Mérinchal. Sale temps pour les hirondelles. Depuis le matin, le coq du village hérisse sa crête face aux rafales de vent venues du nord. Des nuages anthracite se balancent en faisant filtrer quelques filets de soleil comme pour faire croire qu’il va peut-être faire beau.
D’un coup, tout s’assombrit et la nuit chasse le jour. Seul un premier rideau reste visible. Derrière lui, il n’y a qu’obscurité et ténèbres. Plus de ciel, plus de terre, juste un premier plan dans lequel il est interdit de pénétrer. Le temps d’un quart d’heure et les nuages se sont complètement crevés et vidés de leurs crachats du diable.
Un linceul blanc de silenceLe paysage a retrouvé sa profondeur de champ mais il ne bouge plus, entièrement enseveli sous un linceul blanc de silence et de formes avachies. Le lilas qui, il y a seulement une poignée de minutes parfumait tout le jardin de ses millions de minuscules fleurs a été aplati comme une crêpe gonflée d’air. Les fleurs roses des pommiers enrobées de sucre glace lorgnent vers le bas. Les hommes et les animaux ont disparu de la planète. Sur les carreaux des fenêtres où se colle le nez des enfants, le décor s’est déguisé en carte postale de « Joyeux Noël et Bonne Année » mais sans oiseaux perchés et plumés de leurs couleurs flamboyantes. La neige a lentement fondu mais le froid, vecteur de gelée, est resté. Les hirondelles ont sillonné, par centaines, les étangs seuls capables de leur fournir les quelques insectes encore accessibles à leur bec d’une incroyable précision d’horloger.
