Pour Mattéo Clausse et Shuling Liu, l’objectif est atteint : « On a certainement atteint un millier d’oiseaux. Encore aujourd’hui, des associations nous demandent de faire des ateliers, donc on continue de fabriquer des oiseaux. On a même reçu le soutien de l’école d’art de Limoges, qui va organiser une conférence et des ateliers. C’est ce que l’on espérait, que l’histoire puisse être racontée au-delà de Tulle. »
Ce mercredi 5 juin au matin, ce sont des collégiens de Clemenceau qui ont ajouté un chapitre à cette histoire, celle des oiseaux en céramique créés par les deux artistes à la demande de Peuple et Culture dans le cadre des 80 ans du 9 juin 1944. Avec leur professeure d’arts plastiques, Sophie Marie, et leurs camarades de 4e, ils en ont réalisé près de 700, dont ils sont venus en déposer une partie à la Forêt du Souvenir mercredi matin.
Une installation voyageuseUne installation imaginée par Mattéo Clausse et Shuling Liu. « On les veut réunis en un seul groupe, expliquent-ils, parce qu’on veut réunir avec ce projet. » En groupe et au sol, « comme des oiseaux privés de liberté, les ailes repliées », rappellent-ils.Les artistes ont réuni les oiseaux, à l'image de leur projet qu'ils veulent unificateurs.
Pour les collégiens, l’occasion, belle et originale, de perpétuer la mémoire, de raconter « l’histoire de manière émotive et de cultiver les valeurs de paix et d’humanité pour l’avenir. » Tout est dit et bien dit, apprécie Sophie Marie. « C’est un peu magique et réconfortant », salue le maire de Tulle Bernard Combes.
Très vite, les oiseaux aux mille couleurs reprendront leur envol. Quelques-uns seront scellés sur le rocher mémoriel dressé à la lisière de la Forêt du Souvenir. D’autres seront placés dans une caisse spécialement créée. « L’installation pourra être vue ailleurs, avancent les deux artistes. Le Centre de la mémoire d’Oradour n’a pas encore donné suite, mais ce serait juste qu’elle soit montrée là-bas. Spontanément, des familles nous en ont demandés et des oiseaux sont partis chez eux. »
Anne-Marie Barthoumeyrou, avenue Winston-Churchill, « cohabite » depuis quelques jours avec une vingtaine de ces délicats volatiles. « Ce n’est pas mon histoire, reconnaît-elle. Nous sommes arrivés en Corrèze en 1976, mes enfants ont été très saisis la première fois qu’ils ont découvert des fleurs aux balcons en sortant un matin de juin. »
"Que cette histoire continue à vivre"Leur appartement était celui qu’occupait le père de Pierre Diederichs, et son grand-père. Celui où, le 9 juin 1944, des Allemands ont frappé pour venir accrocher des cordes aux rambardes. Celui où Pierre Diederichs lui-même a été filmé par Jean Pradinas et Patrick Séraudie, La mémoire des vivants et Le silence et la douleur.
L’objectif, c’est qu’on poursuive la fabrication des oiseaux, que ça devienne une tradition. Presque une identité pour la ville et si ça nous échappe, tant mieux !
« Ces petits oiseaux, c’est une très bonne idée, apprécie-t-elle. Le mieux, c’est que des enfants aient été associés à cette histoire, qui risque de disparaître. Une histoire que petit à petit, je me suis appropriée et je ne voudrais pas qu’on fasse comme si rien ne s’est passé. Il me semble que les gens ont la mémoire un peu courte ces temps-ci. Je mise sur la transmission par le récit de ce qu’il s’est passé pour que cette histoire continue à vivre. »En passant près des oiseaux en céramique, se souvenir du 9 juin 1944.
Dans le quartier de Souilhac, autour de la Manu, sur le vieux pont ou au rond-point de la Poste, devant l’école Joliot-Curie ou sur les avant-toits du marché couvert, sur quelques balcons, devant le lycée Perrier même et de-ci de-là dans la ville, quelque 200 oiseaux en céramique ont ainsi trouvé leur place.
« L’objectif, reprennent Mattéo Clausse et Shuling Liu, c’est qu’on poursuive la fabrication des oiseaux, que ça devienne une tradition. Presque une identité pour la ville et si ça nous échappe, tant mieux ! C’est ce qu’on espère de mieux pour ce projet. »
Un atelier de fabrication d'oiseaux en céramique se poursuivra au CCS pendant toute la durée de l'exposition montée par le Comité des martyrs du 6 au 9 juin. Gratuit, ouvert à tous.
Blandine Hutin-Mercier
