Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, l’impressionnisme, c’est avant tout l’histoire d’un rejet. Ou plutôt d’une incompréhension mutuelle. Nous sommes en 1874 et la France se relève difficilement des bouleversements causés par la guerre de 1870 et la Commune. Dans ce contexte explosif, la culture dite “officielle”, celle qui a les honneurs du redoutable Salon de Paris, apparaît comme incongrue. Mais elle résiste. On y célèbre l’art pompier de Jean-Léon Gérôme, la peinture religieuse et les scènes de l’Antiquité, comme à la Renaissance.
Mais un groupe de francs-tireurs cherche à faire bouger le statu quo. Ils se font appeler les impressionnistes.
"Mais que représente cette toile??"Au départ, ce néologisme est une insulte?! Le “bon mot” d’un critique d’art, Louis Leroy, entré malgré lui dans l’Histoire pour son manque de discernement. Lorsqu’il découvre Impression, soleil levant, de Claude Monet, il se demande : "Mais que représente cette toile??". Le futur, tout simplement…
La grande exposition présentée par le musée d’Orsay jusqu’au 14 juillet a le grand mérite de poser le contexte historique et de montrer à quel point l’impressionnisme était, il y a 150 ans, révolutionnaire.
Cette grande initiative patrimoniale revient sur la toute première exposition impressionniste, le 15 avril 1874, dans l’ancien atelier du photographe Nadar, 35, boulevard des Capucines, à quelques mètres de l’actuelle Olympia. En 1874, la sélection est assez hétéroclite. On y trouve trente et un artistes, dont quelques grands noms, et pas des moindres. Cézanne, Monet, Renoir, Sisley, Berthe Morisot, et d’autres, qui, eux, sont tombés dans l’oubli.
Le bilan, sur le moment, n’est pas brillant. 3.500 amateurs d’art se sont déplacés, et ils ne sont pas toujours tendres. Sur les deux cents œuvres exposées, seulement quatre sont vendues. Les impressionnistes ne font pas le poids face au Salon officiel et ses 300.000 visiteurs. Pas encore…
C’est la leçon principale que nous enseigne cette exposition. La popularité du moment ne garantit pas d’être immortalisé par la postérité.
Il suffit d’observer les œuvres récompensées au Salon pour s’en rendre compte. Un siècle et demi plus tard, elles ne nous disent plus rien. Au contraire, les impressionnistes, tellement décriés en leur temps, ont tout simplement inventé l’art moderne en adoptant une nouvelle esthétique, libérée des contraintes du classicisme. Et ce sont eux qui sont entrés dans la légende…
Jusqu’au 14 juillet au musée d’Orsay, à Paris. Ouvert tous les jours sauf le lundi et le 1er mai de 9?h?30 à 18 heures. Nocturne le jeudi jusqu’à 21?h?45. Tarifs : 16 € et 13 €. Gratuit pour les moins de 26 ans. 01.40.49.48.14.
Rémi Bonnet
