Se lancer progressivement, tester ses compétences entrepreneuriales, sécuriser sa transition vers une nouvelle carrière, c’est ce que voulait Alexandre Alibart.À la base, ce Puydômois de 54 ans est musicien professionnel. Il y a quelques années, de la Garde républicaine où il jouait, il a intégré, grâce aux passerelles offertes par l’État, la direction régionale de l’environnement à Clermont-Ferrand : « Je manipule des chiffres, je suis chargé de gestion financière » rigole-t-il, conscient du grand écart.
Une belle rencontreMais sa vie se trouve toujours au bout de ses doigts. Alors quand sa maison retrouve un peu d’espace après le départ des (grands) enfants, l’amateur de billard qu’il est repense à ce billard rangé en pièces détachées dans un coin depuis dix ans. « C’était celui de mon papa. J’y tiens beaucoup. J’ai alors cherché un artisan billardier pour le remettre en état ».
Il doit aller jusqu'en région parisienne pour en trouver un. Mais, « cela a été une très belle rencontre ». Au point d’allumer des étoiles dans les yeux d’Alexandre Alibart.
J’avais déjà cette petite pensée de me reconvertir professionnellement, mais à mon âge, il faut être prudent. D’autant que la retraite s’est un peu éloignée là...
Alors, il se met « juste » à mi-temps et part se former avec cet artisan. Jusqu'à créer son entreprise ? « Ce n’est pas du tout mon monde alors, j'ai cherché de l’aide, car le premier conseil que j’ai lu, c'est de bien se renseigner sur les obligations et les responsabilités liées à la création d’entreprise avant de se lancer ».
Une formationLa chambre de métiers et de l’artisanat du Puy-de-Dôme lui propose un module de formation d’une semaine. « C’était intense, mais j’ai vu plusieurs statuts d’entreprise, j’ai appris plein de choses ».
Il retient le régime la microentreprise, « pour démarrer avec des coûts réduits et une structure légère. Cela offre une grande flexibilité pour tester une idée commerciale, s’adapter rapidement aux changements du marché et explorer de nouveaux domaines ».
En 2022, un record historique a été atteint pour la création d’entreprises dans le secteur artisanal en France. Plus de 250.000 entreprises artisanales ont vu le jour, soit une entreprise sur quatre.Une hausse de 7 % par rapport à l’année 2021.Parmi ces créations, 63 % le sont sous le statut de microentreprises. 60 % des créateurs ne se seraient pas installés sinon.(*) Sources enquête CMA France
Les risques financiers sont moindres, les formalités administratives sont simplifiées et les charges sociales et fiscales sont proportionnelles au chiffre d’affaires : « Pour moi, c’est un tremplin idéal. Le temps de me faire connaître ».
Faire évoluer sa boîtePour l’instant, « je fais surtout du relationnel, mais dès que j’aurai une idée plus précise de mon chiffre d’affaires, je pourrai faire évoluer mon entreprise ». Ses clients sont des particuliers, mais aussi des clubs privés ou des associations. Comme le Billard sportif club de Clermont-Ferrand.
« J’espère avoir l’occasion de refaire le tapis des quatre billards français ». Passionné, il explique ce travail à la fois manuel et de précision pour garantir que « ça roule comme sur du billard » plaisante-t-il.
Une histoire de drap de qualité, bien tendu, et d’ardoises bien réglées. Une activité qu’il espère mener à plein temps bientôt.
« Ce qui me plaît, c’est qu’il y a une utilité. Quand le billard est fini, on peut jouer dessus, prendre du plaisir ».
Désormais, deux artisans sur cinq sont des microentrepreneurs. Soit une augmentation de 75 % entre 2017 et 2021 , selon l'enquête sur les microentreprises dans l’artisanat que vient de publier la Chambre de métier.
