jambon au creux des assiettes. « Elles capturent d’autres insectes, mais aussi des larves de mouche ou encore les chenilles de papillon, qui elles, peuvent grignoter les plants du potager. Un nid de guêpes sociales, reprend la chargée d’animation, chasse plusieurs milliers de proies par jour ». D’autres espèces de guêpes ont des méthodes plus singulières encore, notamment « celles qualifiées de parasitoïdes qui pondent leurs œufs à l’intérieur d’autres insectes (chenilles, pucerons, larves, etc.). Ces derniers mourront lorsque les larves des guêpes auront fini leur développement et sortiront de l’insecte parasité », détaille Lorène Gachet, ajoutant qu’outre leur rôle de régulation, les guêpes « apportent leur contribution dans le transport du pollen, étape nécessaire pour avoir fruits et légumes au jardin ». (Photo de Jean-Raphaël Guillaumin, fournie par le Cen)
Les punaises : de redoutables « prédatrices » dans cette grande famille des hémiptèresLes punaises de lit n’ont pas bonne presse. Pas plus que celles qui sécrètent une odeur pestilentielle, « en général, quand on leur fait du mal, alors qu’elles sont sans danger pour l’homme, rappelle Stéphane Jardrin. Commençons par ne pas les écraser ! ». Et par apprendre à les connaître…« La France, reprend ce “curieux de nature”, compte quelque 1.400 espèces d’hémiptères », dont certaines attirent plus la sympathie que d’autres. Comme le pyrrhocore, le fameux « gendarme, rouge et noir », très présent dans les jardins, notamment au pied des tilleuls dont il raffole. Qui ne connaît pas non plus le gerris, cette punaise aquatique plus connue sous le nom d’araignée d’eau ? Elle a non seulement le pouvoir de marcher sur l’eau grâce à ses très longues pattes, mais celui aussi de débarrasser le jardinier d’un autre insecte qui a le don d’agacer, surtout lorsque l’on se trouve à proximité d’un bassin, d’un étang ou d’une mare : le moustique. « Le gerris, détaille Stéphane Jardrin, est carnivore. Il mange les petits insectes volants. Et s’il n’a pas un appétit féroce, il peut tout de même avoir un réel impact sur une population de moustiques et s’avérer très utile ». Il n’est pas le seul.Parmi la multitude d’espèces de punaises qui fréquentent les jardins de Haute-Loire et d’ailleurs, certaines se nourrissent de la sève des plantes (sans pour autant les accabler), d’autres apprécient les légumes crucifères du potager (chou, navet, brocoli, radis, roquette etc), d’autres encore préfèrent les framboisiers… mais il y a celles aussi qui se délectent des pucerons et autres chenilles de papillon qui font des dégâts notables sur les plants. C’est le cas des réduves (il en existe plusieurs sortes), de redoutables « prédatrices » qui doivent leur surnom de “punaises assassines” à leur technique de chasse. Tantôt « grises », tantôt « rouges et noires », ces petites bêtes (ci-dessus une rhinocoris, photo Stéphane Jardrin) « solitaires » transpercent puis liquifient les organes internes de leurs victimes pour les siroter jusqu’à plus soif. « Elles ont, reprend le naturaliste, un rôle de régulation » à jouer au jardin, où elles ont, à n’en pas douter, toute leur légitimité.
Les araignées : des atouts dans la lutte contre les indésirablesS’il y a bien des petites bêtes qui n’ont pas la cote dans les sondages d’opinion, ce sont bien elles : les araignées. Elles inspirent de la peur à plus d’un tiers des Français (*).Pourtant, ces mal-aimées rendent bien des services aux jardiniers. « Elles sont insectivores et capturent, comme d’autres espèces, des indésirables », rapporte Audrey Jean. Certaines, renchérit la chargée de mission « éducation au territoire » au Parc Livradois-Forez, « chassent à vue, telles que l’araignée-loup ou l’araignée sauteuse ». D’autres tissent de solides toiles dans lesquelles les insectes volants se retrouvent pris au piège. L’argiope frelon, reconnaissable à ses rayures (notre photo), ou encore la mangore petite-bouteille à l’abdomen proéminent procèdent ainsi. Très communes au jardin, ces deux espèces attrapent dans leurs filets quelques mouches, des moustiques, mais aussi des doryphores, ces ravageurs de pommes de terre, ou encore la piéride du chou, un papillon dont les larves (à l’état de chenilles) occasionnent des dégâts sur les cultures (chou évidemment, mais aussi navet, radis etc). Par ailleurs, ajoute Audrey Jean, ces araignées constituent « une source de nourriture pour les passereaux et pour d’autres insectes comme les carabes (sorte de scarabée). Elles font partie de la chaîne alimentaire ». (Illustration Dominique Parat)
(*) 31% des personnes interrogées, selon un sondage Ipsos, « les Français et la peur des insectes », publié en 2009.
Fourmis. La semaine dernière, l’Observatoire de la biodiversité du Parc naturel régional Livradois-Forez, dont le périmètre d’action s’étend sur une partie de la Haute-Loire, a lancé un inventaire participatif des dômes de fourmis en forêt, afin de les recenser et d’améliorer la connaissance sur la répartition des fourmis. Les promeneurs sont ainsi invités à partager leurs observations. Plus de renseignements sur le site obs.parc-livradois-forez.org.
