"Nini", la patronne de l'emblématique café Le Cadran à Clermont-Ferrand, a fêté ses 100 ans

Eugénie Lonjon, dit « Nini », vient de fêter son 100e anniversaire en Haute-Loire. L’occasion d’égrener les souvenirs de celle qui fut notamment la patronne de café Le Cadran, à Clermont-Ferrand, pendant plus d’un quart de siècle.

Mardi 4 mars 1924, à Saugues, en Haute-Loire. Jean-Baptiste Itier est fou de joie : sa belle-fille vient d’accoucher d’une fille. Or, arbre généalogique en main, la dernière naissance d’une fille dans cette famille date de 1762… Et c’est ainsi que 162 ans plus tard, Eugénie voyait le jour. Naîtront ensuite dans la famille Jean et Joseph, deux garçons donc, presque comme d’habitude chez les Itier.

Cent ans plus tard, lundi 4 mars, Eugénie a donc fêté ses 100 ans. Pour l’anecdote, les Jeux olympiques ont lieu l’été prochain à Paris, tout comme en 1924. Et entre ces deux dates, « Nini », comme elle a toujours été surnommée, a connu toute une vie de travail.

En effet, en tant qu’aînée de la fratrie, elle travaille la première avec son père, Joseph, à la ferme, toujours exploitée aujourd’hui. Pendant la Seconde Guerre mondiale, « Nini » réside à Saugues?; une époque dont elle partage un bon souvenir : « On allait au bal à vélo?! »

Le 7 juin 1947, à l’âge de 23 ans, elle se marie avec Gabriel Lonjon, le couple étant béni par le curé Bertrand. Tous les deux partent alors travailler à Clermont-Ferrand : « Nini » fait des ménages tandis que son mari va chez Michelin.

C’est un véritable déchirement pour elle de quitter Saugues, renouvelé à chaque départ de son pays. Son neveu, Philippe, se rappelle d’ailleurs des confidences de sa tante qui racontait, longtemps après : 

Je pleurais comme une madeleine durant tout le trajet retour à Clermont

En 1962, Eugénie a 38 ans. Cette année-là, elle reprend avec son mari le -déjà fameux- café clermontois, Le Cadran. Certes, c’est un petit établissement, mais c’est aussi une institution.

Fréquenté depuis 1935, il est situé rue Morel-Ladeuil, à deux pas du journal La Montagne, non loin de la Banque de France et de l’imprimerie Mont-Louis. C’est le rendez-vous des journalistes et des employés de l’imprimerie du quotidien régional. Ils travaillent non-stop, le café ayant même l’autorisation spéciale de rester ouvert la nuit. D’ailleurs, Le Cadran était aussi un lieu incontournable pour les noctambules de la ville.

« La Nini » en sera la patronne jusqu’en 1988. « Durant plus d’un quart de siècle, elle régna sur son monde avec une gentille autorité », avait écrit André Peyrin dans La Montagne du 21 septembre 1996. Elle y a côtoyé des anonymes, mais aussi des gens plus célèbres comme le journaliste Alexandre Vialatte, l’écrivain Antoine Blondin, le chanteur Gilbert Bécaud ou encore Garcimore, l’illusionniste aux tours ratés.

Les soirs d’élection, « Nini » voyait aussi passer les candidats inquiets des commentaires des journalistes et même, parfois, le préfet venu prendre le pouls de Clermont-Ferrand à la source. Pour ces longues soirées, elle préparait les repas commandés par Francisque Fabre, directeur de La Montagne. Ouvert la nuit, ouvert le jour, le travail prédomine. Mais si sommeil et vacances sont peu au rendez-vous, le sourire, lui, est toujours bien là…

Après son divorce dans les années 70, elle tient le bar, seule, de midi jusqu’à la nuit, quasiment 7 jours sur 7. La nuit justement, elle filtrait les entrées, particulièrement prudente avec les rugbymen parfois trop démonstratifs.

La bonne tenait le café de 6 heures du matin à midi, précise sa nièce, Brigitte. “Nini”, elle, avait une chambre au-dessus du bar. Les journalistes étaient sa deuxième famille et elle était leur confidente

En octobre 1988, à l’âge de 64 ans, elle prend une retraite bien méritée. L’occasion de retourner plus souvent dans son pays de Saugues. L’hiver, pendant six mois, elle réside dans sa maison de Chamalières, à côté de Clermont-Ferrand. L’été, elle vient à Saugues.

Et c’est ainsi qu’elle reprend une nouvelle activité professionnelle. En effet, sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, sa famille avait ouvert le premier gîte saugain pour accueillir des pèlerins. « Nini » aide à la cuisine, à la vaisselle et partage le repas avec les marcheurs : « Ça discutait fort », se remémore-t-elle. Et comme toujours, l’accueil était souriant.

« Nini » a célébré ses 100 ans à l’Ehpad de Saugues, entourée de toute sa famillle. (Photos Denis Pinard)

À 90 ans, Eugénie fait encore son jardin, ramassant les mûres et faisant confitures et conserves. Quelques années plus tard, en novembre 2019, elle rejoint l’Ehpad de Saugues à l’âge de 96 ans. « Nous avons accueilli une petite dame coquette, pleine d’humour, qui aime parler et échanger », confie-t-on du côté du personnel de l’établissement.

Et ce lundi 4 mars, le sourire de « Nini » enchante particulièrement ceux qui sont venus célébrer avec elle son 100e anniversaire. Si elle n’a pas eu d’enfant, elle est très proche de ses deux neveux, Brigitte et Philippe, mais également de ses six petits-neveux et neuf arrière-petits-neveux qui, tous, l’entourent d’affection.

Son petit frère Jean, âgé de 97 ans (photo ci-contre), est également présent en ce jour de fête, tout comme les autres membres de la famille, les voisines et les voisins, les représentants du CCAS (Centre communal d’action sociale) et Joël Plantin, maire et aussi voisin.

Et comme le dit si bien Eugénie : « Avoir 100 ans, ça en fait du temps?! ».