La Corrèze n’est ni la Provence, ni les Landes. Mais son territoire se retrouve de plus en plus dans des conditions qui pourraient donner naissance à un grand feu de forêt. La valeur haute des projections climatiques (Selon Climadiag, les projections climatiques de Météo France) montre une explosion du nombre de jours avec un risque significatif de feux de végétation. Un nombre multiplié par sept sur le territoire de haute Corrèze communauté, par dix dans l’agglo de Tulle et par quatorze dans l’agglo de Brive !
Comment le département est-il équipé pour faire face ? Quels sont ses atouts et ses faiblesses ? Tour d’horizon avec le lieutenant-colonel Marc Mazaleyrat, conseiller technique feux de forêt du service départemental d’incendie et de secours (Sdis).
1. Points d’eau : jusqu’ici tout va bien…Pendant longtemps, la pluviométrie régulière de la Corrèze a permis aux pompiers de trouver à proximité des incendies des plans d’eau, des étangs, des rivières où s’approvisionner, à l’exception du secteur du Causse, où le maillage est un peu plus lâche. "On a besoin de points d’eau proches du sinistre éventuel", souligne le lieutenant-colonel, qui rappelle que lorsque les pompiers attaquent un feu, la lance envoie 500 litres par minute. Résultat : en huit minutes, la cuve du véhicule est vide.
"Globalement, on a quand même un maillage qui nous permet de faire face la plupart de l’année. Mais que sera demain, avec l’évolution climatique ? Il suffit de quelques semaines sans pluies pour que la végétation soit en état de souffrance." Et quand le niveau et le débit des rivières sont trop bas, impossible de pomper…
Lutte contre les incendies : on vous fait visiter l'intérieur du légendaire canadair en exercice en Corrèze
2. Entretien des forêts : il va falloir changer de cultureLa Corrèze a déjà vécu quelques grands feux dans l’histoire de sa jeune forêt : en 1956 notamment, plus de mille hectares avaient brûlé près de Meymac. Mais rien à voir avec les Landes ou le sud-est, où une réglementation officielle impose des zones pare-feu, un débroussaillage obligatoire autour des habitations, de part et d’autre des voies d’accès…Des pompiers corréziens sur le feu de Landiras, à Hostens, le 19 juillet 2022. Photo Stéphanie Para
Pourtant, en Corrèze, "49 % du territoire, c’est de la forêt, rappelle Marc Mazaleyrat. On est un terrain à risque. Et avec 40 % de résineux, on est vite en risque sévère…" Or, les forêts corréziennes n’ont pas de zones pare-feux, par exemple. "Ce n’est pas la culture, et puis en Corrèze, ce sont des petites parcelles de trois ou quatre hectares qui ont été plantées, donc on a utilisé toute la surface disponible… Mais si les conditions climatiques continuent à évoluer, la règlementation évoluera."
Conseils aux particuliersEn débroussaillant autour de votre habitation, vous cumulez deux avantages : vous diminuez les risques de voir arriver les flammes sur votre terrasse, mais aussi, "vous ne serez pas à l’origine d’un feu. Ce qu’il faut enlever, ce sont les branches sèches, les broussailles toutes sèches." Autre bonne idée : débarrasser les gouttières des aiguilles et des feuilles sèches, qui pourraient s’enflammer en cas de projections.Entretenir des points d’eau et les chemins : "si vous possédez un point d’eau, il faut continuer à l’entretenir. Et, surtout, il faut conserver des accès. Parfois, la végétation est telle qu’on peut tout juste passer avec une voiture, donc on ne passe plus avec les camions.On estime que 80 % des feux sont d’origine anthropique. "Cela comprend les départs volontaires et les accidents", précise le spécialiste. Certaines précautions sont indispensables : jeter ses mégots dans des cendriers, utiliser un espace adapté pour le barbecue, être vigilant si l’on bricole en plein air…
3. Forces humaines : des spécialistes face aux flammesPhoto Stéphanie ParaLa Corrèze possède une école départementale feu de forêt, "ce qui n’est pas le cas de tous les départements", insiste Marc Mazaleyrat. Elle se situe au sein de l’école forestière de Meymac, un atout considérable puisque les pompiers qui y sont formés (une très grande majorité des 1.200 pompiers corréziens) acquièrent une connaissance de la forêt. "Il y a aussi des techniques spécifiques de lutte contre le feu de forêt, qui est un élément vivant, mobile", rappelle le spécialiste.
Pour celles et ceux qui voudraient venir grossir les rangs, un peu de patience : "on laisse trois ans aux gens pour se former sur la totalité des missions. Certains y parviennent en un an, tout dépend du temps que l’on a à donner."
4. Pas d’alerte sur le matériel"La Corrèze a fait un gros effort depuis des années, résume le lieutenant-colonel. Pratiquement chaque centre de secours est équipé de deux engins de lutte contre les feux de forêt et quand ce n’est pas le cas, il y en a un et un véhicule polyvalent. Ce qui fait qu’on a une force de frappe équivalente à treize groupes d’intervention de feux de forêt (chaque groupe réunit un engin de commandement et quatre engins de lutte, Ndlr)."Un canadair en exercice en Corrèze, le 28 avril 2023. Photo Stéphanie Para
5. Revue d’effectifs : attention au point de ruptureEn 2022, le Sdis 19 a fait partir ses moyens sur des feux de forêt dans le département à 295 reprises. "70 hectares ont brûlé : ce n’est pas négligeable, c’est un signe." Mais une vingtaine de pompiers corréziens étaient aussi engagés, de début juillet à mi-septembre, en renfort dans le Gard puis en Gironde. "L’an dernier, on a été pratiquement à la limite de la rupture capacitaire, prévient Marc Mazaleyrat. C’était le cas partout en France. S’il y avait eu une autre grosse intervention, ça aurait été compliqué. On était à la limite de craquer : il n’y avait plus de réserve."
Spectaculaires, effrayants, dévastateurs, les feux de forêt sont aussi épuisants. "Ce sont des interventions très physiques, rappelle-t-il, qui peuvent durer plusieurs heures ou plusieurs jours dans des conditions parfois extrêmes."Des pompiers corréziens sur le feu de Landiras, à Hostens, le 19 juillet 2022. Photo Stéphanie Para
Pomme Labrousse