Et si l’on se réjouissait de voir un serpent au jardin…À la vue d’un serpent dans son jardin, à l’endroit où jouent les enfants et où s’allonge le chien, la tentation est grande de céder à la panique, de se munir d’une pelle et de mettre fin, d’un coup d’un seul, aux inquiétudes (ce qui est interdit par la loi). Et si plutôt que de lui vouloir du mal, vous vous réjouissiez de sa présence… Drôle d’idée ?Il y a pourtant matière, selon Solenne Muller, à se satisfaire de cette cohabitation qui, si elle impose quelques aménagements pour que chacun dispose de son espace vital, n’est pas inconcevable (lire par ailleurs). Pourquoi s’en réjouir ? D’abord, parce que l’emménagement d’un serpent, venimeux ou non, est un signe qui ne trompe pas ; la preuve que le jardin regorge de vie, qu’il est un refuge pour la biodiversité, un lieu foisonnant et préservé.Qu’il s’agisse d’une inoffensive couleuvre ou d’une craintive vipère, « les serpents, développe Solenne Muller, membre de l’Observatoire des reptiles d’Auvergne (Ora), sont d’excellents bioindicateurs. Ce sont des prédateurs. De fait, on les croise là où il y a une grande diversité d’espèces, une foule de petits animaux », chacun étant la proie d’un autre… « Ils sont, reprend la naturaliste connue en Haute-Loire sous le pseudonyme de Madame Grenouille, un bon baromètre des habitats dits “en mosaïque” qui présentent un environnement varié, diversifié, avec des murets en pierres sèches, des fossés humides, des abris etc. Celui-ci leur est propice », tout comme à la biodiversité de manière générale.Les serpents, eux, « se nourrissent de petits rongeurs », tels que les mulots et autres campagnols qui grignotent, voire anéantissent parfois, les espoirs de récolte au potager. Sans pour autant exterminer sa source de protéines, histoire de ne pas courir à sa perte, le rampant (huit espèces fréquentent le département) est donc « un allié, l’auxiliaire du jardinier », souligne Solenne Muller, rappelant au passage aux amateurs d’oiseaux que les serpents rassasient quelques-uns de leurs protégés, comme le circaète Jean-le-Blanc qui niche en Haute-Loire à la belle saison. Les héberger peut donc être, qui sait, l’opportunité d’assister aux premières loges au spectacle qu’offre la nature… (Illustration Julie Ho Hoa)
Présents en Haute-Loire. Huit espèces de serpents, toutes protégées, fréquentent le département, parmi lesquelles deux vipères : l’aspic et la péliade. Si l’une d’elles se trouve dans votre jardin et que vous ne souhaitez pas cohabiter, plutôt que de lui faire du mal, contactez les bénévoles de SOS serpents. Par mail : reptiles.auvergne @gmail.com ; ou via la page Facebook de l’association : @observatoire des reptiles d’Auvergne.
Les limaces : « elles ne mangent pas toutes de la salade »
Si la météo de ces dernières semaines, de ces derniers mois a contraint l’humain à se replier dans son cocon, les limaces à l’inverse ont profité du temps pluvieux pour se reproduire et mener des excursions - souvent nocturnes - dans les jardins. Résultat, les salades et autres plants se sont fait dévorer. Toutes les limaces ne sont toutefois pas à incriminer.S’il faut pointer du doigt une espèce, c’est sans doute les déroceras, de petites limaces présentes en nombre dans les potagers, qui ont bon appétit. À moins que ce ne soit la loche noire ou encore la loche méridionale (similaire à la limace orange), qui font l’une et l’autre d’importants « dégâts aux cultures », note Sylvain Vrignaud.Ce dont ce malacologue (qui étudie les mollusques, N.D.L.R) est sûr en revanche, c’est que la limace léopard n’est pas responsable. « Elle ne s’attaque pas au potager », garantit le spécialiste, prestataire du Parc régional Livradois-Forez. Reconnaissable à sa robe tâchetée, cette espèce d’une dizaine de centimètres « en mode décontractée » n’est pas l’ennemi du jardinier, mais bien son allié.En plus d’offrir un surprenant spectacle aérien à qui a la chance d’assister à la parade nuptiale, la limace léopard possède un régime alimentaire varié. Elle se nourrit par exemple des feuilles mortes (on dit qu’elle est détritivore), participant ainsi au recyclage de la matière organique, et plus étonnant encore, de certains de ses congénères, moins recommandables. C’est une « opportuniste, comme la plupart des espèces », souligne Sylvain Vrignaud. Car oui, « toutes ne mangent pas forcément de la salade ». Certaines sont carnivores. Du reste, gare à l’accusation hâtive. « Ce n’est parce qu’une limace se trouve sur le végétal qu’elle le dévore. Elle peut être en train de manger le lichen, les champignons ou les bactéries présentes sur les feuilles », met en garde le malacologue. (Photo DR).
Ophélie Crémillieux