Nouvelle édition des Grandes rencontres de Vichy, ce week-end, au Palais des congrès. En ouverture, ce 9 mars, à 14 h 30, Tatiana de Rosnay. Une autrice de haut vol et de grand talent, pétiallante, souriante, investie, tissant inlassablement une œuvre littéraire importante, dans laquelle elle se raconte, dans les pas de ses héros, entre pleins et déliés.
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Dans son dernier opus, Poussière blonde, Tatiana de Rosnay s'attèle à un mythe aux pieds d'argile, Marylin Monroe. Ou plutôt, elle raconte la rencontre d'une immense star en perdition avec une petite femme de chambre française, perdue aux États-Unis et perdue tout court. Entre fiction et réalité.
Vous avez déjà écrit sur Tamara de Lempicka, Victor Hugo... Pourquoi Marylin cette fois ? En quoi ces personnages vous fascinent-ils ?"Alors en fait ce sont tous des personnages, on pourrait rajouter évidemment ma chère Daphné du Maurier. Oui, on va dire que ces quatre personnages qu'on vient de citer, Lempicka, Monroe, Zola et du Maurier, sont les icônes de mon adolescence, ce sont des personnages qui m'ont inspirée, qui m'ont rassurée, qui m'ont poussée aussi vers la créativité, puisque c'est en lisant Émile Zola et Daphné du Maurier que j'ai eu envie d'écrire à mon tour.Maryline Monroe, comme énormément d'adolescents, ça n'est pas très original, mais ma chambre était tapissée de photos d'elle. D'ailleurs, j'ai commencé à porter son son parfum quand j'ai pu aller m'acheter le fameux petit flacon de Numéro 5 avec de l'argent que je gagnais en faisant du baby-sitting. Je porte ce parfum de depuis ce moment-là d'ailleurs, je n'ai jamais changé.
Mais je me considère comme une romancière, et je n'avais pas du tout prévu d'écrire sur eux. A chaque fois ce sont des éditeurs qui sont venus me chercher. Pour du Maurier et Tamara de Lempicka, ce sont des livres plus dans une forme biographique, où je parle de leur vie, Émile Zola Et Marilyn Monroe sont un peu plus des passagers clandestins. C'est-à-dire que ce sont pas des livres sur eux mais sur des personnages qui vont avoir affaire à eux.
J'en profite pour envoyer un message à vos lecteurs, parce que je reçois des messages en ce moment sur les réseaux sociaux, il y a beaucoup de lecteurs sont un peu se disent "Oh là là, elle a écrit sur Marylin, ça n'est vraiment pas très original qu'est-ce qu'elle a bien qu'est-ce qu'elle va bien pouvoir dire de neuf sur Marilyn..."
Je voudrais rassurer les lecteurs et leur dire que ce n'est pas un livre sur Marylin Monroe, ce n'est pas une biographie, c'est l'histoire de Pauline qui va rencontrer Marylin. Et en fait ce livre, c'est ma rencontre avec Marilyn.
C'est ma rencontre avec une icône et pour moi la seule façon de de l'appréhender de l'imaginer, c'était par le regard de quelqu'un d'autre."
Pourquoi avoir voulu évoquer Marylin dans ce moment de fragilité ?"C'est ça qui m'intéresse en tant que romancière. Pourquoi faire un roman lisse et plat sur une femme qui est tellement belle, parfaitement maquillée. Qu'est-ce que j'aurais pu dire sur 300 pages ? Franchement, rien ! Moi ce qui m'intéresse, dans tous mes romans, c'est cette fragilité, ces moments où on se sent vaciller, nos moments de faiblesse, les secrets de famille, les moments qui font basculer une vie. Ce qui m'intéresse, c'est ce qu'il y a derrière la porte, c'est cette femme qui arrive dans le Nevada au début de l'été 60 pour tourner un film avec son mari, Arthur Miller, et qui va être confronté à l'un des pierre tournages de sa vie, Les Désaxés, qui a une légende noire, un film longtemps incompris d'ailleurs. Ce qui m'intéresse, c'est le regard d'une petite personne anonyme sur cette star dans son intimité.
Et c'est pour ça que le biais de la femme de chambre était idéal pour moi et quand j'ai eu cette idée, je vous avoue que j'ai été comme une comme une abeille qui butine une ruche, je me suis dit mon dieu, il y a tellement possibilités qu'est-ce que je vais pouvoir explorer. Donc, en effet, vous n'allez pas voir la Marilyn qu'on voit dans ses films. Vous n'allez pas voir la Marylin qu'on voit sur ces photos. Vous allez voir la vraie Marylin.
