"Le défi du siècle". C’est, avec un peu d’emphase, la façon dont le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires abordera le sujet de la rénovation thermique des bâtiments publics, et des écoles en particulier, lors d’une réunion dédiée, le 9 mai. Seront conviés élus, acteurs du bâtiment et de la finance et Caisse des dépôts, sous la présidence du ministre Christophe Béchu, pour redonner un nouveau souffle à ce chantier, remis au goût du jour par Emmanuel Macron lui-même, dans un échange avec les lecteurs du Parisien, le 24 avril. Le président avait alors déclaré vouloir "lancer un grand projet de restauration écologique [des] écoles". La fin des doigts engourdis l’hiver et des classes étouffantes l’été ?
"L’enjeu est majeur, explique Christophe Béchu à L’Express. Il est à la fois climatique et budgétaire et concerne le bien-être des usagers de ces bâtiments." Mairies de villages, collèges, hôpitaux, préfectures… Le parc immobilier public français représente de l’ordre de 400 millions de m2. Les trois quarts sont du ressort des collectivités locales, dont une moitié dédiée à l’enseignement scolaire. Dans un contexte de facture énergétique salée, l’intérêt pour le sujet grandit dans les collectivités, d’autant que, selon des chiffres de l’Ademe de 2019, les bâtiments concentrent près de 80 % de leur consommation énergétique, et plus des deux tiers de leurs dépenses en énergie.
L’Etat est attendu au tournant sur la question du financement. "Lors de cette réunion, nous allons mettre l’accent sur le fonds vert, voté en décembre dernier", répond Christophe Béchu, évoquant cette enveloppe de 2 milliards d’euros destinée à accélérer la transition énergétique dans les collectivités territoriales. "Des milliers de dossiers ont été déposés. Sur le premier millier accepté, on compte 170 écoles, qui vont bénéficier au total de 35 millions d’euros d’aides". Christophe Béchu nous confirme aussi que ce fonds vert "va être pérennisé".
L’éventail des actions éligibles est large, du pilotage des systèmes de chauffage à l’isolation de la toiture, de la déminéralisation/végétalisation des cours de récréation à la réhabilitation lourde. "En juin 2022, les conditions du bac avaient été dégradées, et cela va empirer car les plages de forte chaleur vont s’étendre de mai à octobre, souligne Guillaume Dolques, chargé de recherche Adaptation et Collectivités chez I4CE, l’Institut de l’économie pour le climat. Nous appelons donc à ce que le sujet de l’adaptation soit bien intégré. Chaque projet de rénovation doit se poser la question de la rénovation thermique, avec une vision à 30 voire 50 ans".
Le ministre compte aussi présenter un dispositif fraîchement voté : le tiers-financement, désormais accessible aux collectivités. Ce nouvel outil, dont les décrets d’application sont en cours de rédaction, leur permettra de solliciter un tiers (opérateur privé, société d’économie mixte, société publique locale, …) pour préfinancer les travaux. Le remboursement est ensuite étalé dans le temps, selon les capacités de la collectivité locale et le "tiers financeur" se rémunère sur la base des économies d’énergies réalisées grâce à cette rénovation. Toutefois, le tiers-financement "ne résoudra pas l’enjeu central de la massification (des) investissements", jugeait en début d’année François Thomazeau, chef de projet Collectivités et Financement public de I4CE, dans une tribune. Malgré des données partielles, l’institut s’est risqué à des chiffrages qui traduisent l’ampleur de la tâche. "Nous estimons les investissements nécessaires de l’ordre de 4 à 5 milliards d’euros par an pour l’ensemble des bâtiments publics, dont près de 3 milliards pour les seules collectivités territoriales, plus du double de ce qui est investi aujourd’hui" pointe l’un de ses rapports. Il est donc temps d’accélérer le mouvement pour se placer dans la trajectoire du "décret tertiaire" de 2019, qui impose à tous les bâtiments tertiaires d’au moins 1000 m2 une réduction de leur consommation d’énergie par rapport à 2010 de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050.
Maire de Périgueux et coprésidente de la commission Education de l’Association des maires de France, Delphine Labails plaide pour l’établissement d’une "méthodologie qui comprendra un diagnostic, l’élaboration d’un cahier des charges avec les élus et un plan de financement. A partir de là, nous pourrons travailler. L’octroi par la Banque des Territoires [NDLR : branche de la Caisse des dépôts] de prêts à taux zéro serait une vraie piste de travail !". Ce n’est pas celle explorée à ce stade. La Banque des Territoires, en revanche, présentera mardi une offre spécifique d’appui à l’ingénierie dédiée aux écoles. Le sujet est important, surtout pour les petites collectivités. "Les freins principaux ne sont pas uniquement financiers, reconnaît Kosta Kastrinidis, directeur des prêts à la Banque des Territoires. Les collectivités ont besoin d’accompagnement en ingénierie pour déterminer les bâtiments à prioriser, la nature des travaux à conduire, l’assistance à maîtrise d’ouvrage, et pour s’assurer que les résultats attendus seront au rendez-vous."
Les 190 000 bâtiments de l’Etat font aussi l’objet de réflexions. "Un groupe de travail dédié à la rénovation des bâtiments de l’Etat rendra un arbitrage d’ici un mois", nous indique le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques.