Il est sans doute le syndicaliste qui a marqué les dernières décennies clermontoises. Au terme de cinquante ans de syndicalisme, Frédéric Bochard vient de prendre sa retraite. Mais qu’importe, “le combat continue.”
Vingt ans sur tous les fronts ! Depuis son arrivée à Clermont-Ferrand en 1998, Frédéric Bochard est de toutes les manifs. Impossible de rater sa silhouette massive de rugbyman et sa voix tonitruante au micro d’un camion syndical garé devant la préfecture ou une entreprise en grève, les drapeaux rouges FO qui flottent dans le vent.
Souvenirs de 1968Vingt ans à la tête de FO 63 mais tout a commencé bien avant, et ailleurs, tout au nord de la France, dans son Aisne natale : “Je me souviens évidemment très bien de 1968. J’avais 12 ans. J’allais sur les piquets de grève avec mon père, à l’arrière de son Solex”.Il habite une cité ouvrière, avec deux parents encartés au PSU (l’aile gauche du PS), et une mère syndicaliste FO.Bref, son avenir semble tout tracé, d’autant qu’il est habité d’une solide volonté de changer le monde. Le trotskisme lui paraît la meilleure école : “Je voulais m’émanciper d’un système économique violent qui mène l’humanité à sa perte. C’est toujours d’actualité, et je suis toujours trotskiste”.Et pour changer le monde, Frédéric Bochard a sa méthode : ”Il faut s’organiser. Et pour s’organiser, il faut être syndiqué !”
Syndicat étudiantAussi, dès qu’il entre en faculté de lettres où il passera un DEA, Frédéric rentre à l’Unef-ID, le syndicat étudiant de gauche. Les rapports avec FO sont cordiaux. FO apporte une aide logistique et matérielle à son syndicat, et c’est tout naturellement, quand il quitte son statut d’étudiant pour devenir professeur, qu’il glisse à FO.Quand il devient professeur, dans un lycée professionnel, le monde enseignant est syndicalement dominé par la Fédération de l’éducation nationale (FEN, qui deviendra l’Unsa et la FSU). Doucement mais sûrement, il y implante FO, avec un souvenir marquant : “Les luttes de 1995 contre le plan Juppé qui voulait généraliser aux fonctionnaires les mesures imposées aux salariés du secteur privé”. La grève dure trois semaines et le résultat est mitigé : le gouvernement lâche sur les retraites mais tient sur la sécurité sociale. ” Je n’oublierai jamais ces piquets de grève dans le froid de décembre autour des braseros et ces discussions passionnées avec les collègues, et surtout cette phrase de l’un d’eux : “On ne mangera pas de foie gras à Noël. On achètera du pâté de foie, mais on sera debout. On n’a pas gagné, mais on n’a pas perdu non plus”.
Une manif... comme tant d'autres !
Il aurait pu poursuivre sa vie professionnelle et syndicale à Saint-Quentin, mais sa femme, également enseignante, obtient une mutation à Clermont, sa ville natale. Il la suivra et tombera amoureux… de sa région : “Pour moi qui viens du plat pays, Clermont, c’était exotique. Un pays de montagnes et de nature sauvage à portée de main. Et puis c’était le midi. Une cité occitane à tuiles romanes”.Mais il ne perd pas son temps dans les volcans : dès son arrivée, il devient secrétaire FO des lycées et collèges du Puy-de-Dôme, l’année suivante secrétaire général adjoint de l’Union départementale, et enfin secrétaire général en 2004.Frédéric Bochard devient vite incontournable dans l’univers syndical puydômois. Chez les concurrents, les secrétaires généraux passent, lui reste. Et à l’heure du départ, il s’enorgueillit d’un résultat un peu "brejnevien" : un rapport d’activité adopté à 100 %, des orientations adoptées à 100 %… et des nouvelles instances élues à 100 %.
Force syndicaleEt pas un regret, même quand on évoque le dernier combat perdu contre les retraites. Il faut dire qu’au terme de près d’un demi-siècle de syndicalisme, Frédéric a réponse à presque tout : “Un échec ? On ne peut pas dire ça !” Et il développe : “Les organisations syndicales qu’on disait en perte de vitesse ont mobilisé la France entière. Le mouvement populaire et nos mots d’ordre ont été soutenus par une immense majorité de la population. Et pour terminer, même si le gouvernement a fait passer son texte, il n’a jamais été voté par le parlement”.Du coup, pour lui, le texte n’est pas gravé dans le marbre : “Quelle est sa valeur ? Quel avenir pour une réforme qui a été rejetée par tous ?”. Et de planter le dernier clou : ”Une constitution qui permet ça est antidémocratique !”. Bref, quand il s’agit de combat social, ne laissez jamais parler Frédéric Bochard. L’homme a autant de répartie que de convictions.Et prenez garde : même s’il est désormais officiellement à la retraite, “le combat continue. Je continuerai à soutenir des mouvements, mais plus comme secrétaire général !” Bref, on pourrait bien l’entendre encore un peu !
Arnaud VernetSecrétaire générale de F.O. Puy de Dome pendant 20 ans.