Ceci dit, ce n'est pas une épave que je me montre ici. Elle a énormément d'humour, elle est très touchante, et surtout je voulais montrer comment cette femme en pleine lumière allait remarquer cette petite Française qui se tient mal, qui ne sait pas se mettre en valeur, qui n'a pas confiance en elle, qui est sous le joug d'un homme particulièrement médiocre, qui a eu un enfant avec lui, d'ailleurs, qui est marié à quelqu'un d'autre, et qui le directeur de cet hôtel où Pauline travaille, et où Marylin va résider pendant quelques mois. C'est un portrait en creux, en filigrane, d'une star souvent émouvante.
On me demande beaucoup ce que j'ai inventé ou pas, je préfère vous dire que j'ai pris énormément de choses qui sont vraies . J'ai picoré des choses qui m'intéressaient pour en tisser une histoire qui peut paraître vrai.
Vous savez j'ai fait exactement la même chose. J'ai fait le même chose que pour Elle s'appelait Sarah. J'ai pris une petite fille qui aurait pu exister et qui a été raflé de façon ignoble le 16 juillet 42 avec ses parents à Paris, qui a été séparée de ses parents. Beaucoup de gens ont cru que Sarah avait vraiment existé. J'ai rencontré des races des rescapés de la rafle du Vél' d'Hiv' qui m'ont dit après "vous vous êtes mis dans ma tête comment vous avez fait ? Cette histoire, c'est la mienne". Et j'ai envie de répondre que le notre travail à nous, les romanciers, c'est ça. C'est prendre une histoire universelle et la mâtiner de quelque chose de très personnel, pour faire croire que c'est vrai. Alors est-ce qu'on appelle ça un mensonge ? C'est la différence entre une historienne et une écrivaine.
Donc les faits sont véridiques, Marilyn Monroe est bien venue dans cet hôtel en juillet 60 pour tourner Les Désaxés avec son mari, et il y a bien eu une femme de chambre qui a nettoyé sa suite. On me demande en ce moment si Pauline a vraiment existé, et là je sais que j'ai réussi quelque chose."
J'ai l'impression que ce qui vous intéresse c'est aussi toujours ce point de percussion, ce point gris entre ombre et lumière ?"C'est la difficulté la noirceur qui m'intéresse plus que le feel good. D'ailleurs, je lisais petite fille adolescente Edgar Allan Poe, Émile Zola, Daphné du Maurier, qui sont tous des rois et les reines de la noirceur. J'ai aussi écrit des livres parfois un peu noir c'est vrai, même si je suis quelqu'un de très drôle dans la vie.
Ici nous avons deux âmes cabossées. Pauline parce qu'elle a eu un départ dans la vie difficile et que son rêve de devenir vétérinaire n'existe plus, et Marylin parce qu'elle est sous sous l'emprise des médicaments, elle doute d'elle.
Son mari et elle, ça ne se passe pas très bien. Elle sort des bras d'Yves Montand, l'histoire va éclater pendant que tout le monde est à Réno, ce qui va ajouter évidemment à son à sa détresse.
Et puis c'est vrai aussi que ce roman, ce n'est pas seulement cette rencontre.Il fallait que j'étoffe ce personnage de Pauline. Être en face de Marilyn. Monroe, ce n'est pas rien, elle a tendance à prendre toute la lumière. Donc il fallait que je raconte qui est Pauline d'où vient-elle, qu'est-ce qu'elle fait au Nevada, pourquoi Marilyn va la remarquer ?
Et puis bien sûr, il y a toute l'histoire du Nevada que je voulais mettre en scène. Ces espaces, les chevaux. Sur le tournage, il y a des vrais mustangs, qui sont qui ne sont pas très bien traités, et dans la vie de Pauline, il y a ces Mustangs qui vont être sa passion dont le dont le fameux Commander, qui est mon premier héros à quatre pattes, et qui a qui a beaucoup de succès sur les réseaux sociaux."
Vos romans ont déjà fait l'objet d'une adaptation au cinéma. Y pensez-vous quand vous écrivez ?"Non quand j'écris un roman, je ne fais pas exprès de penser à des scénarios. J'ai la chance d'avoir attiré le regard de réalisateur donc je suis heureuse, et après je leur laisse une liberté totale, parce que je trouve que le cinéma est tellement fragile que si nous, romanciers, nous commençons à faire des remarques sur le scénario, ça coule le film.
Quand un réalisateur ou une réalisatrice s'intéresse à votre livre, c'est une transmission pour moi, ce n'est pas un copier-coller. Je suis l'une des rares à dire cela, la plupart des auteurs sont totalement agrippés à leur texte.
