Le colonel Pierre Dissard, aujourd’hui âgé à 93 ans, file des jours paisibles dans sa demeure d’Issoire, aux côtés de son épouse. Alors que cette journée du 8 juin rend hommage aux "morts pour la France", en Indochine, l’officier à la retraite a accepté de revenir sur ses deux années de service dans l’arme des transmissions.
Affecté au 813e bataillonLe sergent Pierre Dissard, devant le poste de transmissions à Hai Pong en 1951.Le sergent Dissard découvre l’Indochine pour la toute première fois en juillet 1951. Il a 20 ans. Après un cours passage par une caserne de Saïgon (Hô Chi Minh-Ville), il est affecté au 813e bataillon de transmissions, à Hai Pong, dans le delta du fleuve Rouge. Il se souvient de l’état d’esprit qui l’animait à l’époque.
Ce qui m’a motivé à m’engager, c’était la lutte contre le communisme. Staline avait commis des tueries, des massacres effroyables et il voulait s’étendre en Indochine. Il fallait donc défendre la cause des pays démocratiques.
Terrain d'aviation de CAT-BiLe colonel a conservé une photo de lui lorsqu'il était sergent en Indochine.Le travail du jeune opérateur et mécanicien sur un téléimprimeur consiste à lancer et recevoir les ordres venant de l’état-major. Des messages de la plus haute importance, "notamment au terrain de Cat-Bi où j’avais la responsabilité des ordres de missions de l’aviation au profit des troupes françaises engagées au sol".La terrible réalité de la guerre, il la découvre lors d’une mission à Ninh-Giang, située plus au sud.
Un matin, en ouvrant ma fenêtre, j’ai vu ces deux cadavres Viêt Minh posés là. C’était la première fois. Ils avaient été tués lors d’un accrochage durant la nuit.
Mais, la lecture quotidienne des messages provenant du front, témoignages froids et glaçants de la dureté des combats, des destructions et pertes humaines, l’affecte plus encore. Sans qu’il en mesure toutefois la portée.
Syndrome post-traumatiqueLe colonel Pierre Dissard, âgé de 93 ans, dans son bureau où est accroché un souvenir d'Indochine.C’est à mon retour en France que j’ai pris conscience du traumatisme. J’avais vu un tas de drames, physiques et psychologiques, et j’étais resté trop longtemps là-bas. Je ne cherchais plus le contact avec les gens. Il m’a fallu presque deux ans pour m’en remettre. Et, c’est grâce à ma foi, en tant que chrétien, que j’ai tenu.
Remis sur pied, Pierre Dissard a repris les cours de l’école d’officiers de Coëtquidan qu’il avait quitté pour partir en Indochine. Sa carrière l’a mené jusqu’au grade de colonel et sur d’autres théâtres d’opérations. L’Indochine reste néanmoins "une expérience humaine marquante", raconte-t-il. En souvenir de ses frères d’armes, le colonel Dissard le promet : "Je ferai mon possible pour être à la cérémonie."
Le décret du 26 mai 2005 instaure une journée nationale d’hommage aux "morts pour la France" en Indochine le 8 juin, en référence au transfert de la dépouille du Soldat Inconnu d’Indochine à la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette (Pas-de-Calais), le 8 juin 1980.
David Allignon