Le journal Cicero a révélé qu’un rapport transmis au ministre de la Transformation climatique démontrant qu’il fallait maintenir les centrales nucléaires en Allemagne a été caché par ce dernier. Un rapport occulté dans le but de faire valider la politique des Verts de fermeture des centrales allemandes. L’opinion publique est choquée, et le prestige des Verts terni.
Par Markus C. Kerber[1]
Robert Habeck, vice-chancelier et ministre Vert de l’Économie et du Climat, est auteur de livres pour enfants (avec sa femme), et titulaire d’un doctorat en littérature. Il aurait été un très bon président du festival littéraire de Schleswig-Holstein, sa région d’origine où il fut ministre de l’Agriculture. Mais le destin l’a catapulté en 2021 à la gestion d’un portefeuille ministériel exigeant des connaissances minimums en matière économique. Sans être scientifique, Habeck est en fait un ministre de la « transformation climatique ». Porté par cette ambition historique, il a imposé à l’Allemagne la fermeture des trois centrales nucléaires, tout en acceptant l’importation de l’électricité venue de France, et en consommant plus de charbon que jamais. Depuis, son image est ternie au moins dans les milieux d’affaires qui regrettent leur sympathie initiale pour les Verts.
De plus, la gouvernance au sein du ministère de Habeck semble ne pas du tout correspondre aux idéaux des Verts. Une politique de gestion du personnel qui, entouré du soupçon de copinage, avait occasionné la chute du secrétaire d’État Patrick Graichen, un très proche collaborateur de Habeck.
Par ailleurs, le public s’inquiète de l’arrosage systématique d’ONG proches des Verts par des fonds gouvernementaux, tout en gardant comme DUH (Deutsche Umwelthilfe) un statut d’utilité publique et profiter de ce fait (le but prétendument non lucratif de l’activité) d’un privilège fiscal largement abusé. Bien entendu, toute critique des Verts est immédiatement qualifiée d’acte de conspiration probablement organisée par la droite, ou, pire encore, par le camp négationniste du changement climatique. Mais les faits sont parfois têtus.
Ainsi, une enquête du magazine Cicero a lancé une bombe dans le camp des Verts. Après l’injonction obtenue par un tribunal administratif, le ministère a dû publier un rapport d’experts indépendants qui, le 31 mars 2021, en raison de l’approvisionnement énergétique précaire de l’Allemagne, recommande de poursuivre l’exploitation des trois centrales nucléaires restantes.
Incontestablement, Habeck a non seulement laissé de côté ces recommandations, mais a carrément supprimé ce rapport. L’opposition s’emporte, et même le parti des Verts a du mal à cacher son embarras. L’éloquence de Habeck, qui explique à la presse l’absence de toute anomalie dans la gestion de ce dossier, renforce les soupçons. Les Verts, qui avec leur icone Habeck avaient toujours donné des leçons aux partis établis, se sont apparemment bien installés au pouvoir.
Mais le public sent que ceux qui propageaient autrefois le combat contre le changement climatique ne se battent plus pour le changement des mœurs en politique. En effet, en dépit d’un score électoral de 15 %, les Verts font parti de l’establishment, et il s’en réjouit. Les électeurs allemands pourront s’en souvenir lors des élections de 2025.
[1] Professeur aux universités (TU Berlin, Warsaw School of Economics, Sorbonne) auteur de Leadership et responsabilité. Critique du déficit stratégique de l’Allemagne (Ed. Europolis 2023).