Dans le Puy-de-Dôme, la part des microentrepreneurs parmi les indépendants de l’artisanat est de 43 %. 72 % parmi les entreprises individuelles. Cela conduit à la massification des entreprises sans salarié. Part des artisans solos : 49 % en 2008, 71 % en 2020.
ProfilLe micro-entrepreneur est plutôt jeune : 19 % ont moins de 30 ans. Il est plus souvent une femme (31 %). Il est plus diplômé que la moyenne des artisans, mais moins souvent formés au métier de leur entreprise. Il est déjà actif sur le marché du travail avant de s’immatriculer et exerce, à 83 %, son activité à titre principal. Il est souvent précarisé ou en reconversion professionnelle.
Précarité27 % des micro-entrepreneurs sont dans une situation très précaire. 18 % ont un niveau de rémunération inférieur au SMIC. Le revenu moyen annuel est de 6.810 euros. Le revenu mensuel médian est de 335 euros contre 1.950 euros en entreprise classique. Seulement 1 % a évolué vers un régime classique. Alors qu’une microentreprise sur deux va atteindre la 3e année.
La chambre de métiers vient de sortir une enquête sur les microentreprises artisanales. Édouard Chateau est directeur territorial à la chambre de métiers et de l’artisanat du Puy-de-Dôme. Il a accepté de répondre à nos questions.
La Chambre de métier vient de publier une enquête sur les microentreprises dans l’artisanat, pourquoi ?
Parce que les personnes qui créent des microentreprises sont avant tout des chefs d’entreprise. Que beaucoup sont en difficulté par manque d’accompagnement au moment de la création de leur activité comme pendant la vie de la microentreprise. Et qu’il appartient donc à la chambre de métiers d’ajuster son offre de services aux difficultés de ces entrepreneurs.
Que vous apprend cette enquête ?
Au niveau des chiffres, elle montre que la microentreprise est le mode de création d’activité le plus important, 63 % des nouvelles entreprises. Qu’il y a un phénomène d’accélération : + 75 % entre 2017 et 2021. Ce qui conduit à ce que, aujourd’hui, quatre entreprises artisanales sur dix sont des microentreprises.
L’enquête indique aussi un niveau de précarité et de difficultés important…
60 % des créateurs ne se seraient pas installés en l’absence de ce régime. Certains ont bien compris les atouts de ce régime et en cernent toutes les obligations, notamment le fait de s’acquitter de la TVA à partir d’un certain chiffre d’affaires.D’autres, au contraire, ne voient que l’aspect simplicité. Ils se lancent sans avoir préparé le terrain, sans être accompagné.
Ils testent leur activité, non ?
C’est vrai. Mais il faut tout de même anticiper, savoir ce que l’on veut observer et les limites que l’on se pose, notamment quand changer de statut si besoin.n Le fait que le créateur de microentreprise soit plutôt jeune joue-t-il ? Sans doute, d’où le besoin d’accompagnement. Surtout pour ceux qui ont une compétence métier, mais aucune expérience en entrepreneuriat.
Il ne faut pas aller trop vite en fait ?
Souvent, les gens veulent d’abord avoir leur numéro Siret. C’est la particularité de ce régime, car tout se fait en ligne, c’est très simple de créer sa boîte.Mais comme pour les autres régimes d’entreprise, ça se prépare. Et ensuite, on s’inscrit.
Ce qui permet de durer ?
75 % des entreprises, tous statuts confondus, accompagnées à la création, sont toujours là trois ans plus tard. Cela vaut pour les microentreprises. Actuellement, une sur deux seulement passera ce cap. Il y a donc une marge de progression.n Beaucoup de chefs de microentreprise sont précaires, comment financer cet accompagnement ? Il y a des formules gratuites, d’autres finançables via le compte de formation ou des fonds de la région. Il faut se renseigner, de contacter la Chambre pour mettre toutes les chances de son côté.
CMA 63, 17 Bd Berthelot à Chamalières, 04.73.31.52.00 ou cma-puydedome.fr
Cécile Bergougnoux