Le Sénégal, de par son histoire, a connu plusieurs crises majeures parfois, mais il s’est toujours trouvé une médiation d’une personne-ressource pour éviter que le pays n’aille vers le clash. C’est le cas avec l’ancien Président Abdou Diouf, qui, durant son règne, n’hésitait pas à chaque crise avec l’opposition, à solliciter les services de Famara Ibrahima Sagna qui, en bon médiateur, parvenait toujours à désamorcer les bombes, en ramenant chez les uns et les autres, la sérénité.
D’ailleurs, la situation qui prévaut aujourd’hui, n’est pas sans rappeler celle qui prévalait à la veille de l’alternance de 2000. Face à une radicalisation de l’opposition, avec Me Wade comme chef de file, qui clamait à qui voulait l’entendre «l’alternance ou la mort», Abdou Diouf, après avoir fait une lecture froide et lucide de la situation, avait posé les jalons d’un scrutin apaisé.
Conscient du fait que le processus de démocratisation était devenu irréversible, Abdou Diouf avait fait preuve de sagesse et de grandeur, en acceptant de faire des concessions pour éviter de plonger le pays dans d'affreuses confrontations qui pouvaient lui coûter cher. C’est ainsi qu’à deux ans de l’élection de 2000, il avait nommé le Général Lamine Cissé, en lui confiant comme seule et unique mission, l’organisation d’élections «impartiales», «libres», «régulières» et «transparentes».
Entre Abdou Diouf et Me Wade, il y avait certes une rivalité politique intense, mais les deux se respectaient mutuellement, ce qui rendait facile les négociations. Ce qui ne semble pas être le cas aujourd’hui, car l’adversité entre Macky Sall et ses opposants, plus particulièrement Ousmane Sonko, a viré en une inimitié profonde, qui risque de mener à un «mortal combat» entre un Macky Sall décidé à se payer «la peau» d'Ousmane Sonko, qui, en retour, est déterminé à la vendre chèrement.
Face à cette situation, le pays en est encore à se chercher un médiateur, un arbitre, une structure diligente, pour éviter la confrontation qui se profile à l’horizon tout proche. Et nul doute que s’il doit y avoir arbitrage, on l’attend du côté de l’État.
Seulement, le constat est que le gouvernement d'en face, n’a jamais accepté que les institutions jouent leur rôle, à cause de sa propension à vouloir toutes les caporaliser. En procédant de la sorte, il a fini par jeter le discrédit sur elles. Parce que, quand on va, aujourd’hui, jusqu’à taxer des magistrats et le personnel du commandement territorial, de politiciens, c’est dû au fait que le gouvernement n’a jamais accepté que leur arbitrage se fasse en toute impartialité.
Donc, face à la montée actuelle des périls, nul ne sait qui va stopper la spirale de la violence qui s’annonce, étant donné que l’État a vendangé tous les atouts dont il disposait pour pacifier l’espace public, comme l’approfondissement des acquis engrangés par ses devanciers, les conclusions des Assises nationales, le rapport de la Cnri, le dialogue national, etc.
Malheureusement, le Président Sall n’a pas voulu mettre ces opportunités au profit du pays, préférant une gestion solitaire du pouvoir. Et ce qui inquiète le plus, est qu’au moment où la situation se raidit de jour en jour, le pouvoir, pour le moment, ne montre aucune volonté de négociation, préférant bander les muscles, alors qu’il a toutes les cartes en main pour pacifier l’espace politique.
Les arrestations tous azimuts et les interdictions systématiques de manifestations ne font que rendre la situation plus compliquée, car pouvant pousser à une radicalisation qui peut déboucher sur des débordements. Et ce qui s’est passé vendredi à Mbacké en est une illustration parfaite.
Donc, au lieu d’interdire systématiquement les manifestations, l’État doit parfois pouvoir lâcher du lest, en laissant les gens jouir des droits que leur confère la Constitution. D’autant que parfois, un refus de manifester peut avoir des conséquences plus fâcheuses qu’une simple autorisation administrative. D’ailleurs, le constat est que toutes les manifestations autorisées n’ont jamais fait l’objet d’un quelconque débordement. Au contraire, les organisateurs ont toujours fait preuve de civisme, en nettoyant la place une fois la manifestation terminée.
Malheureusement, aujourd’hui, l’interdiction de manifester est en passe de devenir la règle, alors qu’elle devrait être l’exception, étant donné que le pouvoir a procédé à un recrutement massif de gendarmes et de policiers et s’est payé toute une logistique, le tout avec l’argent du contribuable.
Donc, au lieu de réprimer, il ferait mieux d’encadrer les manifestations, c’est aussi simple que cela. Aujourd’hui, l’incertitude, l’angoisse et la crainte d’un basculement, sont des sentiments des mieux partagés au sein de la population. Voilà finalement, où peut mener cette volonté du pouvoir à réduire son opposition à sa plus simple expression, en dehors de tout principe et de toute règle de démocratie. Le comble ! Pour un pays qui connaît une exception démocratique plus que centenaire !
Tribune