Donc là pour ce pour ce livre là, j'espère évidemment de tout cœur qu'il sera adapté. Mon agent se trouve actuellement à Los Angeles avec le livre entre les mains. J'espère qu'il va intéresser des producteurs ce serait mon rêve, évidemment, je croise les doigts."
Vous lisez énormément, vous écrivez énormément, quel temps vous reste-t-il pour le reste ?"Quand j'écris un livre c'est vraiment du 8 heures par jour tous les jours, c'est vraiment un job à plein temps, je ne fais rien d'autre et je lis peu d'ailleurs pendant que j'écris, comme la plupart de mes confrères et sœurs écrivains et écrivaines.
Et puis quand je suis en période de promotion comme maintenant, je n'écris pas et donc je lis beaucoup plus. Je fais aussi partie d'un prix littéraire qui s'appelle le Prix de la Closerie des Lilas qui est un prix entièrement féminin et nous nous élisons chaque année un mois d'avril une romancière et donc nous avons une très très belle liste, cette année à proposé à notre jury tournant. Donc lire et écrire c'est vraiment, vous avez raison, les deux activités primordiales.
On pourrait rajouter évidemment les amis. J'attache énormément d'importance à l'amitié, j'ai été très secouée pendant le covid de pas pouvoir voir mes amis.
Je trouve que l'amitié c'est aussi important que l'amour, mais c'est quelque chose qui se travaille.
Vous ne pouvez pas être ami avec quelqu'un si vous échangez des SMS, si vous mettez des likes sur Instagram, ça ne marche pas pour moi. Il faut se voir, il faut se voir dans la vraie vie. Si on peut pas il faut prendre le temps de se parler au téléphone et ou de faire des FaceTime pour qu'on voit le visage des uns et des autres. L'amitié, c'est une petite plante qu'il faut arroser c'est délicatement et avec beaucoup d'assiduité. Et donc j'ai attache beaucoup d'importance à mes amis, et à ma famille bien sûr."
Votre succès n'est plus n'est plus à prouver. Vous avez vous n'auriez même pas besoin de faire de la promo...[Elle coupe la question] "Non pas du tout ! je vous le dis en toute honnêteté, beaucoup d'écrivains sont concernés, nous avons beaucoup moins vendu pendant le Covid par exemple, avec la fermeture des librairies. Et puis on a tendance à croire que parce qu'on a eu un immense succès il y a quelques années, on a toujours ce même succès, ce n'est pas le cas.
Je vous le dis en toute honnêteté, je suis transparente avec vous, le succès que j'ai eu avec Elle s'appellait Sarah, il y a déjà presque 18 ans, ce n'est plus la même chose aujourd'hui. Mes années glorieuses, c'était est une aventure totalement à part. C'est un roman qui s'est vendu énormément dans le monde entier, j'aimerais bien retrouver ça, mais j'en doute un peu.
J'ai la chance d'avoir bien sûr des lecteurs qui sont en rendez-vous, mais il faut faire de la promotion parce que les livres ne se vendent pas tout seuls.
Il faut aller à la rencontre des lecteurs, il faut écouter les journalistes, et il faut aller sur les réseaux sociaux, il faut rivaliser d'inventivité pour ne pas parler plus de soi et donner envie quand même.
Après, au-delà de toutes ces histoires de vente de chiffres, j'aimerais vraiment que que mes lecteurs, vos lecteurs prennent du plaisir avec ce livre là, parce que moi j'ai pris un plaisir fou en l'écrivant, je n'avais pas retrouvé un tel plaisir d'écriture depuis très très longtemps.
J'ai adoré écrire ce livre, je l'ai écrit en neuf mois dans les deux langues, en anglais et en français, puisque j'ai cette chance d'être bilingue, et je voudrais que ma lectrice, mon lecteur, ait le même plaisir à le lire."
Vous avez fait beaucoup de choses, vous avez écrit des romans, des nouvelles, vous avez travaillé avec votre fille, vous avez adapté vos romans au cinéma. Y'a t'il quelque chose que vous rêveriez de faire et que vous n'avez pas encore réussi à faire ?"J'ai fait partie d'une équipe de scénaristes pour écrire des séries et j'ai adoré faire ça, mais malheureusement à chaque fois nos efforts, à la dernière étape n'a pas marché. Nous sommes allés assez loin dans les développements des idées, j'ai dû faire ça deux trois quatre fois, et donc j'aimerais bien un jour que qu'un projet de série aille jusqu'au bout. J'ai eu la chance de travailler sur le film Eiffel, j'ai aidé à la construction du scénario. Ca a été une expérience formidable, j'ai adoré faire ça."
Propos recueillis par Matthieu Perrinaud
