Tête droite, debout, il est quasi au garde à vous et il écoute sans ciller les messages laissés sur la boîte vocale du téléphone de son ex-concubine. Une voix avec un fort accent résonne dans la salle d’audience, des insultes dégoulinent des enceintes. Des menaces de mort que le parquet lui-même ne compte plus s’enchaînent au fur et à mesure des enregistrements dont le vocabulaire, pauvre, abuse des répétitions et des fautes de français.
La voix enregistrée explique que son auteur va retourner en prison mais pour meurtre cette fois-ci, entre autres subtilités débitées distinctement entre deux « je vais te coincer, t’inquiète » et « je vais te couper la gueule, tu vas payer, je vais te la couper s…. ».
21 messages audio, 93 appels et 647 textosImpassible, François Steinbach*, 54 ans, poursuivi pour menace de mort réitérée sur sa concubine, en récidive, du 17 novembre 2023 au 21 avril 2024 à Saint-Florent-sur-Cher, nie être l’auteur des 21 messages audio, des 93 appels et des 647 textos.
Pourtant, sans jamais l’avoir vu, ni entendu, les gendarmes de la brigade de Saint-Florent-sur-Cher ont tout de suite identifié la voix comme étant celle du prévenu quand il s’est présenté à la gendarmerie à la suite d’une plainte contre lui.
Invariablement, le quinquagénaire débite la même formule : « Je n’ai rien à voir là-dedans. Le portable ce n’est pas moi, je suis illettré, je ne sais pas écrire donc je ne peux envoyer de textos et je n’ai jamais eu de téléphone portable, je n’ai pas les moyens », dit-il. Sa famille fait bloc et refuse de donner son numéro, ce qui signifierait donc qu’il possède un téléphone.
Déjà condamnéLes messages sont d’une violence inouïe et pour les expliquer, le prévenu n’a peur de rien. Il soutient au tribunal que c’est une cabale contre lui, montée de toutes pièces par son ex. « Elle ne veut pas me voir dehors, insiste-t-il, car je suis un coureur de femmes. »
En décembre 2021, la cour d’appel le condamne à trois ans de prison dont un an avec sursis pour violences conjugales. À cette époque, la victime, son ex-conjointe, présente aux enquêteurs des captures d’écran de menaces de mort qu’elle avait reçues, assorties d’images représentant des haches et des têtes de mort.
En 2023, il est de nouveau condamné pour infraction à l’interdiction de séjour à Saint-Florent-sur-Cher prononcé par le tribunal de Bourges. Au total, son casier judiciaire déborde de quatorze mentions. À cette audience, il déclarait entre autres : « Elle fait ça parce que je me suis remis avec mon ex-femme. »
Les menaces ont débuté deux jours après sa sortie de prison, en 2023. Patiemment, le président de l’audience, Alexandre Prétet, décortique le contenu des messages et, de détails en détails distillés dans les enregistrements, la conclusion est simple : « C’est bien le diable que ce ne soit pas vous ». Sous-entendu, difficile pour une autre personne de connaître autant de détails sur la vie du prévenu et de la victime.
Pour Me Antoine Fourcade, l’avocat de la partie civile, absente à l’audience et qui ne demande aucun dédommagement financier, le prévenu « n’a peur de rien, ni de la justice, ni des interdits. Elle veut avoir le droit à la paix et non à la peur perpétuelle que ses menaces soient mises à exécution. La justice doit la mettre en sécurité. »
« Il en a fait une fixation »Le parquet fait tomber le couperet des réquisitions : cinq ans de prison ferme avec mandat de dépôt. « Ce que l’on a entendu est particulièrement désagréable. Il menace de lui prendre ses enfants, il la surveille. » Pour le parquet, il a fait de son ancienne compagne « une fixation, pour ne pas dire une obsession. »
À la peine de prison ferme requise, s’ajoutent une demande d’interdiction de contact avec la victime pendant trois ans et une interdiction de paraître à Saint-Florent durant la même période.
Me Sébastien Nanty, l’avocat de la défense, plaide la relaxe, au motif que le mis en cause nie farouchement ce qui lui est reproché. Et l’avocat s’interroge : « Pourquoi la victime l’appelle-t-elle à 44 reprises ? Comment, s’il ne sait ni lire ni écrire, peut-il envoyer des SMS ? » Le quinquagénaire dit au tribunal qu’il voulait partir dans le Sud, pour se faire oublier.
Le tribunal lui en donne l’occasion en le condamnant à cinq ans de prison dont un an avec sursis assorti d’une révocation de huit mois d’un précédent sursis, une interdiction de paraître à Bourges, Berry-Bouy et Saint-Florent et interdiction de tous contacts par tous moyens avec la victime. À sa sortie de détention, le dispositif de bracelet anti-rapprochement sera mis en place, avec une distance d’alerte de vingt et dix kilomètres.
Il a dix jours pour faire appel.
*Conformément à notre charte, l’identité de la personne condamnée est publiée dans son intégralité à partir d’un an de prison ferme avec mandat de dépôt.
Rémy Beurion