L’ouverture générale de la pêche aura lieu le samedi 9 mars. 1,5 million de pêcheurs sont dans le collimateur des associations animalistes, relayées dans les conseils municipaux des métropoles par les groupes écologistes. Ce qui est reproché aux pêcheurs amateurs ? Le fait qu’ils relâchent le poisson.
Les pêcheurs à la ligne vont-ils se rendre en masse aux urnes ? Leur réputation d’abstentionnistes invétérés pourrait être remise en cause par l’attaque en règle dont fait l’objet leur loisir favori dans plusieurs villes de France, et notamment dans la capitale.
Le 9 février, le groupe écologiste au Conseil municipal de Paris a de nouveau mis à l’ordre du jour le vœu de l’interdiction de la pêche de loisirs « dans les étangs des bois de Vincennes et de Boulogne ». « La consommation du poisson pêché y est interdite (N.D.L.R. : en raison de la pollution), comme dans la Seine et l’Ourcq, donc il ne peut s’agir que d’une pêche de loisirs », a argumenté Corine Faugeron, pour le groupe écologiste.
La question de la maltraitance animale prise en compte par l'Assemblée nationaleCe vœu n’a pas été adopté mais l’argument est martelé depuis plusieurs années, à Paris et dans d’autres métropoles, « comme Rennes, Lyon ou Bordeaux », énumère Claude Roustan, président de la fédération nationale de la pêche en France (FNPF).
Celui qui représente « 1,5 million de pratiquants » reste confiant : « un conseil municipal ne peut pas interdire la pêche sur un fleuve comme la Seine, qui relève du domaine public fluvial. Il faudrait changer la loi ».
Au Conseil de Paris, les écologistes ont reçu le soutien du groupe indépendant et progressiste, co-présidé par Pierre-Yves Bournazel. Cet ancien député Horizons (dans la précédente mandature) relève que : « la question de la maltraitance animale est un sujet qui faisait sourire dans l’Hémicycle il y a encore dix ans et nous avons réussi à faire passer une loi en 2021 ».
L’élu parisien, qui a grandi en Corrèze, est convaincu « qu’à partir du moment où les poissons peuvent ressentir cette souffrance, il nous appartient à nous, humains, d’adopter d’autres comportements. Pourquoi faire souffrir pour rien ? ».
L’association animaliste PAZ (Paris animaux zoopolis), pour qui « les animaux ne sont pas des jouets », est en pointe dans la défense des poissons. S’ils espèrent une victoire totale et « philosophique », sur la notion même de pêche de loisirs, les animalistes ont déjà obtenu de certaines collectivités l’interdiction de la pêche au vif (quand les carnassiers sont appâtés par un petit poisson). Les hameçons dotés d’ardillons sont également dénoncés comme trop cruels : cette pointe finale inversée « ferre » mieux le poisson mais déchire les chairs. L’ardillon représente d’ailleurs un danger pour le pêcheur lui-même.
Les pêcheurs revendiquent la protection des milieux aquatiquesLe réempoissonnement des cours d’eau et plans d’eau, s’apparente encore, pour les défenseurs des animaux, « au lâcher de gibier d’élevage pour l’ouverture de la chasse ».
« Tout ça c’est bien beau, mais ce sont les pêcheurs et pas les animalistes qui se mobilisent pour aller sauver les poissons lorsqu’il n’y a plus d’eau dans les rivières »
Les fédérations de pêche revendiquent la « protection du milieu aquatique » et travaillent main dans la main avec les gestionnaires de l’environnement.
La pêche urbaine ou « street fishing » a le vent en poupe mais les élus écologistes des métropoles pourraient tout aussi bien s’en prendre aux pêcheurs de truites du Massif central, aux carpistes du Centre Val de Loire ou aux pêcheurs de carnassiers de Bourgogne.
Le no kill est pratiqué hors des villesLe « no kill », et donc le fait de relâcher l’animal, est tout aussi répandu dans les eaux douces où le poisson est consommable. Le président national des pêcheurs revendique l’« éducation » dispensée dans les écoles de pêche, « où l’on apprend à manipuler le poisson sans le blesser, à le relâcher sans le sortir de l’eau ». Le nombre d’adolescents qui se mettent à la pêche de loisirs « augmente de 15 % par an », se félicite Claude Roustan.
« Il ne s’agit pas de dire qu’il y a des bons et des méchants (...) mais il faut qu’il y ait des précurseurs pour éveiller les consciences ».
Sur la question des « appâts naturels », en viendra-t-on un jour à légiférer sur le sacrifice des sauterelles et des asticots ? Les pêcheurs parisiens pourraient trouver des alliés chez les… nageurs. La perspective, prochaine, de l’autorisation de la baignade dans la Seine, devancera peut-être le retour de la possibilité d’en consommer le poisson.
Julien Rapegno