On peut avoir les meilleures jambes du monde, mais sans tête, il est parfois compliqué d’avancer. Depuis plusieurs années, Marion Banizette prépare mentalement les sportifs de haut niveau. Une spécialité que la psychologue du sport a développée au fil d’une carrière menée de front entre compétitions et compréhension des comportements des champions.
Avec un père ancien rugbyman et athlète de haut niveau devenu professeur d’EPS (éducation physique et sportive), Marion Banizette, originaire de la Loire, baigne depuis l’enfance dans un environnement sportif. Et même plus que cela. "J’ai eu mon père comme entraîneur lorsque je pratiquais le handball. Puis j’ai découvert le javelot."
"Tu as su trouver les mots"Douée, elle participe aux championnats de France avant de rejoindre le Creps (centre de ressource, d’expertise et de performance sportive) de Boulouris, à Saint-Raphaël (Var), et s’épanouit dans la pratique du lancer de javelot durant sept ans. Son master en Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives) en poche, Marion Banizette côtoie entraîneurs et sportifs de haut niveau quotidiennement.Marion Banizette accompagne plusieurs champions. Photo David Allignon
Pour rendre service, la jeune athlète apprécie de confectionner des plans d’entraînements à destination de sportifs. "Par curiosité, j’ai assisté au triathlon d’un athlète que j’avais aidé." La ligne passée, le sportif lâchera quelques observations qui font toujours echo aujourd’hui : "Tu as su trouver les mots. Tu m’as rassuré."
Convaincu, le triathlète, par ailleurs ostéopathe de l’équipe de water-polo de Nice, lui propose d’intégrer le staff afin d’accompagner mentalement les joueurs. "Je n’étais pas formé. Mais il a insisté. Jusqu’à ce que j’accepte de réaliser un stage." Marion composera même son mémoire de Master 2 sur son expérience avec les poloïstes.
Préparation de l’équipe de France de ski de bosses pour les JO d’hiver de 2002Du water-polo au basket-ball, il n’y a qu’un pas qu’elle décide de franchir en rejoignant l’encadrement de l’équipe de Pro A de basket-ball de Dijon (Côte d’Or) comme préparatrice mentale. Une activité qu’elle prolongera également auprès de l’équipe de France de ski de bosses qui préparait les Jeux Olympiques d’hiver de Salt Lake City (2002).
À ce moment-là, le mot préparation mentale n’était pas employé. Il n’y avait pas de formation. Alors, j’ai beaucoup observé et me suis appuyée sur mon bagage sportif.
Un apprentissage sur le tas qui se poursuit par une collaboration avec l’équipe de France de course d’orientation, qui était basée dans la Loire. "C’est un département qui a été à la pointe dans l’accompagnement des sportifs de haut niveau." En 2003, alors qu’elle est en thèse de Staps, Marion Banizette complète son expérience en intégrant la faculté de psychologie.
Psychologue clinicienne, psychologue du sport et donc préparatrice mentale, Marion Banizette dispose d’un sacré bagage qui lui permet d’accompagner sur le volet sportif, mais aussi d’aller plus loin. "Cela fait douze ans que j’ai mon titre de psychologue."
Tout au long de son parcours, la préparatrice a collaboré avec de nombreux sportifs d’horizons très différents : cyclistes, footballeurs, gymnastes, athlètes…Pédagogue, elle a aussi participé à des formations ou réalisé des conférences, devenant une référence dans le monde de la préparation mentale dans la Loire.
Installée à Issoire depuis 2018En 2018, Marion Banizette et sa famille posent leurs valises à Issoire. Un choix de vie qui lui permet de continuer l’accompagnement de sportifs, mais aussi de recevoir une patientèle plus classique lors de séance de psychologie. "J’utilise énormément le corps en mouvement pour permettre aux patients d’ingérer les choses. Pour moi, on soigne la tête grâce au corps."Le cabinet se trouve en centre-ville d'Issoire. Photo David Allignon.Avec l’approche des Jeux Olympiques de Paris cet été, le besoin d’accompagnements de sportifs de haut niveau s’est fait plus pressent. "Souvent les sportifs viennent me voir quand il y a un problème", commente-t-elle.Un déclic qui n’empêche pas la professionnelle d’énormément travailler sur les victoires.
On passe beaucoup de temps à revoir comment ils fonctionnent quand ça se passe bien, afin d’avoir des points de repère sur lesquels s’appuyer quand il y a de la pression ou des enjeux.
De l’enjeu, il y en aura pour la trentaine de sportifs tricolores valides et handisports (BMX, athlétisme, cyclisme, natation, triathlon…) que Marion Banizette suit en prévision des JO de Paris. "J’ai déjà accompagné des athlètes pour les Jeux d’été de Londres, de Rio, de Tokyo. Cette année, ce n’est pas du tout la même chose de vivre des JO à la maison."
Sollicitations accentuées des médias, prestations devant sa famille… de nombreux éléments perturbateurs seront à gérer pour les athlètes français. "Il y a plusieurs paramètres parasites qu’il leur faut intégrer. Il faut qu’ils puissent créer leur bulle sans qu’elle soit trop hermétique afin que la prise d’informations puisse continuer à se faire."
Verbaliser leurs émotionsSemaine après semaine, mois après mois, Marion Banizette construit donc le mental des champions avec une technique bien précise. "Je leur demande toujours de nommer le jour de leur objectif. Plus un athlète se programme, plus on réunit les chances d’être prêt le Jour J."La préparatrice reçoit également des champions à Issoire. Photo David Allignon.
L’Issoirienne pousse également ses patients à verbaliser leurs émotions. "C’est important, car dans la vie de tous les jours, un champion ça ne pleure pas. Je les pousse à sortir leurs émotions lors de nos séances." Cet été, Marion Banizette regardera d’un peu loin les exploits des athlètes olympiques.
Je dis souvent que le sport doit rester un plaisir. Et sans plaisir, il n’y a pas de performance. Pour cela, je garde de la distance et qu’ils ramènent une médaille ou non, je les accueille de la même manière.
Une façon de ne pas mettre la performance sportive au centre de tout, mais aussi de préparer l’après-JO. "Ils vont vivre une expérience incroyable, forte en émotions. Mais qu’est-ce qui va se passer derrière les JO ? Je compare souvent cette période au post-partum, qui arrive chez les femmes après la naissance d’un enfant."
Une période de bouleversements qui mérite une attention particulière que les champions pourront continuer à trouver dans le cabinet issoirien de Marion Banizette.
Jean-Baptiste Botella