Pas facile de prendre son aspiration. David Sudre navigue dans le box d’Alpine comme un bolide au moment d’enchaîner le virage d’Indianapolis, puis celui d’Arnage sur le circuit des 24 Heures du Mans. Gauche, droite, plein gaz.
18 h 45, la dernière réunion avant le départ de l’Hyperpole vient de se terminer. La stratégie a été validée entre le pilote Paul-Loup Chatin, le team principal Philippe Sinault et les ingénieurs. Place maintenant aux derniers réglages.
Côté pneus, la LMDh numéro 35 de l’écurie française partira en soft, elle sera la seule, les autres ayant préféré la gamme medium. « On va abaisser la pression de 0,01 bar. L’objectif est d’avoir un meilleur grip », indique David Sudre, technicien d’écurie Michelin qui accompagne Alpine (*) depuis 2019 sur le championnat du monde d’endurance (WEC).
Des échanges nourrisNaturellement, les teams cherchent toujours à diminuer au maximum la pression de leurs pneumatiques car plus il y en a, moins il y a de surface de pneu au contact de la piste et donc moins d’adhérence. Mais tout ceci est très réglementé par la Fédération internationale de l’automobile (FIA) depuis deux ans. Si les écuries passent en dessous d’un certain seuil, elles s’exposent à des pénalités.
Tout est donc question de dosages pointus où la responsabilité du technicien Michelin est pleinement engagée. Pour affiner son conseil, ce dernier opère un certain nombre de relevés d’exploitation qui sont ensuite envoyés aux ingénieurs performance du manufacturier clermontois, situés un peu plus en retrait du circuit. Leurs analyses poussées permettront ensuite à David Sudre et son écurie de savoir si les pneus sont utilisés de façon optimale.
« Alpine est encore en phase de découverte de sa voiture, ils en apprennent sur elle à chaque sortie sur la piste, détaille Pierre Alves, responsable des programmes Endurance de Michelin Motorsport. Ils ont besoin de nous pour comprendre comment utiliser nos pneus suivant les fenêtres de température et comment en tirer le maximum de potentiel. »
Depuis dimanche, l’ensemble des spécifications slicks (soft, medium, hard) ont pu être testées en fonction des variations de température de la piste et des conditions météo. Les échanges entre les six pilotes (Alpine possède deux voitures) et David Sudre sont particulièrement nourris et réguliers. Le ressenti de chacun est primordial et doit être pris en compte.
Une sécurité épiée« Nicolas Lapierre a une énorme expérience en endurance, sa sensibilité est différente de celle d’un Charles Milési, moins chevronné, mais qui a pu travailler plus récemment avec d’autres manufacturiers que Michelin. Alors que Mick Schumacher, qui arrive de la Formule 1, peut intervenir sur d’autres aspects, plus spécifiques », raconte le technicien Bibendum dont la mission est finalement d’offrir le train de pneus qui colle le plus à la sensitivité des trois pilotes amenés à se relayer au volant durant le double tour d’horloge. Pour performer, mais aussi assurer leur sécurité.
Celle-ci est d’ailleurs particulièrement scrutée cette année au Mans où, pour la première fois, les pneus ne peuvent pas être préchauffés avant de les monter sur les monoplaces (la règlementation est en place depuis la saison dernière en WEC, mais Le Mans y avait échappé en 2023).
Cette technique permettait une adhérence quasi-instantanée, mais a été supprimée pour des raisons écologiques. Beaucoup de pilotes sont montés au créneau, craignant pour leur sécurité, notamment la nuit où les températures sont naturellement plus fraîches.
Finalement, Michelin a rassuré tout au long de la semaine d’essais et de qualifications. « Nos pneus s’adaptent à toutes les températures, on est serein », assure Pierre Alves. Aux pilotes de faire monter progressivement la température de leurs pneus. Et ainsi d’éventuellement les pousser pour un quatrième relais, ce qui n’a encore jamais été fait. Une possibilité stratégique évoquée chez Alpine…
(*) Depuis cette saison, Alpine concourt en Hypercar, la catégorie reine de l’endurance. Au Mans, Vincent Balmisse