Personne n’ira encore parler de « bête noire », cet animal insaisissable qui, dans l’imagerie sportive, sort systématiquement ou presque vainqueur du duel, quel que soit l’effort fourni. Mais là, il faut bien dire que l’on commence à apercevoir un pelage sombre, des crocs acérés, des pattes puissantes et des griffes tranchantes quand on prend le temps d’observer la sélection allemande.
Car cela fait deux fois en six mois à peine qu’elle malmène l’équipe de France. Qu’elle la surclasse même, dans des proportions inquiétantes pour une nation qui prétend au toit du monde (titre en 2018, finale en 2022) et, dans trois mois à peine, à la couronne continentale.
Comme à Dortmund en septembre, les Bleus ont abordé confiants, samedi au Groupama Stadium, cette rencontre amicale face à la Mannschaft. Et là encore, après une défaite 2-1 aux apparences adoucies par un penalty tardif d’Antoine Griezmann au Signal Iduna Park, ils se sont pris les pieds dans la pelouse (0-2) sans branche à laquelle se raccrocher.
Les hommes de Julian Nagelsmann ont en plus retenu les leçons de leur victoire automnale et ont accentué leurs points forts, avec intensité et précision. Ils ont marqué très tôt, maîtrisé la réaction française, étouffé l’entrejeu adverse, attaqué en nombre, le tout en bénéficiant des qualités techniques de Florian Wirtz et Toni Kroos. Deutsche Qualität. « L’Allemagne a fait un très bon match, louait d’ailleurs Didier Deschamps. On n’a pas mis ce qu’il fallait. Est-ce qu’on en était capable?? C’est la question que je peux me poser. Le niveau international est impitoyable. »
Un but allemand précoce et préméditéImpitoyable, le score aurait plus l’être davantage sans les parades de Brice Samba, quand la digue défensive tricolore finissait de céder sous les vagues successives. Sa structure n’a toutefois jamais semblé trop solide, à l’image de ce but encaissé après sept secondes, le plus rapide jamais inscrit face aux Bleus (*). Qui formaient, au moment de la passe décisive de Kroos vers un Wirtz totalement isolé, trois lignes parfaites de trois joueurs… espacées de vingt mètres.
Le milieu du Real Madrid a d’ailleurs reconnu que la stratégie – Havertz et Musiala se projettent dès le coup d’envoi au cœur de la défense, Gündogan et Wirtz se placent en retrait, dans le dos des milieux aspirés par le pressing sur le porteur – avait été préméditée. La magie de la frappe du joueur du Bayer a fait le reste.
En septembre, Thomas Müller avait déjà concrétisé un temps fort dès la 4e minute. Ce but a forcément fait mal aux têtes françaises. « Ils nous ont cueilli à froid », ont avancé de concert Aurélien Tchouaméni et Olivier Giroud en guise d’explication à la débâcle. « Je pense que l’on s’est fait surclasser dans tous les compartiments du jeu », a ajouté l’ancien Monégasque, peu en vue samedi dans le Rhône. « C’est une piqûre de rappel, une petite gifle aussi. On est un peu vexé. »
« Un non-match, de la première à la dernière minute »La piqûre de rappel, un élément de langage également repris par le meilleur buteur de l’histoire des Bleus – réclamé à cor et à cri par le public lyonnais avant son entrée en jeu tant le malheureux Marcus Thuram peinait à exister – et le gardien Brice Samba. « C’est une soirée à oublier », balayait ce dernier. « C’était vraiment un non-match, de la première à la dernière minute », corroborait Benjamin Pavard.
« Ce n’est pas non plus le néant, mais il faut être conscient qu’ils ont été supérieurs à nous », nuançait Giroud. Une supériorité qui n’explique pas le manque de précision des centres de Dembélé ou des frappes d’un Mbappé gourmand et guère mobilisateur.
« C’est l’état d’esprit qui n’a pas été bon », tranchait pour sa part Adrien Rabiot, apparu à court de rythme après une blessure. Lui et ses coéquipiers ont promis une réaction proportionnelle à la déception du soir, dès ce mardi (21 heures) face au Chili à Marseille.
(*) Seuls l’Anglais Bryan Robson, en 1982 (28 secondes) et le Néerlandais Wim Roetert, en 1923, avait marqué face à la France durant la première minute.
Sébastien Devaur
Les Autrichiens ont aussi frappé très viteAdversaire des Français lors de la 1re journée de l’Euro, le 17 juin prochain à Düsseldorf, l’Autriche a fait encore plus fort que l’Allemagne samedi. Si Florian Wirtz a marqué dans la 8e seconde de jeu contre les Bleus, l’attaquant de Leipzig Christoph Baumgartner a ouvert le score après sept secondes en Slovaquie. Soit le temps d’éliminer trois adversaires et de frapper des 25 m. La formation de Ralf Rangnick a gagné 2-0. Le chronométrage officiel de la Fifa dira s’il s’agit ou non du record du but le plus précoce jamais inscrit en match international, détenu pour l’heure par... un Allemand, Lukas Podolski. Ce dernier avait fait trembler les filets, en 2013 contre l’Équateur entre la 6e et la 9e seconde, d’après les captations vidéos de cette rencontre amicale.