En viendra-t-il à bout ? Mardi 9 avril, le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, a annoncé vouloir lever "le tabou du licenciement dans la fonction publique", alors qu’il lançait le même jour des concertations avec les collectivités, les hôpitaux et les syndicats autour de son projet de réforme de la fonction publique. "C’est un dévoiement du statut de la fonction publique que de considérer qu’au nom de la garantie de l’emploi, on ne puisse pas se séparer d’un agent qui ne ferait pas son boulot. La justice, c’est de récompenser les agents qui sont engagés et de sanctionner ceux qui ne font pas suffisamment leur travail", a-t-il expliqué au Parisien, soulignant en creux sa volonté d’accentuer la rémunération au mérite des fonctionnaires.
Si les huit syndicats représentatifs ont dénoncé dès lundi une réforme à leurs yeux "dogmatique", qui ne répondrait "à aucune des préoccupations exprimées par les agents publics", se pose la question de savoir ce que dit déjà la législation au sujet du licenciement des fonctionnaires.
Selon le Code général de la fonction publique, trois motifs de licenciement existent : l’abandon de poste, le refus de trois postes après une disponibilité ou encore l’insuffisance professionnelle. Des spécificités existent aussi selon la branche dans laquelle l’agent travaille : dans la fonction publique territoriale, ce dernier peut par exemple être licencié "pour refus d’une modification de la durée de travail d’un emploi à temps non complet" ou pour inaptitude physique.
Mais pour Stanislas Guérini, le motif d'"insuffisance professionnelle" est trop flou et manque d’une définition juridique précise. En 2023, "seulement" 13 licenciements pour insuffisance professionnelle ont été prononcés dans la fonction publique d’État, où travaillent pourtant 2,5 millions d’agents, rappelle-t-il. "Le statut [des fonctionnaires] n’a jamais expliqué, pas même en 1946 quand il a été instauré, qu’on ne pouvait pas licencier quelqu’un qui ne fait pas bien son travail. Cet outil-là est très mal défini et surtout extrêmement peu appliqué", a-t-il appuyé sur France Inter le 10 avril.
Le ministre l’assure toutefois : le message n’est pas que la fonction publique est trop confortable. Sa réforme viserait surtout à "offrir plus de mobilité" aux agents publics et à permettre "un travail qui paye plus". "Le statut de la fonction publique, c’est la garantie de l’emploi. Je ne souhaite pas le remettre en cause", a-t-il aussi précisé, écartant l’hypothèse de la mise en place d’un licenciement économique, comme dans le privé.
Stanislas Guerini n’est pas le premier ministre à se pencher sur la question. Le licenciement des fonctionnaires avait déjà été évoqué par Georges Tron, son prédécesseur, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. En novembre 2010, un décret sur la réorientation des fonctionnaires lorsque leur poste a été supprimé faisait aussi polémique. Le texte, toujours en vigueur, permet d’imposer à un fonctionnaire une réorientation, s’il ne peut être reclassé dans un emploi correspondant à son grade. A l’époque, la CGT avait dénoncé une "politique de casse du statut" de la fonction publique.